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L’art public : un art pour tous


Crayons, oeuvre de Trixi Weis datant de 2013, installée au lycée Nic-Biever, à Dudelange. (photo Eric Chenal)

Pendant les congés de Pâques, Le Quotidien a décidé de s’intéresser à l’art public à travers une série rédigée par des spécialistes choisis par l’Association des artistes plasticiens du Luxembourg. Tour d’horizon.

L’art plastique ne se limite pas seulement aux musées et aux galeries d’art. L’espace public peut aussi être un lieu d’exposition. Même si,à ce niveau-là, le Luxembourg pourrait mieux faire.

Difficile de définir l’art public. Pour certains, cette appellation est réservée aux seules œuvres d’art réalisées dans le cadre de la loi qui prévoit que lors de la construction d’un édifice par l’État, les communes ou des établissements publics, de 1 % à 10 % du coût total de l’immeuble doit être affecté à l’acquisition d’œuvres d’art à intégrer à l’édifice. Pour d’autres, l’art public regroupe tout simplement toute œuvre artistique présente dans l’espace public : rues, places, parcs, etc. Si les deux idées sont différentes, les deux définitions sont bonnes.

À Luxembourg, on pense donc immédiatement au quartier du Kirchberg avec ses banques et ses grandes entreprises qui, telles les villes italiennes du Moyen-Âge, semblent se livrer une bataille culturelle à coup d’œuvres d’art à l’intérieur de leurs bureaux et surtout devant leur devanture. On y trouve, parmi tant d’autres : Bird Cage , de Su-Mei Tse et Jean-Lou Majerus, La Grande Fleur qui marche , de Giovanni Teconi, d’après Fernand Léger, ou encore Langer Banker , du groupe d’artistes Inges Idee. Il y a aussi le parc Dräi Eechelen qui entoure le Mudam et où se trouvent Trophy , de Wim Delvoye, ou encore place de l’Europe, à côté de la Philharmonie, European Pentagon, Safe and Sorry Pavilion , de Bert Theis.

Mais l’art dans l’espace public ne se limite pas au seul quartier des affaires de la capitale, comme le rappelle la fresque du plafond de la gare de Luxembourg réalisée par Armand Strainchamps, Mother and Child , de Henry Moore, place des Martyrs, la sculpture Les Saltimbanques , de Benedicte Weis, qui domine la place du Théâtre, la récente Cecil’s Box du Cercle-Cité ou, toujours dans la capitale, la toute nouvelle Mélusine de Serge Ecker sur les bords de l’Alzette dans le Grund. Hormis Luxembourg, on pourrait parler, par exemple, de la place du Brill à Esch-sur-Alzette, ou encore du mémorial «Porte d’Italie» à Dudelange.

Néanmoins, «au Luxembourg, l’art n’est pas assez présent dans l’espace public» , note Trixi Weis. La présidente de l’AAPL, dont l’horloge monumentale, city clock , orne l’immeuble du Fonds Kirchberg, ajoute : «Si on compare avec d’autres pays, comme la France, les Pays-Bas ou la Belgique, il y a encore à faire. »

Le seul art à la disposition de tous

Certains se rappellent probablement également des sculptures de Niki de Saint Phalle qui avaient envahi la capitale à l’occasion de «Luxembourg, capitale européenne de la culture en 1995». La Grande Tempérance a même dominé le centre Aldringen jusqu’aux travaux en lien avec le projet Royal-Hamilius. On peut aussi retenir les deux éditions de l’exposition temporaire «Sous les ponts, le long de la rivière» en 2001 et 2005, qui nous ont laissé, à Luxembourg, les panneaux D’un cercle à l’autre : Le paysage emprunté de Daniel Buren.

Et il ne faut pas négliger, dans le sud du pays, les différentes éditions de «Sentiers rouges», remplies d’œuvres éphémères à apprécier lors de promenades sur les sentiers pédestres partant des gares…

Qu’elles soient permanentes, temporaires ou éphémères, ces œuvres d’art installées dans l’espace public « enrichissent notre perception de l’environnement et démocratisent l’accès à l’art », insiste-t-on à l’AAPL. « Elles multiplient les expériences, apportent la réflexion, suscitent des discussions et font de l’espace public un espace de création, d’inspiration et d’échange. » Que ce soit dans une rue, un hôpital, un bâtiment communal, une école ou encore un hospice pour personnes âgées, « ces œuvres sont souvent le seul art à la disposition du public qui ne fréquente pas habituellement les institutions culturelles ».

Autant de raisons qui font de cet art public un art nécessaire pour le bien vivre ensemble. Et une source de revenu non négligeable, non seulement pour les artistes, mais aussi pour de nombreuses entreprises. « La plupart de ces œuvres sont monumentales et doivent résister aux variations de la météo et au vandalisme, ce qui demande le savoir-faire et les compétences d’entreprises qualifiées. » Et il ne faut pas oublier l’attrait touristique que peuvent apporter ces œuvres à un quartier, une ville, voire un pays, « l’art dans l’espace public rend vivant tout son environnement! »

Reste qu’il n’existe pas, ou presque, au Luxembourg de travaux théoriques autour de cet art public, pas d’inventaire des œuvres réalisées grâce à la loi du «pourcentage artistique», pas d’historique des manifestations temporaires passées. Un état de fait auquel compte désormais remédier l’AAPL, à travers une exposition et une publication qui devraient voir le jour en janvier 2017. En attendant, Le Quotidien propose neuf regards sur cet art dans l’espace public jusqu’au samedi 9 avril .

Pablo Chimienti

L’AAPL

L’Association des artistes plasticiens du Luxembourg a été fondée en février 2013 dans le but de créer des échanges entre les artistes plasticiens, mais aussi de représenter ceux-ci et de défendre leurs intérêts matériels et moraux. Elle compte actuellement plus de 160 membres.

http://aapl.lu

Notre série

Mercredi 30 mars « Politique cohérente de l’art dans l’espace public, autour d’œuvres de Daniel Buren et de Jean-Bernard Métais » par Danièle Wagener (directrice des 2 Musées de la Ville de Luxembourg)

Jeudi 31 mars « L’art public dans un environnement particulier, autour d’une œuvre de Bert Theis » par Marianne Brausch (architecte en charge des relations extérieures du Fonds Kirchberg et de l’art dans l’espace public au Kirchberg, membre de l’AICA Luxembourg)

Vendredi 1er avril « Flânerie proche de l’art dans l’espace public, autour d’une œuvre de Marta Pan » par Marianne Brausch

Samedi 2 avril « L’art public se transforme en horloge publique, autour d’une œuvre de Trixi Weis » par Philippe Nathan (architecte)

Mardi 5 avril « L’art public entre histoire et signalisation autour d’une œuvre de Damien Deroubaix » Alex Reding (galeriste, Galerie Nosbaum Reding)

Mercredi 6 avril « L’art public peut-il être indépendant, le public peut-il se l’approprier? Autour d’une œuvre d’Aline Bouvy » par Christian Mosar (curateur et journaliste)

Jeudi 7 avril « L’art dans l’espace public, autour du respect et du vandalisme » par Paul Rauchs (psychiatre et artmateur)

Vendredi 8 avril  « L’art dans l’espace public, autour de l’expérience esthétique du flâneur » par Sofia Eliza Bouratsis (docteur en arts et sciences, université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Samedi 9 avril « L’art dans l’espace public autour de l’éphémère » par Marie-Anne Lorgé (chef de rubrique Culture Le Jeudi ).

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