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[Album de la semaine] Iggy Pop en toute liberté


Parrain du punk un jour, parrain du punk toujours l' «Iguane», devenu avec l'âge caméléon. (archives AFP)

Voilà déjà 50 ans qu’il s’agite dans ses pantalons en cuir, défiant la scène et la mort. Un demi-siècle de rock, de provocations, d’audace et de liberté.

C’est ce mot qui l’a toujours accompagné qu’Iggy Pop, 72 ans au compteur, place comme valeur cardinale de son nouvel album, Free, nouvelle étrange production qui en suit d’autres ayant déjà jalonné son imposante carrière, dont les plus récentes. Rappelons ainsi qu’il a sorti un disque inspiré par les romans de Michel Houellebecq (Préliminaires, 2009) et un autre contenant des classiques de la chanson française (Après, 2012), sans oublier ce retour, réussi, aux guitares version «groove» (Post Pop Depression, 2016), sous la houlette bienveillante de Josh Homme (Queen of the Stone Age).

Parrain du punk un jour, parrain du punk toujours serait-on tenté de clamer, surtout quand l’ «Iguane», devenu avec l’âge caméléon, réemprunte les chemins du jazz, John Coltrane en tête, qui selon ses dires, l’inspira dès ses débuts avec les Stooges. Qui, en effet, ne se souvient pas des folles envolées de Steve MacKay, son saxophoniste de l’époque (décédé en 2015), encadrées par les frangins Asheton et soutenues par les déhanchements syncopés de l’acrobate en chef, au jeu sauvage, imprévisible, instinctif, quand il ne bascule pas totalement dans les jurons et la nudité.

Bon, reconnaissons-le, avec le temps, l’image a pris du plomb dans l’aile et quand Iggy Pop dégaine aujourd’hui à nouveau les cuivres, la folie est moins perceptible. Tutoyer la Grande Faucheuse s’apparente ici à se perdre dans les grands espaces américains, sans eau, la moustache en prime, comme le suggère le titre, évocateur, Dirty Sanchez.

Libre, Iggy Pop l’est assurément, mais il est surtout bien accompagné comme l’impose cette œuvre singulière dont il n’a écrit les paroles que de trois morceaux (Free, Loves Missing, The Dawn). Pour le reste, il emprunte les mots du trompettiste Leron Thomas, très présent, donc, avec son instrument, un poème de Lou Reed (We Are the People) et un autre de Dylan Thomas (Do Not Go Gentle into That Good Night).

Mais, finalement, qu’importent les emprunts, ici, c’est la voix qui domine, prend toute la place. Sombre, crépusculaire, théâtrale même. Iggy Pop, lui qui a tout vu, tout vécu, s’est muté en un coroner désenchanté, qui trouve le ton juste sur n’importe quelle orientation musicale. Et ce disque n’en manque pas, oscillant du jazz à l’expérimental, du lumineux à l’angoissant, de la méditation aux considérations plus terre à terre, voire sous terre, quand il évoque sa mort prochaine.

Le parallèle avec le dernier disque, posthume, de David Bowie (Blackstar), aux parfums avant-gardistes, devient alors évident, avant qu’Iggy Pop ne rassure son monde avec l’entêtant single James Bond, laissant croire, peut-être, comme le héros de sa Majesté, qu’avec lui, il y a aussi toujours une suite en cours.

Grégory Cimatti

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