Le Brexit pourrait ouvrir une période de turbulences pour le secteur aérien britannique qui a grandement bénéficié du ciel unique européen instauré depuis une vingtaine d’années.
« C’est la fin des temps d’abondance pour les compagnies aériennes, les aéroports et les passagers britanniques », prévient Peter Morris, expert au cabinet Ascend Flightglobal Consultancy.
Parmi la masse d’accords que les autorités britanniques vont devoir renégocier avec Bruxelles figurent les conditions de vol entre le reste de l’UE et le Royaume-Uni, actuellement régies par le marché unique du transport aérien instauré à partir de la fin des années 1980.
Ce système a levé toutes les restrictions commerciales pesant sur les compagnies aériennes « communautaires », c’est-à-dire contrôlées par les Etats membres de l’UE ou leurs ressortissants, et dont le siège est installé dans l’UE.
A moins que les négociateurs britanniques n’obtiennent des conditions préférentielles, les compagnies britanniques ne seront plus considérées comme telles. Elles ne bénéficieront donc plus des avantages, comme le droit de fixer librement les tarifs sur leurs liaisons et celui d’ouvrir n’importe quelle route en Europe sans autorisation préalable.
Pour les passagers au départ et à l’arrivée du Royaume-Uni, cela pourrait signifier concrètement de nouvelles taxes et un frein au développement des nouvelles liaisons.
En première ligne figurent les deux principaux acteurs britanniques du secteur, la compagnie à bas coût EasyJet et le groupe aérien IAG: leurs actions ont brutalement décroché à la Bourse de Londres vendredi, respectivement de 14,35% et de 22,54%.
Même si elle a mené une bruyante campagne en faveur du maintien britannique dans l’UE, la compagnie à bas coût Ryanair est un peu moins exposée du fait de son origine irlandaise, bien qu’elle dispose d’un dense réseau au Royaume-Uni.
Baisse de la demande
Sitôt connu le résultat du référendum, EasyJet a écrit aux autorités britanniques et européennes pour leur demander de maintenir le Royaume-Uni dans le ciel unique européen.
« La dérégulation du secteur aérien a représenté quelque chose de fantastique pour les clients », rappelait à l’AFP sa directrice générale, Carolyn McCall, lors d’une interview quelques mois avant le référendum de jeudi, rappelant « une chute des prix de 40% et une augmentation du nombre de liaisons de 170% ».
Vendredi, la compagnie a assuré que le Brexit n’aurait pas d’impact important sur sa stratégie, mais a aussi confirmé travailler à des « options alternatives qui lui permettront de maintenir son réseau et ses opérations actuelles ».
D’après M. Morris, EasyJet a « certainement dans ses cartons un plan pour installer dans l’UE son siège social », actuellement établi à l’aéroport de Luton, dans le nord de Londres.
L’expert s’attend aussi à ce que IAG, domiciliée au Royaume-Uni, cherche à étendre son réseau via ses compagnies non-britanniques, aux dépens de British Airways. IAG possède aussi les compagnies espagnoles Iberia et Vueling ainsi que l’irlandaise Aer Lingus, qu’il pourrait utiliser pour se renforcer autour des hubs de Dublin et Madrid.
Cela pourrait nuire au potentiel de Londres en tant que plaque tournante du transport aérien, dotée de cinq aéroports. Autre facteur négatif pour la capitale britannique, les masses de passagers américains ou asiatiques qui transitent par ses aéroports pourraient désormais être attirés par les offres alléchantes des hubs qui vont rester dans l’UE.
La construction d’une nouvelle piste à Heathrow ou à Gatwick, les deux principaux aéroports de la ville et du pays, risque en outre d’être encore retardée en cas d’arrivée au poste de Premier ministre du conservateur Boris Johnson, qui a longtemps défendu la solution alternative d’un nouvel aéroport dans l’estuaire de la Tamise.
« Pour Heathrow et sa piste supplémentaire, c’est raté », assure John Strickland, expert chez JLS Consulting. Il insiste sur une autre conséquence immédiate du Brexit, à savoir la chute de la livre qui va rénchérir les voyages des Britanniques vers l’étranger. « Cela va entraîner un carburant plus cher, un coût supplémentaire pour la location d’appareils et une baisse de la demande en voyages vers l’UE », prévient-il.
Le Quotidien / AFP
C’est bon pour le continent Européen !