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Cour d’appel : «Des préjugés et des malentendus»


Mes Knaff et Says ont plaidé l’acquittement pour leurs clients condamnés à 15 ans de réclusion criminelle par les juges de première instance. (Photo: archives lq/julien garroy)

Les résultats d’une expertise ADN ont fait débat à la cour d’appel, ce mercredi. De leur interprétation dépend l’issue du procès de Yassine et Bilal, condamnés pour des home-jackings.

Yassine, 37 ans, et Bilal, 36 ans, ont été condamnés en février 2021 à 15 ans de réclusion criminelle par la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour sept faits de cambriolages et de home-jackings commis en 2017. Des infractions qualifiées de particulièrement brutales, dont l’une a consisté en l’agression d’un couple d’octogénaires à son domicile de Luxembourg-Belair, le soir du 25 novembre 2017. Les prévenus sont suspectés d’avoir suivi le couple dans le City Concorde avant de lui tendre une embuscade devant chez lui et de l’asperger de gaz lacrymogène.

Les deux trentenaires issus de la banlieue parisienne clament leur innocence, mais l’ADN de Yassine a été retrouvé sur le gilet d’une des victimes. Ils ont fait appel de leur condamnation et comparaissaient hier après-midi face à la cour d’appel.

«Nous venions au Luxembourg pour acheter des cigarettes pour les revendre et arrondir nos fins de mois», se justifie une nouvelle fois Bilal à la barre, encadré par deux agents des forces spéciales de la police. «C’est un peu cher le déplacement par semaine pour acheter pour 300 euros de cigarettes!», lance Me Penning, avocat du couple d’octogénaires, après avoir plaidé en faveur de la confirmation du jugement de première instance qui, il en est certain, ne «sera pas contredit par le nouveau rapport d’expertise ADN».

Pourtant, selon la défense assurée par Mes Knaff et Says, les deux prévenus ont été condamnés sur la base d’un dossier marqué par les contradictions et les doutes et vide de preuves et d’indices. Si ce n’est des coïncidences troublantes. Comme la présence d’une Audi A3 à proximité des lieux de certains faits ressemblant à celle conduite par Bilal… Ou les traces d’ADN de Yassine.

Or, selon Me Knaff, ce ne serait pas suffisant pour relier Bilal aux faits, même si la 13e chambre criminelle avait conclu à l’association de malfaiteurs. Il a contesté les résultats de la première expertise ADN. Car si Yassine n’était pas sur les lieux, son client non plus dans ce cas. Il a demandé à la cour «d’écarter de son délibéré la première expertise» qui «contient trop de zones d’ombre» et a estimé que la présence de l’ADN de Yassine sur le gilet de l’octogénaire ne pouvait être «prouvée en l’absence de tout doute». La première experte avait conclu à «un mélange minoritaire d’ADN compatible à celui de Yassine», «complexe à exploiter». Pour l’avocat, «l’affaire repose sur des préjugés et des malentendus». Il a plaidé l’acquittement de son client sur toute la ligne.

Confirmation du premier jugement

L’avocat omet que Yassine présente trois allèles dont la fréquence dans la population est extrêmement rare et que les prévenus ont déjà fait l’objet de plusieurs condamnations pour vol à main armée et avec violence.

Me Says, l’avocat de Yassine, se rallie aux conclusions de son confrère. «La seule présence de mon client au City Concorde le jour des faits n’est pas suffisante pour le relier au home-jacking du couple d’octogénaires», estime-t-il et le rapport d’expertise ADN est à prendre avec des pincettes. Lui aussi pense que la cour devra revoir le dossier «sous l’aspect de l’obligation de preuve». Les éléments objectifs et les preuves irréfutables manquent, selon lui, à l’encontre de son client pour lequel il demande également l’acquittement.

L’avocate générale n’est pas du même avis. Elle déroule de nombreuses preuves qui relient, selon elle, les prévenus au dossier, comme les deux voitures «fils rouges» utilisées lors des faits, les bombes lacrymogènes saisies, les images de vidéosurveillance du centre commercial, des modes opératoires similaires, la photographie de la montre faite sur mesure d’une des victimes retrouvée sur le téléphone de Bilal ou encore le bornage de leurs téléphones portables. «À chaque fois, on constate un déplacement de la région parisienne vers Thionville où les téléphones bornent avant et après les faits, puis un retour en région parisienne», relève l’avocate générale.

Sur le banc des prévenus, les deux complices présumés baissent la tête, mains jointes. La magistrate a demandé la confirmation du jugement de première instance. Elle a rejeté les conclusions de l’expert de la défense sur l’expertise ADN, qui souligne des «erreurs», et s’en tient au premier rapport. «On est en présence de spéculations», s’emporte Me Says. «Rien ne prouve qu’ils étaient sur les lieux des infractions.» Il demande une confrontation entre les deux experts et réitère sa demande d’acquittement pour les prévenus. La cour d’appel rendra son arrêt le 13 juillet.

Les prévenus avaient été arrêtés à la mi-mars 2018 et sont depuis incarcérés à Schrassig. La valeur totale du butin dérobé a été estimée à 890 000 euros. En première instance, le parquet avait requis une peine de réclusion criminelle de 20 ans à l’encontre de Yassine, incarcéré en France au moment de l’un des faits, et de 22 ans à l’encontre de Bilal.

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