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Dans une prison du nord syrien, des jihadistes entassés par milliers


La prison abrite près de 5 000 détenus, dont des dizaines d'enfants. Il y a parmi eux des Français, des Allemands, des Belges ou des Britanniques. (photos AFP)

Derrière la lourde porte en fer, ils s’entassent par dizaines dans une étroite cellule, tellement serrés qu’ils peuvent à peine bouger, visage émacié et corps décharné dans leur uniforme orange de prisonnier.

Hommes, adultes mais aussi mineurs, de diverses nationalités : tous sont accusés d’être des jihadistes de l’État islamique (Daech) qui faisaient encore régner la terreur il y a moins d’un an dans le pays ravagé par la guerre.

Cette prison est tenue par des combattants kurdes restés maîtres de secteurs du nord-est syrien. Dans le poste de surveillance, un gardien a les yeux rivés sur les écrans des caméras qui filment en permanence les prisonniers dans leurs cellules. Partout, on y voit des hommes allongés et recroquevillés sur des matelas à même le sol, parfois torse nu, en quête d’un peu d’air en s’éventant avec des bouts de cartons.

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Située dans la province de Hassaké frontalière de la Turquie, la prison abrite près de 5 000 détenus, dont des dizaines d’enfants. Il y a parmi eux des Français, des Allemands, des Belges ou des Britanniques – les autorités de la prison ne donnent pas leur nombre. Selon le directeur de la prison, il y a aussi des détenus « des États-Unis », toujours là malgré les appels répétés du président Donald Trump aux Européens à rapatrier leurs propres ressortissants. La plupart des prisonniers sont Irakiens ou Syriens, et parmi les détenus arabes figurent des Tunisiens, des Marocains et des Saoudiens.

Les portes pourraient céder

Avec le chaos sécuritaire provoqué par la récente offensive turque contre les forces kurdes du nord syrien, le sort des milliers de prisonniers jihadistes a ravivé les inquiétudes des Occidentaux, qui craignent un retour dans leur pays d’origine : focalisées sur les combats, les forces kurdes avertissent que les portes de leurs prisons pourraient bien s’ébranler un jour.

« Les prisonniers n’ont aucun lien avec l’extérieur. Ils ne voient le soleil que s’ils sont transférés vers l’infirmerie », explique le directeur de la prison, qui se présente sous le pseudonyme de Serhat. L’infirmerie de la prison accueille plus de 300 blessés ou amputés, les plus gravement touchés lors des batailles sanglantes pour défendre le « califat », qui a fini par s’effondrer en mars sous les coups des forces kurdes appuyées par la coalition internationale emmenée par Washington. Certains ont des bandages autour du crâne, au bras, ou à la jambe. D’autres s’appuient sur des béquilles ou se déplacent en fauteuil roulant. Il y au total dans la prison environ 1 500 blessés ou malades, dont une cinquantaine de cas d’hépatite et deux prisonniers atteints du sida, selon le directeur.

Avant d’accéder à l’infirmerie, une vaste pièce soutenue par de massifs piliers en béton, il faut mettre un masque médical. Pour se protéger des infections mais aussi de l’odeur pestilentielle qui envahit l’air malgré de gros ventilateurs. Dans leurs cellules, les jihadistes passent leur temps comme ils peuvent, allongés sur des matelas en mousse, chapelet à la main. Des latrines sont dissimulées dans un coin, derrière une bâche en plastique.

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« Je veux rentrer »

« Je veux quitter cette prison, retourner dans ma famille », dit Aseel Mathan, un Britannique de 22 ans. Originaire du Pays de Galles, il affirme être arrivé à 17 ans au Moyen-Orient. Selon son récit, il a d’abord rejoint son grand frère Nasser à Mossoul, un ancien bastion de Daech en Irak. A la mort de ce proche, il est parti à Raqqa, l’autre grand fief jihadiste de l’époque, dans le nord syrien. « Je veux rentrer en Grande-Bretagne », répète-t-il.

Aujourd’hui, quelque 12 000 jihadistes syriens et irakiens mais aussi 2 500 à 3 000 étrangers originaires de 54 pays sont détenus par les forces kurdes, dans plusieurs centres de détention. La prison de Hassaké accueille surtout des irréductibles restés avec l’organisation ultraradicale jusqu’aux dernières heures à Baghouz, ultime bastion dont la chute a sonné le glas du « califat ».

Un garde hésite à ouvrir le mouchard d’une cellule. « Ceux-là sont dangereux », prévient-il. Il y a environ un mois, raconte le directeur, des prisonniers ont tenté de lancer une mutinerie en faisant croire qu’un des leurs était malade. Les gardes sont entrés mais ont réussi à contenir l’attaque des détenus. Parfois, dit-il, des jihadistes en cavale « s’approchent de la prison et ouvrent le feu, pour montrer aux détenus qu’ils sont toujours là ». Washington a reconnu que plus de 100 prisonniers de Daech s’étaient échappés depuis le lancement de l’opération turque en Syrie, le 9 octobre.

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Des enfants seuls

Dans la prison de Hassaké, des dizaines de garçons parfois à peine adolescents ont été mis dans la même cellule : ce sont des « lionceaux du califat », le nom donné par la propagande de Daech aux enfants du groupe. Seul adulte avec eux, un chirurgien orthopédique fait prisonnier dans la région de Baghouz. Khaled, originaire d’Asie centrale, sort la tête de la lucarne de sa cellule pour observer les visiteurs, souriant au garde qui lui demande de calmer ses camarades aussi curieux que lui. « Reculez ! », lance l’orphelin de 9 ans aux autres enfants. Derrière lui, un adolescent tunisien de 13 ans clame vouloir rentrer dans son pays. « Je suis seul maintenant, j’attends de sortir. » Lui aussi est orphelin, après avoir perdu sa famille dans un bombardement.

Bassem Abdel Azim, 42 ans, est blessé à la jambe. Égypto-Néerlandais, il faisait partie des irréductibles de Baghouz. Il raconte être venu en Syrie avec sa femme qui « ne savait pas » où il la conduisait. « J’ai peur qu’elle soit punie. Ce n’est pas sa faute, c’est la mienne », assure ce père de cinq enfants, dont l’aîné à 11 ans et qui a perdu toute trace de sa famille. « J’espère revoir ma femme, confie-t-il. Après ils peuvent me pendre ».

LQ/AFP

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