Notre enquête se poursuit auprès des salariés de Luxair, écrasés par une charge de travail hors normes et un management durci, tandis qu’une manifestation est annoncée fin septembre, la première dans l’histoire de la compagnie.
«Le malaise en interne dure depuis deux ans maintenant», soupire-t-elle, nous priant d’emblée, comme les autres employés avec qui nous avons pu échanger, de ne révéler ni son identité ni son service. C’est dire le climat qui règne dans les couloirs de Luxair.
«Plus de 20 ans que je travaille dans la société et je ne la reconnais plus du tout», confie Sonja*. «On était une vraie famille. Aujourd’hui, il n’y a plus de dialogue et poser une simple question est délicat, de peur de recevoir une réponse cinglante. Tout le monde est sur les nerfs», décrit-elle.
Après avoir traversé une période critique marquée par l’incertitude, et encaissé chômage partiel, reclassement, prêt temporaire de main d’œuvre, et gel des salaires sur trois ans, les 2 800 salariés de la compagnie aérienne nationale espéraient juste un retour rapide à la normalité.
Au lieu de ça, la reprise post-Covid fut explosive, percutant de plein fouet des effectifs fragilisés par une vague massive de départs, souhaités comme subis.
Une réalité à laquelle a assisté Sonja. «L’atmosphère est alors devenue réellement pesante, les gens n’osent plus s’exprimer», raconte-t-elle, pointant du doigt les méthodes de la direction. «Depuis mon début de carrière, j’ai connu quatre managements différents. Celui-ci est le pire», dénonce-t-elle, évoquant avec pudeur son état de santé qui en pâtit.
«Quand je rentre chez moi, je suis épuisée physiquement et mentalement. J’ai le sentiment d’être dépassée, comme lancée dans une course contre-la-montre qui ne s’arrête jamais. Je perds mes mots, et je suis constamment énervée. Mes proches me le disent», raconte la mère de famille.
La délégation s’estime boycottée
Pourtant, contrairement aux nombreux employés qui ont fait le choix de partir, Sonja n’envisage pas de quitter cette entreprise à qui elle a tant donné. Mais elle reconnaît qu’elle pense à freiner, quitte à ce que la machine s’enraye.
Car jusqu’ici, ce sont bien l’engagement et les sacrifices des équipes qui ont permis d’éviter tout grain de sable dans les rouages, malgré une activité en sur-régime. «Mais à quel prix», s’interroge la délégation du personnel, en première ligne face à la souffrance des salariés qui ne fait que s’aggraver.
Ce qui a poussé LCGB, OGBL et NGL-SNEP à solliciter la tenue d’un comité de suivi tripartite, immédiatement accordé et fixé au 26 septembre prochain. En marge des débats qui auront lieu au ministère, les syndicats appellent le personnel à participer à une grande manifestation – une première dans l’histoire de Luxair – dont le cortège cheminera du Glacis jusqu’au Héichhaus.
«La direction contourne la co-décision et bafoue le dialogue social en boycottant la délégation», constate le LCGB, dépité et dans l’impasse, ajoutant que toutes les décisions viennent d’en haut, comme si le management intermédiaire avait été rayé de l’organigramme.
«C’est ce qu’on appelle du micro-management», explique la déléguée Sécurité et santé au travail de la délégation, Maria Helena Macedo. Une pratique reconnue comme lourde de conséquences, à l’origine de stress inutile pour le personnel, de surcharge de travail, mais aussi de baisse de l’estime de soi.
«Venir travailler est devenu un combat de tous les jours. On est tous effondrés», résume Sonja, qui précise que la situation est difficilement tenable dans son service depuis fin 2021. «La pression s’est accentuée. Plus rien n’est structuré, on ne sait même plus exactement quelles sont nos tâches journalières.»
«Ce management détruit la société»
Un cadre de travail dysfonctionnel qui décourage d’emblée les nouvelles recrues : «Chez les bagagistes, en dix jours, on a eu trois personnes sous contrat à durée déterminée qui ne se sont plus présentées, sans explication», épingle Maria Helena Macedo.
«Ce management détruit la société : il n’y a plus d’humanité, on agit comme des robots», conclut Sonja, à l’instar d’autres employés avec qui nous avons pu échanger. Pour autant, elle cultive l’espoir que ça change et attend beaucoup de la tripartite à venir, notamment la position du ministre de la Mobilité, François Bausch, face à ce marasme : «Est-ce que l’État, notre actionnaire majoritaire, soutient cela?», questionne-t-elle.
Du côté des syndicats, les enjeux sont clairs : ils réclament l’amélioration des conditions de travail en urgence et une rémunération à la hauteur de l’engagement quotidien du personnel. «C’est l’avenir de Luxair qui se joue», tranche la déléguée LCGB.
*Prénom d’emprunt
Réel
Le service Luxair était excellent avant l’arrivée de la nouvelle direction. Les personnes invalides font aussi les frais d’un manque de personnel pour l’assistance.
C’est pourtant simple,le CEO a bien été placé par M.Bausch pour faire le grand nettoyage comme il l’a bien fait sur plusieurs postes comme CTIE ,Post , ministère de la defence.
Faut tout simplement remplacer le directeur et motiver le personnel de cette belle compagnie.
Faut prendre l’exemple de Lufthansa avec la journée grève qui a fait parler d’elle.
Faux le quotidien, ce n’est pas la première manifestation de l’histoire de Luxair. La dernière date de pas très longtemps et la direction venait d être mise en place. J’y ai participé je travaillais jusqu’en 2021 au sein du CargoLuxair
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. S’il y a déjà eu des piquets de protestation par le passé, c’est bien la première fois qu’une manifestation avec un défilé sera organisée par les syndicats.
Le Quotidien