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Comment l’UE a changé le Luxembourg : «Nous devons beaucoup au mouvement européen» 


Les institutions européennes ont changé la ville, puis le pays tout entier. (Photo : Editpress/Fabrizio Pizzolante)

C’est à Luxembourg qu’est née, il y a pile 70 ans, l’Union européenne : le 10 août 1952, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) tenait sa première réunion au Knuedler, posant les jalons de l’aventure communautaire. Lycéenne à l’époque, Colette Flesch raconte combien les institutions ont changé la ville, puis le pays tout entier.

Colette Flesch revient tout juste du marché, quand elle nous ouvre sa porte ce matin-là. Sur la table du salon, elle a préparé un dossier avec quelques notes, «pour ne rien oublier» nous dit-elle, mais c’est à peine si elle y jettera un œil.

Car à 85 ans, cette ex-escrimeuse olympique et poids lourd de la politique nationale et internationale, peut parler de ses mille et une vies – athlète, fonctionnaire européenne, députée à la Chambre, bourgmestre de Luxembourg, ministre, députée européenne ou présidente du Conseil de l’UE – comme si c’était hier.

Pour cette fois, c’est en 1952 qu’on lui demande de nous embarquer : deux ans après la déclaration de Robert Schuman, le Luxembourg s’apprête à accueillir la Haute Autorité de la toute nouvelle Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Un premier pas pour l’UE et l’aube d’un bouleversement total pour le petit Luxembourg.

Photo : Fabrizio Pizzolante

À quoi ressemblait le Grand-Duché à cette époque ?

Colette Flesch : C’était un pays de la sidérurgie, dont l’industrie faisait la richesse depuis un siècle, avec deux grandes sociétés, Arbed et Hadir, installées au sud. Au nord, on vivait de l’agriculture et de l’élevage, tandis que du côté de la Moselle, c’était la viticulture. La capitale était une petite ville calme, dont le cœur battait au rythme des quartiers : il y avait trois banques, trois lycées, l’école des arts et métiers, le théâtre, rue des Capucins, et quelques cinémas.

Comment les habitants ont-ils réagi à l’arrivée des fonctionnaires européens ?

J’avais 15 ans quand les premiers se sont installés en ville. J’étais au lycée de jeunes filles du Limpertsberg et, par ma cousine un peu plus âgée que moi, j’ai fait la connaissance de beaucoup d’entre eux.

Les Luxembourgeois croyaient beaucoup à l’Europe, mais ils étaient partagés : d’un côté, il y avait ceux qui trouvaient ça très bien, avec un préjugé favorable dû à Schuman – qui était né et avait vécu au Luxembourg – et qui y voyaient un certain prestige, une ouverture. De l’autre, il y avait ceux que l’arrivée massive d’étrangers ne réjouissait pas, et qui craignaient de voir s’envoler la vie paisible de cette ville provinciale et les prix des logements. Certains l’ont vécue comme une véritable invasion.

L’emménagement des institutions en à peine 15 jours y a sans doute contribué…

Il est vrai que l’installation a dû se faire en un temps record : les négociations à propos du site de la Haute Autorité ont eu lieu du 23 au 25 juillet 1952, lors d’une réunion interminable qui devait départager huit villes candidates, alors que la première séance était planifiée le 10 août suivant. Au bout de la nuit, Joseph Bech, qui représentait le pays, a suggéré que les travaux commencent provisoirement à Luxembourg. C’était bien joué !

Dès le lendemain, tout le monde était à pied d’œuvre dans la capitale : on voyait des déménageurs partout dans les rues. La direction des CFL a été priée de libérer le bâtiment qu’elle occupait place de Metz, l’immeuble fraîchement achevé par le gouvernement pour ses propres services, au coin de la rue Notre-Dame et de la rue Aldringen, a été cédé aux fonctionnaires européens.

Ceux du secrétariat général de l’Assemblée commune ont été dispersés partout où on a pu trouver de la place, au centre-ville et de la gare. Le bâtiment de la rue Beaumont a lui aussi été réquisitionné. La Cour de justice a été installée à la Villa Vauban, tandis que le Cercle municipal servait de salle de séance. Et cela n’a pas suffi : des biens ont été loués à la hâte à des particuliers !

Face à l’arrivée des fonctionnaires européens, «certains craignaient de voir s’envoler leur vie paisible et les prix des logements», se souvient l’ex-ministre. Photo : Fabrizio Pizzolante

Comment les institutions se sont-elles finalement retrouvées au Kirchberg ?

Dès 1959 a surgi la discussion sur la fusion des exécutifs (NDLR : la CECA, la CEE et Euratom) et le Luxembourg craignait de perdre les institutions communautaires et la Haute Autorité. Seule solution : mettre à disposition des terrains conséquents. En 1961, une loi fut donc votée pour l’urbanisation du Kirchberg, expropriant tous les maraîchers qui y étaient établis pour un prix dérisoire. À l’époque, sur le plateau, on cultivait des légumes, il y avait aussi la fabrique de choucroute Nickels. Je me souviens des pancartes qui ont alors fleuri partout et qui disait au ministère des Travaux publics d’aller se faire voir !

Les gens n’avaient rien contre l’Europe, c’était au gouvernement qu’ils en voulaient. L’avalanche de procès qui a suivi n’a rien changé : la construction du pont rouge a démarré en 1963, et il a été inauguré en même temps que le Héichhaus, bâtiment du Parlement européen, en 1966.

Et vous, quel était votre regard sur cette Europe qui se construisait sous vos yeux ? 

Ayant été évacuée le 10 mai 1940 avec ma famille à cause de la guerre, je pensais que la vision de l’Europe des pères fondateurs était évidente, même toute gosse ! J’ai toujours été très intéressée par la politique européenne : je trouvais ça formidable, qu’on fasse la paix, j’y croyais beaucoup.

Et puis, ma mère travaillait comme documentaliste à la CECA, j’ai donc eu très tôt un lien familial avec les institutions. Ce fut aussi mon premier stage : trois mois aux Relations internationales, avec un pied dans le bureau de monsieur Werner. J’ai fini par passer le concours de la fonction publique européenne et en 1964, j’ai commencé en tant qu’attachée au secrétariat du Conseil.

Quel impact ont eu les institutions européennes sur le Luxembourg ?

« Les Communautés européennes », comme on les appelait, ont complètement bouleversé le pays. Seuls, je ne crois pas que nous aurions tenu le coup, dans la transition de l’ère sidérurgique vers la place financière. Nous devons beaucoup au mouvement européen. À commencer par notre économie et son évolution, il faut le dire et le répéter ! C’est aussi ce que pensaient des hommes politiques comme Bech, Schaus, Werner et plus tard Juncker.

Photo : Fabrizio Pizzolante

Je crois que tout le monde ici, peu importe sa couleur politique, est parfaitement conscient que l’Europe est importante pour le Luxembourg. Ce qui explique que les gouvernements successifs aient toujours fait beaucoup pour maintenir une population européenne institutionnelle à Luxembourg. Avec succès.

Aujourd’hui, l’Europe est-elle toujours fidèle à la vision qui l’a fondée ? 

J’ai connu beaucoup de crises au sein de l’UE, mais à chaque fois, on a pu les résoudre et faire mieux. Maintenant, c’est plus dur parce qu’on est plus nombreux et que les intérêts sont beaucoup plus divers, voilà tout. Jusqu’ici, nous avons toujours réussi à maintenir l’unité européenne, et le Brexit en est une preuve a contrario, car il a finalement soudé l’Europe des 27.

De nouveaux défis se présentent, parmi lesquels de nouvelles adhésions, comme celle promise à l’Ukraine, qui feront l’objet d’âpres négociations, mais la solidarité qu’ont démontrée nos pays ces derniers mois face aux crises montre que la vision des pères fondateurs de l’Europe est toujours bien présente.

Les dates clés de la Ceca

9 mai 1950. Déclaration de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, annonçant la création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Une idée de son collègue, Jean Monnet, qui estime qu’en plaçant ces ressources de l’armement sous une autorité indépendante, toute guerre sera impossible entre la France et l’Allemagne.

18 avril 1951. Le traité de Paris entre l’Allemagne, l’Italie, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, acte la naissance de la CECA. Le pouvoir de décision est confié à une Haute Autorité, indépendante des gouvernements nationaux. Un Conseil des ministres, une Assemblée commune – qui deviendra le Parlement européen – et une Cour de justice sont également créés.

23-25 juillet 1952. Le traité de Paris entre en vigueur, et le Conseil des ministres de la CECA réuni à Paris retient la Ville de Luxembourg pour installer «provisoirement» les premières institutions communautaires, sur proposition de Joseph Bech.

10 août 1952. La première réunion des États membres de la CECA a lieu dans la salle du conseil communal de l’hôtel de ville de Luxembourg, tandis que les premiers fonctionnaires européens posent leurs valises dans la capitale.

23 juillet 2002. Comme prévu, 50 ans après son entrée en vigueur, le traité de Paris expire : les compétences de la CECA sont transférées à l’Union européenne et son solde attribué à un fonds de recherche pour le charbon et l’acier. Les six pays fondateurs auront impulsé l’esprit de coopération européen et scellé la réconciliation franco-allemande.

2 plusieurs commentaires

  1. Solution déménagez

    Mais quelle haine envers EU et la faute à l’OTAN (Heureusement qu’il y a l’OTAN). L’agression de la russie ne vous a rien appris mais je suppose que cela vous fait plaisir. Vous critiquez tout le temps l’EU et l’amérique mais vivez dans un ces pays. Comment croyez vous que vous accédez à internet grâce à la russie, bien au contraire grâce à microsoft, apple. Vous profitez des biens faits EU, américain, certes pas parfaites mais pourquoi alors vous ne partez pas en russie. Vous m’avez l’air d’être un vieux qui propage sa haine, propagande sur internet. Je pense qu’il serait temps que vous partiez dans votre paradis russe.

  2. On peut voir l’UE de deux façons:
    1. a apporté la paix sur le continent pendant 80 ans (pas si vrai aujourd’hui et c’est essentiellement la faute de l’OTAN, à laquelle l’UE est inféodée). A permis d’aider les pays les moins avancés. A donné, pour certains d’entre eux une monnaie unique, qui n’est pas un franc succès, mais le peuple ne s’en rend pas compte, pas encore.
    2. a imposé des règles communes qui ne conviennent au fond à personne (trop rigides pour certains, pas assez pour d’autres), a saboté complètement la meilleure industrie européenne (l’automobile) sur l’autel de l’écolo-fascisme, a imposé une vue sur la santé pendant l’épisode Covid qui ne tenait aucun compte de la vraie science en niant l’existence de remèdes efficaces et en imposant quasi de force un soit-disant vaccin qui n’empêche pas la contamination, qui est peu efficiace et pendant fort peu de temps et n’est pas sans effets secondaires dont certains sont mortels. A dépensé un milliard de l’argent des contribuables européens pour acheter un remède (le remdesivir) totalement inefficace contre le Covid, mais toxique pour les reins, 3 jours seulement avant que le WHO ne dénonce sont inefficacité, ce que savaient tous les spécialistes depuis un bon moment. Et maintenant, fait semblant de croire la propagande de Kiev, y compris quand des journalistes américains (à priori pas suspects de collaboration avec Poutine) démontrent, images à l’appui, le contraire.
    Bref, en ce qui me concerne la balance n’est pas du tout en faveur de cette UE bureaucratique, dogmatique et soumise aux pires lobbies qui soient.
    Notez qu’entre lobbying et corruption, il n’y a souvent que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes.

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