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L’entretien du mercredi – Eric Hoffmann : « J’ai atteint la limite »


Le joueur international le plus capé encore en activité, nous a expliqué pourquoi il a décidé, très logiquement, de dire stop. Sans amertume ni regrets.

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Promis, juré, Éric Hoffmann continuera à jouer au foot et vraisemblablement à la Jeunesse Esch. (Photo : Mélanie Maps)

> Vous n’aviez pas encore pu joindre Luc Holtz, lundi soir, pour lui faire part de votre décision d’arrêter en sélection. Ça y est ? C’est fait ?

Éric Hoffmann : Oui, oui. Lundi soir, il était au cinéma, donc… Mais je l’ai eu ce matin (NDLR : hier matin) pour lui expliquer. Il m’a dit que c’était dommage mais qu’il comprenait.

> Il devait bien s’en douter un peu non ?

Ma situation n’était effectivement pas toute rose.

> Est-ce parce que vous n’étiez pas encore sûr, en fin d’année dernière, que vous refusiez toute interview ? Parce que vous aviez peur qu’on ne vous pose la question ?

Disons que je me posais moi-même la question et que je n’étais pas sûr de la réponse. Cela ne servait à rien de dire que oui, j’y pensais, si début 2015, j’avais décidé de continuer. Si j’avais accepté une interview et que vous aviez posé la question, j’aurais été honnête et reconnu que je m’interrogeais. Mais à quoi ça aurait servi ?

> À nous dire pourquoi vous hésitiez.

En fait, cet hiver, j’ai cherché des raisons pour continuer et je n’ai trouvé que des raisons pour arrêter.

> À cause de votre temps de jeu ?

C’est la plus grosse raison oui. C’est bien simple : je ne jouais plus. Et à côté de ça, j’ai un bébé à la maison que je ne voyais pas pendant les stages. Ça me faisait encore plus chier de ne pas être à la maison. Jusque-là, j’allais encore en sélection avec une petite flamme dans le regard. Je savais que je ne l’aurais plus.

> Vous ne pouviez plus vous imaginer reconquérir du temps de jeu ?

Ah là non, je ne vois pas comment. Il aurait fallu un miracle. J’ai regardé, j’ai attendu et j’ai bien vu que même quand il y avait un blessé ou un suspendu, c’était par exemple Chris Philipps qui sautait dans la brèche. Pas moi. Je ne me voyais pas continuer à attendre comme ça, qu’on fasse appel à moi. En plus, ce serait être de très mauvaise foi que de dire que j’aurais pu apporter beaucoup plus que ceux qui me sont passés devant. Tous les joueurs de ce groupe sont d’un sacré niveau, avec des capacités que la plupart des joueurs luxembourgeois moyens n’avaient pas avant. C’est pour ça que je ne suis furieux après personne. Tout ça est très logique.

> Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Cela fait bientôt deux ans que Luc Holtz vous a gentiment poussé vers le banc de touche…

L’orgueil. C’était la seule chose qui me faisait revenir. Prouver aux jeunes qui sont tous en centre de formation, voire déjà pro, que nous, les anciens, on a assez de valeur pour être sur le terrain. Mais je n’y suis pas parvenu…

> Vous n’avez pas entendu siffler les balles au-dessus de votre tête quand Luc Holtz a annoncé, en début de campagne, qu’il ne comptait plus sur des anciens comme René Peters ou Guy Blaise ?

Au moment où ils ont été écartés, dans une décision que je pense mûrement réfléchie, pas mal de gens m’ont dit que c’est ce qui allait bientôt m’arriver. Moi, je savais que Holtz comptait sur moi.

> Mais pour faire le grand frère…

Vous pouvez le dire comme ça. Mais s’il m’avait dit, à cette époque, qu’il ne comptait plus sur moi, vu le niveau des autres joueurs, je n’aurais pas trouvé ça scandaleux !

> Ça va vous manquer ?

Je ne pense pas non.

> Vous n’allez pas nous faire croire qu’on tire si facilement un trait sur douze ans de carrière internationale ?

Marc Oberweis (NDLR : son coéquipier à la Jeunesse, qui a, lui, décidé de se retirer l’année dernière) m’a dit que très vite, on ne se rendait même plus compte quand il y avait des stages de la sélection ou des rencontres internationales. Moi, des matches de la sélection, j’en ai regardé tellement de l’extérieur ces derniers temps (il rit)…

> De toute façon, vous vous faisiez encore plaisir au milieu de tous ces jeunes ?

Ah ça, c’est vrai qu’il y a six ou sept ans, nous étions tous de la même génération et on se côtoyait en dehors du terrain. Créer des liens, c’était plus facile que pour tous ces gars qui, aujourd’hui, partent partout en Europe, dans des centres de formation, dès l’âge de 13 ou 14 ans. Même chose pour les naturalisés qui n’ont pas le même rapport au pays…

> Donc, rien ne vous manquera?

Si, l’adrénaline avant un match dans un grand stade plein.

> Votre plus beau souvenir ?

La victoire en Suisse (NDLR : 1-2, le 10 septembre 2008). La fête dans le bus en rentrant au pays et le dernier petit verre en arrivant à Lipperscheid. Le pire souvenir, c’est d’avoir eu à discuter avec les supporters qui nous attendaient devant notre bus, chose qu’ils font rarement, après la défaite 0-4 à la maison contre le Liechtenstein (NDLR : le 13 octobre 2004). Ils ne nous jetaient pas des trucs comme on voit dans certains pays, mais ça marque quand on a 18 ans… Moi, de toute façon, j’ai fait mes meilleurs matches quand l’équipe n’était pas bonne. Ma meilleure période, c’était entre 2005 et 2007…

> Au niveau des joueurs, qui vous a marqué, en bien comme en mal ?

Je me rappellerai toujours de Berbatov, en Bulgarie. Il nous avait fait vraiment mal, il était à un niveau exceptionnel. Il faisait tout tout seul (NDLR : il avait inscrit un doublé lors du 3-0 du 12 septembre 2007). Cristiano Ronaldo aussi avait été impressionnant, mais lui, il avait toute une équipe derrière lui. Au niveau des déceptions, il y a eu la France et les Pays-Bas, franchement pas impressionnants.

> 88 sélections, ça vous a permis de vous faire une belle collection de maillots ?

Même pas. Je n’étais pas le genre à me battre pour en avoir. J’ai le Danois Ebbe Sand et le gardien de la Mannschaft Jens Lehmann. De toute façon, je ne sais pas trop quoi en faire. Ils sont dans un sac plastique, dans le grenier. À part la Grèce, la Russie et Israël, que je trouve jolis et que je mets de temps en temps pour jouer au tennis ou passer la tondeuse, les autres viennent d’une époque où c’était taille unique : XXL. On dirait des sacs poubelles.

> Le fait d’avoir commencé à 17 ans vous a-t-il usé ?

Je pense, oui. Même sans blessure. J’ai presque toujours été titulaire en club et en sélection pendant des années. Physiquement et mentalement, oui, mon corps m’envoie des messages, des douleurs. J’ai atteint la limite.

> Vous pensez que tous ces jeunes qui débutent actuellement au même âge que vous auront le même souci ?

Ceux qui ne passent pas pros, oui. Ils risquent d’être laissés de côté au profit d’autres, plus jeunes. C’est un peu la spécialité de notre sélection ces derniers temps. Luc Holtz veut d’ailleurs encore augmenter le rythme, privilégier ceux qui sacrifient tout au football. C’est très bien pour notre foot national mais pour certains joueurs, ce sera dur de garder ce rythme. Même si de ce que je vois, les joueurs actuels, s’ils ne sont pas meilleurs techniquement ou intellectuellement que ceux du début du siècle, sont bien plus forts physiquement. Ils vont bien plus vite. Et ça ne va pas aller en ralentissant !

> Et maintenant ? Vous allez devenir commentateur télé, comme René Peters ou Jeff Strasser ?

René vient juste de commencer et a de très bons échos. Je ne pense pas qu’il va arrêter. Moi, je n’aurais rien contre mais je préfère profiter de mon temps libre avec ma famille.

> Et continuer à jouer encore longtemps en club ?

Oui. J’ai encore envie de jouer au foot et au haut niveau. Il me reste une année de contrat à la Jeunesse et je peux vous dire que je ne vais pas m’arrêter directement après.

> Vous pourriez aller finir à Etzella, là où tout a commencé ?

Pour le moment, non, je ne me vois pas changer de club et jouer ailleurs qu’à la Jeunesse…

Propos recueillis par notre journaliste Julien Mollereau


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