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L’entretien du mercredi – Stefano Speck : « Je ne l’ai jamais dit, mais j’étais fini avant Vancouver »


Ses rêves de JO à Vancouver s’étaient envolés à cause d’une sale blessure au genou, qu’il n’a jamais voulu évoquer. Cinq ans plus tard, STEFANO SPECK a totalement changé de vie.

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C’est à Val Thorens en octobre 2009, lors de son dernier slalom géant, que le genou de Stefano Speck a sonné la deuxième alerte et quasiment signé la fin de sa carrière. (Photos : DR)

> On vous a perdu de vue depuis ces JO manqués à Vancouver, en 2010. Que devenez-vous ?

Stefano Speck : Je vis à Lyon avec ma copine. Je suis revenu en France depuis septembre après avoir vécu deux ans à Montréal où j’ai passé une maîtrise en études urbaines. Aujourd’hui, je travaille pour l’équipe de développement durable de DS Smith, une entreprise spécialisée dans l’emballage. Je suis, en parallèle, un deuxième master en management opérationnel du développement durable.

> Le ski, c’est définitivement derrière vous alors ?

Le ski entre les piquets, oui. Je skie en famille, j’étais à Valloire il y a un mois et demi.

> Personne n’a jamais su comment vous vous étiez blessé (une rupture du ligament antérieur du genou gauche). Alors ?

Ce n’est pas étonnant car je n’en ai jamais parlé. Personne n’est venu me poser la question et cela m’arrangeait. C’est arrivé en course FIS en géant à Serre Chevalier fin 2008. Le genou a cédé sous la force dans un virage, assez classique.

> On raconte au Luxembourg que cela vous a dégoûté du ski.

Ce que l’on ne sait pas, c’est que je suis incapable aujourd’hui de pratiquer du ski à haut niveau. Cela me ferait beaucoup trop mal. Je ne l’ai jamais dit, mais j’étais quasiment fini pour le slalom et le géant avant Vancouver. Je n’ai pas arrêté par choix. Après, peut-être qu’avec certaines opérations, j’aurais pu continuer ainsi. À haut niveau, beaucoup se font des injections de produits antidouleur. Mais on est toujours à la limite de la légalité avec cela… C’est comme accepter de se détruire davantage le genou à condition de ne plus rien ressentir.

> Vous n’étiez pas prêt à faire ce sacrifice.

Non, j’en paie déjà suffisamment le prix aujourd’hui. Mais je ne suis pas amer. Je suis content de chaque seconde que j’ai vécue dans le ski.

> Que s’est-il exactement passé, avant Vancouver ?

En fait, je suis revenu très vite après mon opération (NDLR : en janvier 2009). Dès octobre, à Val Thorens. Et je me suis à nouveau fait mal au genou. Sans tomber, sans rien faire. Je n’en ai parlé à personne, sauf à mon chirurgien à mon retour au Luxembourg. Je me suis fait opérer trois jours plus tard. Un bout de cartilage était cassé. Le temps de faire le trajet entre « Val’Tho » et Méribel, j’avais une patate immense à la place du genou. Je n’avais rien remarqué. C’était une réaction due à une injection de je-ne-sais-quoi… Un truc très courant. Bref. Mon genou était nettoyé. Je suis reparti skier en Suède mais ça n’allait pas. Je n’arrivais même pas à monter et descendre les escaliers. Courir ? C’était impossible. Je me suis dit que j’allais faire une pause. On était à trois semaines des JO et je disais déjà à mes parents que c’était mort.

> Mais vous n’êtes jamais revenu après avoir manqué ces JO.

Non, je suis retourné à mes études, histoire de faire un break. Et puis je suis retourné voir mon chirurgien au Luxembourg et on m’a fait une greffe de ménisque et une greffe de cartilage. C’était un programme un peu expérimental. Avec cette opération, mon genou serait moins conflictuel mais moins solide. Je savais que si je la faisais, je faisais aussi une croix sur le ski de haut niveau. Mais je l’ai fait bien volontiers. Ensuite, je n’ai plus donné de nouvelles. À la fédération, ils savaient que c’était terminé.

> Vous étiez de toute façon assez détaché du Luxembourg.

Voilà, j’avais mon équipe d’entraînement privée, financée en partie par le ministère des Sports luxembourgeois, le COSL, mais surtout par mon papa. Et ma mère était à 100 % derrière moi. Franchement, on pourrait presque la qualifier de « folle » (il rit). Elle a fait des milliers de kilomètres pour m’amener au fin fond de la Forêt-Noire. Elle m’enregistrait à des courses dont la fédé n’avait pas connaissance. C’était impressionnant.

> À vous écouter, on dirait qu’arrêter le ski était plus un soulagement qu’un vrai crève-cœur.

Si, c’en était un quand même. Moi, je voyais cela comme une pause à l’issue de laquelle je serais revenu plus fort. Je m’étais déjà « pété » le dos l’hiver d’avant et j’étais revenu. Mais bon, la vie étudiante a été sympa. J’ai mis mon énergie dans autre chose.

> Quels étaient vos rêves ?

C’était de faire quelques saisons pleines en circuit Coupe d’Europe avec quelques apparitions en Coupe du Monde. Il faut rester réaliste. J’ai commencé beaucoup plus tard que les skieurs traditionnels de ski alpin. Mais je commençais à avoir un niveau pertinent en Coupe d’Europe. J’avais aussi envie de faire de bons classements en championnat du monde, où la densité de coureurs performants est moins élevée qu’en Coupe du monde dans la mesure où les pays ont moins de coureurs à sélectionner. Comme aux JO.

> On y revient…

J’aurais vraiment adoré les faire. Pour l’ambiance, le village… Le truc que j’ai quand même réussi, c’est qu’on ne me considérait pas comme le rigolo de service sous prétexte que j’étais luxembourgeois. Sur le circuit, je n’étais pas ridicule. Cela m’a donné beaucoup de fierté. On fait toujours des reportages sur le Sénégalais qui a réussi à se qualifier pour les JO avec sa combinaison siglée du Léopard. Moi, ce n’était pas du tout mon délire.

> Quel potentiel pensez-vous avoir eu ?

Avec le recul, je pense que j’étais un peu trop doux. Je réfléchissais trop. La technique était là, le physique était là. Si je sortais ma meilleure manche face au meilleur slalomeur, il restait cinq secondes à combler. Et ces cinq secondes, c’était du mental. J’avais un excellent entraîneur qui avait compris le problème. Il avait bien compris que quand on est élevé à la campagne luxembourgeoise, on est un gentillet.

> Que conservez-vous de positif de cette carrière écourtée par votre blessure ?

Ma participation aux Championnats du monde à Are, en Suède (NDLR : en 2007). C’était un bel événement. Mais je n’avais pas passé les qualifications du slalom car j’avais été trop gentil… Les championnats du monde juniors aussi. Cela m’a permis de voyager énormément. Je passais les étés en Australie et en Nouvelle-Zélande. La Suède, j’adore. Le Québec, à 15 ans. À cette époque, j’étais vraiment le petit Luxembourgeois sans équipe, juste avec ses parents et je m’étais pourtant bien débrouillé. C’est à ce moment-là que je me suis dit que cela ne rigolait plus.

> Suivez-vous encore le ski luxembourgeois ?

Disons que j’ai des informations via les réseaux sociaux. J’ai récemment été invité à « aimer » la nouvelle page Facebook de la Fédération. Je crois qu’il n’y a plus aucun skieur de mon âge à Adelboden (NDLR : en Suisse, où se déroulent les championnats du Luxembourg). À ma connaissance, en dehors de cela, il me semble qu’il ne se passe pas grand-chose…

> Geoffrey Osch et Catherine Elvinger disputent le slalom et le géant en championnats du monde cette semaine à Beaver Creek…

Je sais, je l’ai appris de mes parents qui vivent toujours au Luxembourg. Geoffrey, je l’ai croisé assez souvent. On a eu un peu le même parcours, à un moment donné. Il a participé aux mêmes courses que moi. Il venait skier à Courchevel alors que moi, j’étais basé à Méribel. Et puis, je connais aussi les fils Bock puisque à mon époque, leur père était déjà là à tout faire pour la FLS. Le ski au Luxembourg, c’est resté une histoire de famille. Cela me rend juste un peu triste qu’il n’y ait pas plus de gens qui se mettent à la compétition.

De notre journaliste Raphaël Ferber

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