Lancée en janvier dans la précipitation, l’organisation du Klima-Biergerrot – ces 100 citoyens engagés pour juger la politique environnementale du gouvernement – suscite de nombreuses interrogations, poussant certains à claquer la porte.
Alors que ces 11 et 12 juin marquaient le dernier week-end de travail pour les 60 membres effectifs du Klima-Biergerrot (KBR), cette assemblée citoyenne lancée par le Premier ministre fin janvier avec la mission de juger la politique gouvernementale en matière de climat, certains participants, déçus par le processus, quittent l’aventure.
Si la nécessité de reporter le débat à la Chambre des députés – prévu initialement en juillet – face au manque de temps pour mener les différents travaux a achevé de les convaincre, ils pointent de nombreux autres soucis et des procédés qui posent question.
Un accord de confidentialité
Noah*, 20 ans, sélectionné pour faire partie des 40 suppléants, a d’abord été surpris par le verrouillage de la communication autour du KBR : «Ils disaient que c’était un grand projet, pour le public aussi, mais rien n’a été publié sur le site, et les interventions des experts, qui sont pourtant filmées, ne sont pas accessibles. Je ne comprends pas pourquoi», s’interroge l’étudiant, comme d’autres participants.
Tous ont dû signer un engagement, au moment d’intégrer l’assemblée citoyenne, leur interdisant de diffuser la moindre information sur le KBR ou ses travaux. Une lettre paraphée par le Premier ministre en personne. «Ça m’a étonné», confie Roland*, 64 ans, l’un des membres effectifs. «Je me suis demandé qu’est-ce qui justifiait autant de précautions», ironise le retraité.
Des premiers pas chaotiques
En parallèle, les premiers pas de l’organisation, confiée aux agences Oxygen (experte en relations publiques) et Pétillances (active dans le coaching ou encore le team building), ont été chaotiques : «Rien n’était clair, les rôles de chacun, le fonctionnement… Aujourd’hui, c’est un peu mieux, mais ils ne sont pas préparés. Le processus change au fur et à mesure, les visites auprès d’experts sont fixées à la dernière minute, pour les débats, on n’apprend qu’au dernier moment quels intervenants on va rencontrer», déplore Noah.
Un sentiment largement partagé par Roland : «C’est tellement médiocre ce qu’on nous propose. Cela relève de l’amateurisme», souligne-t-il.
Des incursions politiques à sens unique
Autre source de confusion pointée par des participants : le fait que la plupart des experts invités à s’adresser au KBR ne soient pas neutres, mais représentent les intérêts du gouvernement. Ainsi, cinq des neuf orateurs prévus au programme du dernier week-end, consacré à la mobilité, travaillaient pour un ministère ou un organisme étatique.
«C’est absurde», note Noah, qui ajoute que, pour parler construction durable en avril, quatre experts sur cinq, ce week-end-là, étaient en poste dans un ministère. «Monsieur Bettel avait promis que le gouvernement ne se mêlerait pas du KBR et nous laisserait travailler, mais ce n’est pas le cas», observe-t-il.
C’est d’ailleurs son chef de cabinet, Jeff Feller, qui s’est présenté en mai, avec deux de ses collègues du ministère d’État, face aux 60 membres effectifs, dans le but d’appuyer, à quelques minutes du vote, la proposition de report du débat à la Chambre au mois d’octobre.
Il a plaidé en faveur de cette date, jugée «plus opportune au niveau politique» puisque la rentrée parlementaire sera marquée par le discours sur l’état de la Nation et la présentation du budget : deux rendez-vous qui bénéficient «de toute l’attention du public», a-t-il argumenté, avant que l’assemblée valide le nouveau calendrier, à l’unanimité.
Une incursion discutable et a priori valable dans un seul sens. En effet, lors de cette même journée, tandis que certains citoyens demandaient à consulter associations et organisations environnementales, Jeff Feller a acquiescé avant de les mettre en garde : leurs positions seraient sans doute «moins nuancées et plus orientées», ces structures défendant «des intérêts», à l’inverse du KBR qui serait «un échantillon représentatif de la population».
Un manque de représentativité
Pourtant, sur ce point aussi, il convient d’être prudent. Si l’institut TNS Ilres a été chargé de faire le tri au pas de course parmi 1 100 candidatures reçues, certains, comme Noah, s’interrogent sur la représentativité réelle de ces 60 citoyens censés refléter la société du Luxembourg : «Je n’ai vu que des personnes blanches, aucune diversité», rapporte-t-il, «et sur tout un week-end, je n’ai entendu personne parler le portugais, par exemple.»
Sans parler du niveau d’études et de l’investissement personnel requis, excluant de fait une large partie de la population : «La masse de travail qu’on nous demande est très importante, et selon moi, les documents techniques, tout comme l’ensemble du processus, ne sont pas accessibles à n’importe quel citoyen. Et si on travaille, ou si on est mère de famille, c’est quasiment impossible», précise Noah, qui dit constater une forte baisse des participants aux débats en ligne, une cinquantaine à peine pour les deux derniers, sur les 100 que totalise le KBR.
Un phénomène qui n’a pas échappé à Roland : «Sur notre plateforme d’échanges en ligne, seuls dix à douze participants sont actifs régulièrement et font des recherches», explique-t-il, estimant qu’une quinzaine de membres effectifs ont déjà abandonné.
Ils ne poursuivront pas
Et désormais, eux aussi s’apprêtent à claquer la porte, déçus par l’expérience alors qu’ils s’étaient sincèrement impliqués : «Je ne m’attends à aucun résultat concret, car la méthode est mauvaise. On est abreuvés d’informations et limités au PNEC, le plan du gouvernement. Quant à ce qu’ils appellent des débats, ce sont en réalité de simples présentations», se désole Noah, qui ne compte pas poursuivre cet été (lire ci-contre).
«Ce n’est pas un processus sérieux. Je pense que les politiques se sont juste dit que ça serait bien de faire un truc pour le climat en vue des élections», tranche-t-il, désabusé.
Roland non plus ne rempilera pas : «Je me suis demandé si on n’était pas utilisés à des fins politiques… C’est une initiative de Xavier Bettel qui a pris tout le monde de court», analyse-t-il avec le recul, regrettant le carcan imposé au KBR.
«On nous demande de réfléchir de façon structurée, alors que si on fait appel à des citoyens, n’est-ce pas justement pour favoriser des idées qui sortent du cadre ?»
Entre autres, le retraité ne digère pas que l’ensemble des propositions du KBR, une fois finalisées, soient revues par une personne du ministère de l’Environnement, censée s’assurer qu’elles sont bien réalisables : «Un sérieux problème de démocratie, je trouve», évoquant une possible censure. Lui qui a passé des heures chaque jour, ces derniers mois, à faire des recherches au service de la communauté, se sent finalement soulagé : «Mon engagement est ailleurs aujourd’hui.»
* Prénoms d’emprunt.
Le nouveau calendrier
JUIN. Les travaux du Klima-Biergerrot auraient dû se clôturer ce mois-ci, mais l’organisation est contrainte de revoir ses plans. Problème : les citoyens ne se sont engagés que pour six mois.
JUILLET-AOÛT. C’est donc une poignée de volontaires – une douzaine – qui va poursuivre les travaux cet été, tandis que deux membres de l’organisation prendront en charge le tri et la rédaction des propositions. Celles-ci seront ensuite passées au crible par une personne du ministère de l’Environnement.
SEPTEMBRE. La finalisation reviendra aux citoyens qui devront voter sur l’ensemble.
OCTOBRE. Des portes-paroles seront désignés pour présenter le rapport final du KBR en commission parlementaire, puis en séance plénière à la Chambre des députés. La date exacte n’est pas déterminée.
Bonjour,
cet article a une qualité journalistique pareille à l’action des deux membres refusant d’accepter de participer à un processus démocratique.
Jacques Glod
Membre du KBR
Bonjour Sven,
au-delà du sentiment de certains participants, l’article aborde d’autres problématiques soulevées par des observateurs et/ou spécialistes des questions de participation citoyenne. Nous comptons revenir sur ce sujet avec d’autres témoignages donc vous êtes libre de témoigner de votre expérience positive en me contactant.
Christelle Brucker
L’équivalent de cet article serait de rédiger un résumé d’un match de foot sur base du témoignage de deux supporters bien beurrés de l’équipe perdante. Sven, membre effectif du KBR
100% d’accord
Titre racoleur…..peu respectueux du travail des autres membres…données erronées…avis de 2 personnes….conclusions fausses….peu de rigueur journalistique ds cet article.
À l’avenir,je vous suggère d’interviewer un nombre représentatif afin d’améliorer cette rigueur qui devrait être la règle de tout journaliste digne de ce nom.
Raphaël,membre effectif du KBR
Bonjour Raphaël,
tout comme Sven, je vous invite également à faire part de votre expérience positive en me contactant. Je précise que même si seuls 2 témoignages apparaissent dans l’article, mon travail de recueil de l’information ne s’est bien sûr pas limité à ces deux là.
Christelle Brucker
Bonjour Christelle,
Merci pour votre commentaire.
Pouvez-vous dès lors m’éclairer sur le nombre de personnes que vous avez interviewer pour votre article ?…..je ne pense pas que cette donnée soit confidentielle……
Un nombre suffisant pour affirmer qu’une partie des citoyens sont déçus voire choqués pour certains. C’est un fait. Et quand bien même une seule personne aurait rapporté les procédés décrits (et vérifiés), ceux-ci posent question d’un point de vue politique, ce qui aurait de toute façon justifié que la presse s’y intéresse.
Au plaisir d’échanger prochainement.
Je respecte votre avis…mais ne le partage pas.Votre démarche est politique….la mienne est citoyenne…et non partiale…..au plaisir effectivement.
Enfin,et pour répondre à votre invitation,je vous engage à me/nous recontacter après notre présentation à la chambre courant octobre prochain…..je serai plus à même de vous faire part de mon expérience une fois le projet aboutit.
Cordialement,
Raphaël
On peux croire ce qu’on veut…
Alors vous auriez dû parler du nombre de personnes intérrogées…