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Vice, luxure et filles faciles au musée d’Orsay


De L'Olympia de Manet (photo) à L'Absinthe de Degas, des incursions dans les maisons closes de Toulouse-Lautrec et Munch aux figures audacieuses de Vlaminck, Van Dongen ou Picasso, l'exposition montre la place occupée par ce monde interlope dans le développement de la peinture moderne.

Demi-mondaines ou femmes des rues, les prostituées ont inspiré bien des artistes du XIXe siècle. Le musée d’Orsay, à Paris, leur consacre une grande manifestation, loin d’être racoleuse. Premier grand rendez-vous consacré à ce thème, cette exposition tente de retracer la façon dont les artistes français et étrangers, fascinés par les acteurs et les lieux de ce fait social, n’ont cessé de rechercher de nouveaux moyens picturaux pour en représenter réalités et fantasmes.

Installée au cœur de la «Belle Époque», la prostitution a fasciné nombre d’artistes à la recherche de nouvelles formes de représentation : une exposition exceptionnelle, au musée d’Orsay, explore les relations ambiguës entre ces deux univers. Associant peinture, sculpture et documents d’époque, notamment photographies et films, «Splendeurs et misères. Images de la prostitution 1850-1910» s’attache à montrer l’ampleur du phénomène et son importance dans l’évolution esthétique de plusieurs grands artistes, comme Degas, Manet, Van Gogh, plus tard Munch ou Picasso.

Pourquoi le monde de la prostitution a-t-il « généré un aussi grand nombre de représentations à travers des courants aussi variés que l’impressionnisme, le naturalisme, le fauvisme ou l’expressionnisme? », interroge Guy Cogeval, président du musée d’Orsay, dans le catalogue de l’exposition, la première dédiée à ce thème dans le monde. Plus ou moins encadrée, la prostitution est alors très répandue. « Les filles sont tenues de s’enregistrer auprès des autorités, mais on estime que la prostitution clandestine est sept à huit fois supérieure », souligne une commissaire de l’exposition, Isolde Pludermacher.

L’amour tarifé prend des formes très diverses, des multiples maisons closes à la lingère se prostituant à l’occasion, en passant par les demi-mondaines richissimes et aussi suivies que certaines stars de la téléréalité aujourd’hui. Entre les multiples maisons de tolérance et les boutiques «à surprise», souvent de faux magasins de modistes, la prostitution est assimilée au divertissement et des guides sont édités pour les touristes.

Le minutieux Jean Béraud est le meilleur représentant de cette veine qui joue sur le pittoresque avec des compositions soignées telles La Proposition , Les Coulisses de l’Opéra de Paris ou le très cinématographique Le Boulevard Montmartre la nuit . Même si le racolage est interdit dans la journée, « les filles possèdent un répertoire de signes qui, pour le visiteur d’aujourd’hui ne sont pas immédiatement perceptibles, mais qui, à l’époque, étaient très significatifs, comme le relevé de jupon », explique Isolde Pludermacher.

Les débuts de la pornographie

La Femme dans une calèche de Louis Anquetin a un grain de beauté avec trois poils sur la joue gauche, signe de sensualité, comme l’était plus généralement la pilosité. Les cafés et autres cabarets sont aussi des lieux de rencontre. Avachies devant un verre d’alcool, tenant une cigarette, les jeunes femmes de La Prune de Manet et de L’Absinthe de Degas pourraient clairement être sœurs. Avec Au Moulin rouge , Toulouse-Lautrec signe un chef d’œuvre de modernité : lumière verte, cadrage oblique, visages coupés par le bord du tableau. Peut-être pour l’avoir beaucoup fréquenté, il sera aussi le meilleur chroniqueur du bordel, cet espace clos qui va inspirer les grands artistes de l’époque. Toulouse-Lautrec montre les pensionnaires telles qu’elles sont, attendant le client, le regard vide, sur les canapés de velours rouge ou relevant leur jupe avant l’inspection médicale.

Félicien Rops les imagine en séductrices maléfiques et Degas explore avec elles toute l’expressivité du corps, dans une série de gravures retrouvées après sa mort. Au début du XX e siècle, l’imaginaire des maisons closes sera, chez Frantisek Kupka, André Derain ou Picasso, le support de recherches radicales sur la couleur ou les formes corporelles. Le monde de la prostitution est aussi celui de la pornographie qui naît avec la photographie, « parce que les femmes qui posent sont en grande majorité des prostituées », explique Marie Robert, responsable de la section photo au musée d’Orsay.

La photo va séduire par sa précision, sur la pilosité ou la texture de la peau. Ces clichés sont présentées dans deux cabinets particuliers interdits aux mineurs. Ils étaient à l’époque vendus sous le manteau et ce commerce était frappé de peines de prison. La photo est aussi utilisée par les demi-mondaines pour vanter leur charme et, de 1885-1900, elle est pratiquée par des amateurs «pour qui la prise de vue participe au plaisir sexuel», souligne Marie Robert.

Au total, 400 pièces sont réunies : registres de police décrivant les prostituées, cartes de visite illustrées suggérant leur spécialité, cires anatomiques recréant les lésions de la syphilis… Après Paris, cette exposition sera présentée au Van Gogh Museum d’Amsterdam, du 19 février au 19 juin 2016.

AFP

Jusqu’au 14 janvier. www.musee-orsay.fr

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