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Verdict dans la soirée pour une mère qui a tué sa fillette handicapée


Un croquis d'audience montre Laurence Nait Kaoudjt au premier jour de son procès derrière sess avocats Eric Dupond-Moretti (à d.) et Anna-Maria Sollacaro (à g.), le 14 septembre 2015 à Rennes. (Photo : AFP)

Les derniers moments de la petite Méline, fillette lourdement handicapée tuée par sa mère en 2010, et les motivations de cette dernière, sont au cœur de la seconde journée de son procès, avant le verdict attendu mardi soir à Rennes.

Le récit de la courte vie de Méline a été au coeur du premier jour d’audience lundi, devant la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine.

Laurence Nait Kaoudjt, 44 ans au moment des faits, y est jugée pour meurtre de mineure de moins de 15 ans particulièrement vulnérable. Plaidant un «acte d’amour», elle a tué Méline en août 2010, peu après son installation à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), avant de tenter de mettre fin à ses jours.

L’accusée, cheveux blonds frisés et veste à fines rayures, pleurant fréquemment au cours de son récit, même si la voix reste ferme, a raconté l’«épuisement moral et physique de chaque jour». «Quand elle geignait, ça pouvait commencer le matin et durer toute la journée…»

Ce n’est que 15 jours après la naissance de sa fille, le 31 mars 2002, que Mme Nait Kaoudjt se rend compte que son bébé ne la suit pas des yeux, ne bouge pas. Elle avait «un problème à l’hémisphère gauche» du cerveau, mais «aucune maladie n’a été nommée».

La petite fille ne marche pas, ne parle pas, ne peut se nourrir ou être propre… «Au début, elle dormait dans un petit lit de bébé, puis on dormait toutes les deux ensemble parce que j’avais peur qu’elle tombe…» poursuit Mme Nait Kaoudjt.

L’accusée, qui affirme que sa fille a été conçue lors d’un «rapport non consenti» avec un homme avec lequel elle ne vivait pas, se consacre alors à son enfant. Ancienne employée de banque, fille unique d’un couple aimant, elle ne reprend pas de travail.

« Elle ne parlerait jamais… »

La petite fille doit porter un corset en raison d’une scoliose: «Je le fermais avec des boulons d’acier, j’avais l’angoisse qu’elle ne supporte pas, qu’elle ne dorme pas.» «C’était très difficile de savoir qu’elle ne parlerait jamais… Elle disait un mot : elle disait « Manman », c’est le seul mot qu’elle a dit…» ajoute-t-elle, en pleurs.

Mais «pour moi, c’était très compliqué de laisser ma fille à des tierces personnes, j’avais l’impression de l’abandonner, simplement parce que c’était un être sans défense», reconnaît-elle. A la barre, Cécile Herrou, une employée d’un des centres qui ont accueilli Méline à Paris à partir de ses deux ans, décrit la «grande souffrance» de la mère, mais aussi l’ampleur des problèmes de la petite fille, dont le handicap va grandissant.

Un monde de ressenti

Le monde de Méline «était un monde de ressenti, de sensations», explique-t-elle à propos de cette petite fille. «Ce n’était pas une enfant qui avait un trouble neuromoteur qui l’aurait empêchée de marcher… mais sa marche ne signifiait rien pour elle.» Pourtant, en mai 2009, en vacances à Saint-Malo, raconte Laurence Nait Kaoudjt, Méline «s’est mise à marcher sur la plage, toute seule (…) j’ai considéré cela comme un miracle…»

Une joie qui va déclencher son choix, quelques semaines plus tard, de quitter Paris pour Saint-Malo. C’est dans la maison achetée pour cette nouvelle vie que Méline a perdu la vie un an plus tard, dans la nuit du 22 au 23 août 2010, tandis que sa mère, après l’avoir étouffée, tentait de se suicider.

« Suicide altruiste »

Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité mais refuse de bénéficier de l’hypothèse d’une altération de son discernement au moment des faits.

«Vous dites qu’elle n’est pas responsable de ses actes? Elle est responsable de ses actes ! Un acquittement au bénéfice d’une maladie mentale ? On n’en veut pas une seconde !» lance son avocat, Me Éric Dupont Moretti, après la déposition du Dr Anne Henry pour qui l’accusée, en proie à une «folie délirante», n’est pas accessible à une sanction pénale.

Les autres experts ont écarté la maladie mentale et convergé sur l’hypothèse d’un «suicide altruiste», motivé, selon le professeur Frédéric Rouillon, par un «désespoir au point de se donner la mort et tuer l’enfant qu’elle aimait». «Nous avons respecté la volonté de cette femme – qui nous est apparue très digne, lucide – à ce que la justice s’occupe de son cas», ajoute-t-il.

AFP/M.R.

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