La Croix-Rouge luxembourgeoise connaît bien la crise. Les crises, pour être précis. De l’aide sociale à l’aide internationale, il s’agit de répondre à toutes les urgences.
Il faut remonter à juin 1859 pour comprendre l’origine du mouvement humanitaire, lorsque Henry Dunant – considéré comme son fondateur – constate l’horreur sur le champ de la bataille de Solférino, en Italie, et organise spontanément la prise en charge des soldats blessés et des malades, avec des civils «recrutés» parmi la population locale. C’est ainsi que la Croix-Rouge internationale est «née de situations de crise, depuis plus de 150 ans», a rappelé mercredi Michel Simonis, directeur général de l’organisation luxembourgeoise, au moment de dresser le bilan des activités et la stratégie à mener d’ici à 2030.
Un héritage autant génétique qu’historique qui fait des volontaires de la Croix-Rouge «des urgentistes» intervenant sur tous les terrains de conflit. «Nous poursuivons une longue tradition d’appui et de soutien, dans tous les contextes. Il ne s’agit pas seulement de faire un chèque, mais de déployer nos équipes et d’être en capacité de répondre au mieux aux besoins des populations en détresse», insiste Michel Simonis. Et la détresse prend aujourd’hui autant de formes que les crises sont multiples : humanitaire, sociale, sanitaire, climatique… Jusqu’à la guerre en Ukraine. «Nous ne pouvions pas prévoir que la Russie envahirait un pays voisin, mais il faut y faire face.»
Les «urgentistes» luxembourgeois y font justement face. Même si cela ne date pas d’hier. Voici plus de trente ans que des équipes sont présentes principalement dans le Donbass, dont ces huit dernières années dans l’oblast de Donetsk, pour permettre notamment la reconstruction d’établissements hospitaliers. Déjà, selon les chiffres détaillés par Rémi Fabbri, directeur de l’Aide internationale, les volontaires ont œuvré à la réhabilitation de neuf bâtiments médicaux et deux structures d’urgence bombardés autour de Kramatorsk. L’aide grand-ducale s’est étendue à la Moldavie voisine, terre d’accueil de près d’un demi-million de réfugiés depuis le début de l’offensive russe. Environ 3 000 kits d’hygiène ainsi que des équipements destinés aux personnels de secours y ont d’ailleurs été acheminés il y a quelques semaines, lors d’une mission à laquelle Le Quotidien avait pris part. À ce jour, plus de 132 tonnes d’aide matérielle ont été livrées dans les deux pays, représentant un total de près d’un million d’euros et bénéficiant à plus de 183 000 personnes.
Les enfants, plus d’un tiers des réfugiés
Voilà pour la situation sur le front. Mais l’humanitaire ne s’arrête évidemment pas aux frontières et au Luxembourg, aussi, il faut pouvoir gérer l’accueil des Ukrainiens fuyant les combats. C’est le domaine de Nadine Conrardy, directrice du département Action et Santé sociales. «Énormément de personnes ici ont ouvert leurs portes ou mis à disposition des logements inoccupés», assure-t-elle. En l’espèce, plus de 215 réfugiés sont actuellement logés dans des appartements privés et au sein de familles d’accueil. Plus de 670 ont été accompagnés dans une dizaine de structures gérées par l’Office national de l’accueil (ONA) et 594 ont eu recours aux services proposés par les vestiaires estampillés Croix-Rouge. À noter que parmi ces demandeurs d’asile, en grande majorité des femmes – les hommes étant mobilisés selon la loi martiale –, plus d’un tiers sont des enfants.
Afin de pouvoir intégrer plus aisément les arrivants, «nous avons fortement renforcé nos capacités en matière d’interprétariat et de soutien psychologique, grâce à des bénévoles», souligne en outre Nadine Conrardy. Par ailleurs, son département recense une vingtaine de demandes d’aide de familles à la recherche de proches restés sur place et dont elles n’ont plus de nouvelles. En parallèle, le service dédié aux migrants a constaté une augmentation de 14 % des demandes de protection internationale entre 2020 et 2021. Cette hausse sera probablement de l’ordre de 50 % cette année, une fois les demandes ukrainiennes intégrées aux statistiques.
Autant de défis qui génèrent de fait des besoins à financer au quotidien, entre autres de santé, nourriture et logement. Le fonds de solidarité de la Croix-Rouge sert spécifiquement à «combler les trous dans les mailles du filet social luxembourgeois», argue la direction. Des mailles qui s’élargissent toujours plus «depuis une dizaine d’années». En un an, le montant des aides accordées dans ce cadre a fait un bond de 45 % et de 124 % par rapport à 2019. Le fonds a ainsi été «très sollicité pour faire face aux impacts des effets secondaires liés au covid». Face à une pandémie comme à une guerre, il faut nécessairement s’adapter et «trouver un chemin qui fait sens». Le sort des plus vulnérables en dépend.