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Cool Fawa, chanteuse star de Centrafrique


Chantant essentiellement en français, avec des touches de sango et d'anglais, son titre le plus connu, On va se marier, sorti en 2018, cumule plus de 50 000 vues sur YouTube. (Photo : afp)

Après des débuts dans le rap «mal vus par la population», Cool Fawa, 27 ans, s’est fait un nom grâce à ses chansons aux accents «zouk-love». En Centrafrique, pays déchiré par une guerre civile, elle est parmi les artistes les plus suivis.

Parée d’une combinaison fluorescente, baskets montantes aux pieds, Princia Plisson saisit le micro et monte sur scène. La jeune chanteuse au regard pétillant et plein d’assurance enflamme son auditoire d’adolescents dans un bar d’un des quartiers les plus défavorisés de Bangui, la capitale centrafricaine. «Notre amour est validé, pour moi bébé tu es mon number one…», la foule se déhanche en reprenant les paroles de son titre Validé, aux sonorités hip-hop et afrobeat, fruit d’une collaboration avec le chanteur camerounais Petit Pays.

La fille cool

Avec plus de 4 500 abonnés sur Instagram, cette chanteuse et influenceuse de 27 ans, mieux connue sous le nom de Cool Fawa («fille cool»), est parmi les artistes les plus suivis sur les réseaux sociaux en Centrafrique, déchirée par une guerre civile depuis neuf ans. «J’aime sa musique, elle me donne l’espoir de réussir un jour», confie une adolescente de 16 ans assistant au concert. «Cool Fawa, elle déchire», s’exclame un jeune homme.

Chantant essentiellement en français, avec des touches de sango et d’anglais, son titre le plus connu, On va se marier, sorti en 2018, cumule plus de 50 000 vues sur YouTube. Bénéficiant d’une certaine notoriété auprès de la jeunesse, sa musique aborde principalement les thèmes de l’amour et des relations hommes-femmes sur un rythme «zouk-love», parce que «c’est vendeur», explique Cool Fawa.

Des textes engagés sur les problèmes de société

Plus vendeur que le rap, son premier amour, dans lequel elle se lance en 2010. Un milieu dépourvu de femmes. «J’étais fan de Diam’s, la rappeuse française», confesse-t-elle d’un air enfantin. Déterminée à rapper comme son modèle, elle intègre un groupe composé exclusivement d’hommes, MC Fonctionnaire : «Au début, ils ne me prenaient pas au sérieux, mais ils ont fini par m’accepter.» Ensemble, ils faisaient du «rap révolutionnaire», dénonçant à travers des textes engagés les problèmes de société «comme le manque de routes, d’infrastructures, de moyens…».

Un début de carrière bouleversée en 2013 par la guerre civile, quand les rebelles de la Séléka, coalition de groupes rebelles essentiellement musulmans, ont pris d’assaut la capitale, Bangui, chassant le président, François Bozizé, au pouvoir depuis dix ans. Le pays a sombré dans une crise sécuritaire et politique opposant milices principalement chrétiennes et animistes, les «anti-balaka», aux Séléka.

«Le rap, c’est dangereux»

En pleine crise, Princia arrête tout. «Nous ne pouvions plus sortir, nous avions peur de prendre une balle ou de nous faire kidnapper», confie-t-elle dans l’intimité de sa maison sur les hauteurs de Bangui. Le rap, «c’est dangereux, ça ne paye pas, et c’est mauvais pour mon image», déplore-t-elle, en levant les yeux au ciel. «Ma musique était mal vue par la population. Il y a des parents qui ne voulaient plus que leur fille m’approche», s’agace Cool Fawa.

Un préjugé qui n’épargne pas ses proches : «L’entourage me fait toujours des remarques sur ce que fait ma fille, déplore sa mère, Cécile Yohoram, professeure d’anglais au lycée. Mais dès que je l’entends chanter, je ressens de la fierté.» «Pour la plupart des Centrafricains, le rap est une musique de ratés», regrette Princia.

Sa principale mécène

Refusant pour autant d’être réduite au silence, Cool Fawa troque le rap contre une musique hip-hop et afrobeat, plus populaire, mais pas forcément payante comme l’ensemble du secteur culturel centrafricain. «Le ministère des Arts et de la Culture m’a aidée en 2020, mais j’aimerais me sentir plus soutenue par mon gouvernement», regrette la musicienne, qui est la principale mécène de sa carrière.

Être une femme dans ce milieu, c’est aussi être confrontée à des comportements sexistes, en particulier pour trouver des financements. «Les sponsors sont trop souvent dans un rapport de séduction», se désole l’artiste. «J’ai vite compris que je devais financer moi-même ma musique.»

J’ai vite compris que je devais financer moi-même ma musique

Issue d’un milieu modeste, Princia peut compter sur le soutien financier de ses proches en plus de sa petite entreprise qu’elle gère avec sa sœur. «On achète des perruques, des chaussures, des sacs à l’étranger pour les revendre ici, ça me permet de payer l’enregistrement de mes titres au Cameroun.»

À côté de cette activité, Cool Fawa gagne sa vie grâce à ses concerts, mais pas encore avec le visionnage de ses clips diffusés sur YouTube, souffrant du manque d’accès à internet de la population. Dans ce pays, le deuxième le moins développé au monde, seuls 10 % des 5 millions d’habitants ont accès à internet, selon la Banque mondiale. Malgré les difficultés, Cool Fawa ne perd de vue pas son objectif : sortir son premier album et «devenir une superstar».

 

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