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Bois luxembourgeois : « La Chine nous a dit : on achète tout »


La Chine est très intéressée par le bois luxembourgeois! Ici, une forêt de hêtres, du côté de Grosbous. Au centre, un spécimen victime de la maladie complexe du hêtre. (photo Romain Van Dyck)

Pour satisfaire son appétit croissant, Pékin fait feu de tout bois… luxembourgeois! Des exportations qui ne sont pas du goût du Mouvement écologique. Les propriétaires forestiers, eux, y trouveraient leur compte.

Peut-être avez-vous des produits «made in China» réalisés avec du bois luxembourgeois! Une mondialisation qui fait des ravages chez nos voisins. Pourtant, au Grand-Duché, les professionnels se veulent rassurants.

« La situation n’est plus tenable .» Ce cri d’alarme a été poussé il y a quelques jours par le Mouvement écologique (Méco). « Dans le temps, on gérait la forêt selon les besoins. Mais aujourd’hui, nous sommes dans le « just in time ». Les forestiers doivent planter des arbres selon les conditions des Chinois et quand ces derniers passent commande pour charger les conteneurs, on abat à tour de bras, même si les engins laissent derrière eux de grandes ornières parce que le sol est détrempé », déclarait ainsi la présidente, Blanche Weber, suppliant le gouvernement de stopper ces exportations.

Car aussi surprenant que cela paraisse, il existe bien un marché chinois du bois au Grand-Duché! Chaque année, des tonnes de grumes quittent nos forêts pour être chargées sur les bateaux chinois.

Frank Wolter, le directeur de l’administration de la Nature et des Forêts (ANF), a une explication : « La Chine a besoin de bois. À cause de la pollution, leurs sols sont dans un état lamentable et ils n’arrivent même pas à produire le bois nécessaire pour se nourrir, se chauffer. Le bois européen leur sert aussi à faire des parquets, des meubles, des jouets… »

« Le problème, c’est que la Chine exporte beaucoup et importe peu. Or leurs porte-conteneurs ne peuvent rentrer vide. Le bois luxembourgeois répond à leurs besoins, tout en faisant du ballast, du poids pour les bateaux .»

Et Pékin ne fait pas dans la demi-mesure : « Il y a trois ou quatre ans, l’ambassade de Chine a contacté notre administration pour acheter le bois que notre administration produit. » Tout? « Oui, les 200 000 à 300 000 m 3 qu’on produit tous les ans. Ils ont dit : « On vous fait un marché et on achète tout.  » On a répondu qu’il n’en était pas question » , rapporte-t-il, sans être en mesure de quantifier le volume de bois exporté en Chine.

Lire aussi : Exportation de bois vers la Chine : le Méco dit stop

 

Et puis les clients chinois font aussi des heureux. « Les forestiers sont contents, car ça fait un débouché », constate Winfried Von Loë. Il œuvre pour le Lëtzebuerger Privatbësch, le groupement sylvicole qui représente près de la moitié des propriétaires privés du pays. « Les propriétaires vendent leur bois à ceux qui paient le plus. Et dans la région, malheureusement, il n’y a presque pas de scieries qui prennent les feuillus comme le hêtre. Il n’y a plus que les Chinois qui achètent. »

Le prix local et le prix chinois

Côté prix, il reste sur l’exemple du hêtre, prisé par la Chine : « La partie noble du bois, le tronc, va en Chine, et le reste termine ici en bois de chauffage. Les petits propriétaires vendent ce bois de chauffe près de 25 euros le m 3 . Le hêtre de qualité, lui, se vend autour de 80 euros. C’est un prix faible pour un arbre qui a poussé de 120 à 180 ans! »

Frank Wolter : « Sur le principe, le Méco a raison. C’est lamentable que notre bois parte en dehors de l’Europe. Car un arbre va pousser chez nous, puis va être transformé et acquérir une valeur ajoutée en Chine… et parfois revenir chez nous sous forme de produit « made in China »! Mais c’est l’économie de marché. Dire que les Chinois pillent notre bois, ce n’est pas correct. »

Reste la pression environnementale. Là encore, Winfried Von Loë nuance : « Les conteneurs chinois arrivent d’octobre à fin mars. Le problème, c’est qu’autrefois, on avait des hivers très froids, donc les sols étaient suffisamment gelés pour qu’on puisse récupérer les grumes sans abîmer l’écosystème. Aujourd’hui, on a peut-être une petite semaine où le sol est suffisamment gelé, donc les périodes de débardage sont trop courtes .»

Bref, ces propriétaires semblent bien moins inquiets que leurs voisins. En 2013, la radio belge RTBF titrait «Comment les Chinois pillent les forêts wallonnes», évoquant des faillites d’entreprises locales, des clients chinois qui cassent les prix… La fédération des scieurs belges déclarait même que la technique chinoise visait «à organiser la pénurie chez nous et à se garder une réserve pour les années de disette»! D’autres pays, comme la France, dénoncent aussi cette pression chinoise.

«Les Chinois ne font pas la loi»

Pourtant, Frank Wolter reste confiant : « Organiser la pénurie chez nous? Ça m’étonnerait, je trouve ça assez loufoque. Et puis, pour nos forêts publiques, il y a un plan de gestion annuel, et les coupes sont prévues une année à l’avance, pas sur demande des acheteurs, jamais. Dire que les Chinois font la loi sur le marché luxembourgeois, c’est lancer une psychose, c’est archifaux. »

Et puis, le marché local cherche à se défendre : « On a décidé au début de l’année de faire une étude pour voir si on ne peut pas redynamiser ce secteur du bois au niveau de la Grande Région, car le Luxembourg est trop petit pour peser. Mais il faut de grosses unités industrielles pour que la production soit rentable et concurrentielle, donc ça ne sera pas de la tarte.»

Romain Van Dyck

Nos forêts en bref

35 % DU TERRITOIRE

La surface boisée du Grand-Duché est actuellement de 91 400 ha. Elle représente 35 % de la superficie du territoire national, un chiffre légèrement en dessous de la moyenne européenne.

PRIVÉ ET PUBLIC

Il existe deux types de propriétaires forestiers, les privés et les publics. La partie privée, correspondant à une superficie de 49 400 ha, est détenue par quelque 14 000 propriétaires. Ces forêts sont généralement transmises de génération en génération. Les forêts publiques, d’une superficie de 42 000 ha, sont gérées par l’administration de la Nature et des Forêts. Elles appartiennent à l’État (11 %), aux communes (33,8 %) et à des établissements publics tels que les fabriques d’église (1,3 %).

PATRIMOINE PRÉCIEUX

La forêt luxembourgeoise présente un patrimoine naturel d’une grande diversité. Le pays est divisé en quatre grands domaines écologiques, qui présentent tous des caractéristiques différentes : l’Oesling, composé essentiellement de taillis de chêne, le Guttland, avec des hêtraies, la Moselle, avec ses chênaies, et la Minette, avec une renaturation en forêts mélangées.

Un commentaire

  1. honte à nos politiques

    Demain si Bill Gates, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Chine etc veulent acheter la Belgique les belges n’auront plus rien…!

    Les thaïlandais eux sont plus intelligents, la terre est « louée » pour une durée définie ainsi un étranger ne peut en devenir propriétaire définitivement…

    Autre sujet dont notre Roi devrait s’occuper
    -le pétrole nous allons vers la guerre civile il suffit d’attendre que le pétrole arrive à 150€ le baril et il y arrivera…
    -les voitures à quand une voiture citadine 100% pur belge full électrique à 29000€ !?

    Combien de belges seraient près à rouler en made in belgium plutôt qu’en allemande …

    Bref !!
    AUCUN PATRIOTISME

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