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Société : le blasphème en question


Après les déclarations polémiques de l’imam de Mamer, les représentants religieux et les associations laïques s’écharpent sur la question de la liberté d’expression et sur leurs responsabilités respectives.

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Si le Luxembourg s’est mobilisé pour la liberté d’expression, le respect du « sacré » fait désormais débat. (Photo : archives Le Quotidien)

L’affaire remonte au 9 janvier. Selon plusieurs médias, l’imam du Centre culturel islamique de Mamer, Halil Ahmetspahic, aurait exposé devant les caméras de RTL l’idée de lancer au niveau du Conseil des cultes conventionnés une charte destinée aux journalistes visant à encadrer leur droit d’expression sur les sujets ayant trait à la religion. Instaurer un codex sur ce qui peut être caricaturé ou pas : après le drame de Charlie Hebdo, l’idée fait bien évidemment scandale. Pourtant, elle est jugée « louable » par le vicaire général de l’Église catholique, Erny Gillen.

Ce dernier rétropédale ensuite, soulignant qu’il reste un grand défenseur de la liberté d’expression… Mais le mal est fait, et le débat lancé : le Conseil de presse condamne vivement cette idée de charte, de même que l’Alliance des humanistes, athées et agnostiques (AHA).

Mais la polémique ne s’arrête pas là. Vendredi, Halil Ahmetspahic se fend d’un droit de réponse où il dénonce la façon dont ses propos ont été interprétés. « Mes exactes paroles dans le reportage de RTL, en réponse à une question de la journaliste, sont : « Il faut lancer un projet mondial dans lequel il faut défendre tous les personnages qui sont sacrés dans toutes les religions et toutes les croyances. » » Donc : « Je ne parle pas de représentants des cultes, ni de charte commune à l’intention des journalistes, ni même du respect de ce qui est « saint ». » Et d’ajouter : « La vive réaction d’AHA, basée sur des informations inexactes, illustre bien la responsabilité de celui qui intervient dans le débat public et la nécessité d’encadrer le droit d’expression. »

La réaction de l’AHA n’a pas tardé. Le même jour, l’association répliquait dans un communiqué : « Nous nous distançons d’une condamnation générale de la religion musulmane et de leur pratiquants. »

> « Il y a encore beaucoup de chemin à faire »

Cependant, l’AHA prend la « respectueuse liberté » d’inviter la Shoura (l’Assemblée de la communauté musulmane du Grand-Duché de Luxembourg) à s' »inspirer des prises de position très courageuses de [ses] collègues belges et français qui ont clairement affirmé, sans conditionnalité, leur appartenance aux valeurs d’une société éclairée et se sont soumis également à un processus d’autocritique salutaire par rapport à l’évolution de la religion musulmane. »

« Force est de constater que les communautés religieuses au Luxembourg, alors qu’elles nous diabolisent malheureusement en tant qu’ennemis avérés de leurs cultes, n’ont rien compris à notre action. Nous sommes d’avis que le phénomène religieux relève du monde privé auquel il doit se cantonner, mais qu’à aucun moment nous ne voudrions dénigrer une personne voulant pratiquer sa religion, et que la jouissance de cette liberté constitue pour nous un droit fondamental, intouchable et inviolable, mais que l’État n’a pas à intervenir de quelque manière que ce soit dans cette pratique. Mais il en est également de même de la part des religions à respecter, par parallélisme réciproque, le mode de vie des humanistes, athées et agnostiques et nous pensons que là, il y a encore beaucoup de chemin à faire », poursuit l’AHA.

> « Nous condamnons les actes et l’idéologie »

Le débat par communiqués interposés s’est poursuivi. La Shoura a écrit ceci hier : « Nous entendons la voix de nos concitoyens demandant à la Shoura de s’exprimer « sans ambiguïtés » sur les attentats commis à Paris les 7 et 9 janvier derniers. Nous rappelons que nous avons déjà condamné les atrocités commises par des groupuscules armés dans l’appel lu dans toutes les mosquées le 12 décembre dernier et qui fut largement diffusé par les médias. Nous y condamnions de la manière la plus claire, et les actes, et l’idéologie mortifère animant ces groupes. Nous dénoncions celle-ci « comme une franche déviation des enseignements de la religion, des valeurs humaines et des principes éthiques ». Les attentats de Paris relèvent des mêmes groupes et de la même idéologie. Nous répétons donc une nouvelle fois « Nous condamnons, et les actes, et la perversion de notre religion qui les sous-tendent ». Nous entendra-t-on, enfin ? »

« Car nous expérimentons douloureusement (le fait) que ces attaques sont aussi dirigées directement contre les musulmans. En effet, comme on pouvait malheureusement s’y attendre, les agressions et les menaces antimusulmanes se multiplient en Europe ces derniers jours », conclut la Shoura.

De notre journaliste Romain Van Dyck

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