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ArcelorMittal : rien ne se perd, tout se transforme


Le parc à mitraille s'étend sur 400 mètres. Le vieux fer, trié en une dizaine de tas, retrouve une nouvelle vie. (photo Tania Feller)

Second volet de notre série sur les métiers de la sidérurgie, avec un focus sur le début de la chaîne de production : le parc à mitraille. Le site differdangeois d’ArcelorMittal a battu son record annuel de production en 2015 : 706000 tonnes d’acier ! Tout commence par du recyclage…

La sidérurgie, tant chérie dans le sud du pays, est faite de mythes. Le premier nous ramène à Vulcain, dieu de la forge et du feu, qui démontre une fascination depuis la nuit des temps. Le deuxième, moins connu mais si moderne avec l’idée d’économie circulaire, est celui de la création infinie. L’acier est un produit fini qui est aussi une matière première, recyclable à 100 %. Un renfort de voiture peut devenir une poutre de building, une cannette de soda, une paroi, la fibre d’acier d’un pneu, du fil de vigne. Poussière de fer tu es, poussière tu retourneras!

Au départ de ce cycle, il y a un homme : le gestionnaire du «parc à mitraille». Une sorte de cimetière des éléphants ou chaque benne est remplie d’une qualité de fer différente : ici les chutes de brames, là des déchets du bâtiment, plus loin, de l’industrie automobile, plus loin encore, des copeaux de fraisage… Tout sera fondu à 1 600 °C dans les fours électriques, remplaçants des défunts hauts-fourneaux.

Dans la même série : ArcelorMittal : une histoire luxembourgeoise

 

Sur le site d’ArcelorMittal à Differdange, c’est Yves Durand qui assure la fonction. Le long des 400 mètres du parc, il est chez lui. « Nous l’avons étendu en 2015 , explique-t-il. La direction compte encore battre des records de production.» Dès l’entrée, la piste est recouverte de poussière de fer, l’ambiance est bruyante. Les camions, les engins de chantier, les ponts roulants : tous s’activent dans le vacarme. «Ici c’est bouchon d’oreille obligatoire!» , sourit Yves Durand.

Chiffonniers des temps modernes

Deux équipes de réceptionnaires s’activent dès 5 h 30. Ils vérifient le chargement des camions qui arrivent directement sur le site. Le type de déchets doit précisément correspondre au contrat signé. «Nous marchons avec une centaine de ferrailleurs, glisse Yves Durand. Mieux ils trient leur marchandise, plus le prix payé est honorable.» Tout devient business dans ce boulot de chiffonniers modernes! «On fond toutes sortes d’objets, poursuit Yves Durand. Il y a quelques années, nous avons reçu une cargaison encadrée par l’armée. C’étaient des armes à feu!» Les militaires étaient restés jusqu’à l’entrée de la marchandise dans les fours électriques… «Tout est chargé dans une cuve, explique Yves Durand. On appelle ça le « panier ». On le remplit couche par couche, avec un dosage entre les types de matière, et on y ajoute nos additifs pour aboutir à un acier de top qualité.»

Le fer à recycler est placé dans le «panier», avant d'être envoyé au four. (photo Tania Feller)

Le fer à recycler est placé dans le «panier», avant d’être envoyé au four. (photo Tania Feller)

Differdange possède quatre paniers de 110 tonnes pour faire tourner deux fours électriques. «Quand une coulée est réalisée, l’autre four est déjà activé pour la prochaine… L’usine vit sept jours sur sept, elle ne s’arrête jamais.» Pourtant, les fours électriques, contrairement aux hauts-fourneaux, peuvent être mis hors tension facilement. Oui mais les commandes sont là : ArcelorMittal Differdange produit des poutrelles longues (Jumbo) réputées dans le monde entier, autant pour leur résistance que pour leur flexibilité. «L’acier de Ground Zero à New York, ça vient de chez nous» , annonce fièrement Yves Durand. Dire que cette prouesse a pris naissance ici, au cœur du parc à mitraille, dans ce drôle de cimetière des éléphants.

Ça en fait de la mitraille ! (photo Tania Feller)

Ça en fait de la mitraille ! (photo Tania Feller)

Hubert Gamelon

Une vie à l’usine

arcelor mittal reportage se´rie me´tiers de l'acierYves Durand prendra sa retraite dans un an, à 57  ans, comme c’est le cas pour tous les ouvriers qui ont connu l’apprentissage. «J e suis entré sur le site de Differdange à 15  ans , raconte le gestionnaire du parc à mitraille. J’ai passé trois ans en apprentissage à l’école interne, qui jouxtait les hauts-fourneaux. C’étaient les années 70, l’ARBED était toute-puissante dans le pays. Réussir son apprentissage garantissait un métier pour la vie.» Et même une belle carrière, comme la sienne.

Au départ ouvrier électromécanicien, Yves a gravi les échelons pour occuper différents postes à responsabilités  : contremaître à la coulée continue et désormais gestionnaire du parc à mitraille… «J’aurai connu une bonne partie de la chaîne de production. Avec le recul, il y a peu de secteurs où l’on rencontre une telle diversité.» Car chaque nouvelle affectation était comme une nouvelle profession. Un seul détail suffit pour comprendre cela  : les fours électriques qui ont remplacé les hauts-fourneaux en 1993 n’ont évidemment pas du tout le même fonctionnement… « Les hauts-fourneaux, c’était quand même quelque chose, se souvient Yves. On en avait une dizaine, là où les voitures se garent aujourd’hui. Et puis, il fallait voir les rangées de bus à la sortie de l’usine, pour raccompagner les ouvriers chez eux… Ça remontait parfois jusqu’au centre-ville.»

3 millions

ArcelorMittal fond l’équivalent de trois millions de cannettes par mois dans ses fours de Differdange et Belval! Differdange a par ailleurs battu son record mensuel de production en juillet 2015, avec 73 000 tonnes d’acier sorties de l’usine.

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