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[Concert] Miossec : «Dans ce métier, on est toujours un peu en sursis»


Miossec, 55 ans, un artiste qui n'a jamais cessé de se remettre en question. (©Julien T. Hamon)

En 25 ans de carrière, le chanteur français Miossec n’a jamais mis les pieds au Luxembourg. Il se rattrapera dès samedi à la Kulturfabrik (20h) où il vient présenter son onzième album, « Les Rescapés ». Confidences.

«Tout le monde a de quoi se sentir rescapé de quelque chose»… Qu’il parle de tous, de chacun, de lui-même, Miossec, chanteur longtemps traversé de blessures, diffuse une lueur d’espoir et d’humanisme avec son onzième disque, unanimement acclamé lors de sa sortie en 2018. Le Finistérien, 55 ans, qui a donné un coup de neuf à la chanson française depuis ses débuts en 1995 avec l’album Boire, raconte, entre deux concerts, son rapport à la scène, sa longue carrière, son amour pour Bashung, l’écriture… Rencontre avec un artiste qui n’a jamais cessé de se remettre en question.

Vos tournées sont très denses et, on l’imagine, sûrement éprouvantes. Pourquoi une telle intensité ?

Christophe Miossec : Ça tient à un amour assez délirant du travail (il rit). C’est une façon de vivre et une manière de célébrer la chance que j’ai de faire ce métier, depuis maintenant pas mal d’années. Quand on fait de la musique, on se sent un peu inutile, à l’écart, mais une fois sur scène, on peut vraiment éprouver notre raison d’exister. Cette idée de faire du bien, de générer du plaisir, c’est assez fabuleux, fou même !

Avez-vous toujours aimé la scène ou l’avez-vous appréhendé au fur et à mesure ?

Pour le coup, ça a été un très long cheminement. Attention, je n’ai pas dit un chemin de croix… Disons que c’est comme quand on est gamin : quand on est sur l’estrade, il y en a qui sont à l’aise et d’autres pas, ce qui a longtemps été mon cas. Peut-être que le vieillissement m’a apporté de la sérénité, et le recul aussi. Avant, j’avais le nez dedans, sans voir ce qui se passait autour de moi. J’ai même longtemps ressenti un véritable sentiment d’imposture. Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise dans mon rôle d’artiste.

Malgré votre rythme soutenu, vous avez toutefois trouvé le temps, fin septembre au Grand Rex à Paris, de chanter pour Alain Bashung, disparu il y a dix ans. Cet hommage, pour vous, était-il incontournable ?

Oui, pour moi, Alain, c’est un maître, et le fait qu’il ne soit plus là, c’est un point de repère qui a disparu. C’était une balise rassurante, un mec du Vieux Monde, à l’époque où il y avait encore des artistes (il rit). Même s’il était soutenu par une grosse major, il était hors tout, disposait d’une liberté artistique totale. J’en garde finalement une idée, comment dire, assez romantique.

Et la soirée en elle-même ?

Je me faisais une joie d’y aller, mais lorsque je découvre l’ordre de passage, je vois que je clôture la soirée (NDLR : avec la chanson Osez Joséphine) et là, ce n’est plus la même chose ! J’ai ressenti la pression monter d’un coup. Je me voyais mal gâcher la fête en passant à côté de mon interprétation. Heureusement, je m’en suis bien sorti…

Les Rescapés, votre dernier album, a un peu plus d’une année d’existence. Comment a-t-il vieilli ?

Pour être honnête, je ne l’écoute plus. Mais presque tous les soirs, je le redécouvre en concert. Il reste agréable à jouer, et c’est sur scène qu’un disque, selon moi, trouve sa véritable expression. Le live, c’est la vie ! Et comme Les Rescapés porte en lui une petite puissance, il l’exprime face au public, et ça me plaît.

D’ailleurs, qui sont ces rescapés que vous évoquez là ? Et en faites-vous partie ?

C’est un mot très générique, qui a changé de perspective, qui n’a plus la même carapace depuis le drame des migrants. Dans ma tête, ce sont des proches, des trajectoires un peu compliquées qui peuvent se casser facilement. Et bien sûr que je m’inclus dedans, mais pour des raisons purement professionnelles (il rit).

C’est-à-dire ?

Ce métier, c’est quand même un truc drôle. Un jour, on prend un micro et on ne le lâche qu’à partir du moment où les gens vous demandent d’arrêter de chanter. On est toujours un peu en sursis, la tête en dehors de l’eau et le reste du corps dedans.

Justement, votre carrière s’étale sur 25 années. Comment appréciez-vous votre trajectoire ?

Le mot est bizarre à prononcer, mais, oui, je parlerai de petite « victoire ». Je ne voyais pas les choses comme ça. Je pensais faire ce travail quelques années et passer à autre chose, mais c’est devenu ma vie.

Depuis Boire, en 1995, vos sortez un disque tous les deux ans. Vous n’êtes pas du genre à angoisser devant une feuille blanche, non ?

Disons que derrière cette construction, il y a une vraie idée de plaisir. Faire des chansons, les enregistrer, les offrir, je trouve ça tellement dingue ! Faire ça tous les six ans, franchement, ça serait triste… Écrire un morceau, ce n’est pas écrire une poésie ou un roman. C’est moins compliqué. Ce sont de petits papiers, assez instantanés. Mais reste à savoir, aussi, ce que l’on veut raconter (il rit).

Samedi soir, c’est la première fois que vous jouez au Luxembourg. Qu’est-ce qui vous a bloqué jusqu’alors à la frontière ?

(Il rigole) Bonne question ! Je n’en ai pas la moindre idée… C’est vrai qu’au bout de toutes ces années sur les routes, c’est assez étonnant. Après, je m’y suis déjà arrêté, mais pour l’essence et les cigarettes. On a même fait des détours pour ça !

À quoi doit s’attendre le public de la Kulturfabrik ? À quelque chose de rock, de plus « groovy » même, comme le suggère l’album ?

Sur cette tournée, le public m’a l’air agréablement surpris. L’objectif reste quand même de ne pas servir une soupe froide et fade. Ici, les anciens morceaux sont retravaillés à la lumière du dernier disque.

Donc, plus joyeux ?

Plutôt moins accablé, plus vivifiant. C’était une obligation que je me suis donnée avec Les Rescapés. L’époque n’est pas faite pour entendre un gars qui se lamente sur son petit sort. Surtout quand il a 55 ans !

Entretien avec Grégory Cimatti

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