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«J’ai tout perdu» : reclassé externe et au bout du rouleau


Il existe, à l’Adem, une catégorie de demandeurs qui n’ont pas la vie facile. Ceux qui ont une capacité de travail réduite ou un handicap.

Steve s’est retrouvé invalide à 30 % à la suite d’un accident de la route. Pas d’autre issue qu’un reclassement externe pour ce cuisinier. Un parcours semé d’embûches qu’il nous raconte, pour illustrer une triste réalité.

Les aléas de la vie peuvent tous nous conduire, un jour funeste, à vivre ce que Steve*, 54 ans, subit depuis juillet 2020, à la suite d’un accident de moto, entre son lieu de travail et son domicile.

Ouvrier de l’État, responsable de restauration depuis 23 ans pour le ministère de la Famille, son quotidien bien réglé bascule à cet instant et marque le point de départ d’une autre vie, faite d’angoisse et de désespoir. «Je ne suis pas responsable de l’accident, et voilà où j’en suis aujourd’hui, j’ai tout perdu», lâche le quinquagénaire dans un souffle, épuisé par ce parcours du combattant.

Steve a dû faire une croix sur son passé de cuisinier. La commission mixte a estimé qu’il n’était plus apte à exercer sa profession et s’est prononcée en faveur d’un reclassement externe le 2 décembre 2021.

«J’ai été victime d’une erreur médicale, pour ajouter à mon malheur, et je me retrouve salarié handicapé à 30 %, ne pouvant pas travailler plus de 6 heures par jour», précise-t-il. La décision de la commission mixte est tombée en février dernier.

Il élève sa fille de 11 ans, dont il a la garde, et sait que ses indemnités vont fondre s’il ne trouve pas rapidement un travail qui lui convient. «Après un bilan de compétences dont les résultats étaient orientés vers des métiers du sport, j’ai postulé auprès de différents clubs sportifs, communes et structures, mais je n’ai reçu aucune réponse favorable», explique Steve.

«Je ne m’attendais pas à des tâches si compliquées»

Entraîneur sportif auprès des jeunes depuis des années, il a également proposé ses services dans des structures d’accueil, type maison relais, pour des animations. Rien. Pris de panique, il parvient à trouver un poste de secrétaire dans un cabinet d’avocats.

«L’Adem m’a alors proposé d’effectuer un test sous la forme de « stage de professionnalisation », afin de voir si mes compétences étaient adaptées au poste et si je convenais à l’employeur.» Steve se rend vite compte qu’il n’est pas du tout à sa place.

«Je ne m’attendais pas à des tâches aussi compliquées pour moi. Je souffre de dyslexie, il me faut plus de temps pour assimiler les choses et je ne m’en sortais pas avec les logiciels.» Ce poste est aux antipodes de ses compétences.

La secrétaire en charge de le former ne peut pas lui consacrer davantage de son temps, elle-même ayant une charge de travail considérable. «Nous l’aurions gardé jusqu’à la fin de son stage, de toute façon», nous dit l’employée du cabinet d’avocats qui avait offert ce stage au demandeur d’emploi. Mal à l’aise, gêné par ses lacunes, Steve démissionne de son poste et prévient l’Adem.

«J’ignorais alors que ma décision avait été la plus mauvaise que j’avais pu prendre.» Les conséquences de cette démission, en plein stage de professionnalisation, passe mal. Même pas du tout. Personne ne lui a parlé des répercussions que cela pouvait avoir.

«De bonne foi, j’ai expliqué à ma conseillère que cela ne fonctionnait pas, en avouant mon incapacité intellectuelle à réaliser certaines tâches, mais elle s’est contentée de me répondre que toutes les expériences étaient bonnes à prendre», explique Steve. Lui ne voyait rien de positif dans cette expérience, mis à part la confirmation de ses limites.

86 % dans son cas

Il ne pouvait pas continuer alors que ce stage de six semaines aurait pu déboucher sur un possible engagement des deux parties dans un contrat de type CDD ou CDI.  Pour Steve, il était inutile d’insister. «À aucun moment, ni les modalités, ni les conséquences d’un éventuel arrêt du stage n’ont été évoquées. Seule information : l’article 12 de la convention de stage indique que « si une des parties souhaite mettre fin au stage avant son terme, l’Adem doit en être avertie préalablement ».» Il prévient l’Adem et son employeur de son souhait d’arrêter le stage et démissionne.

La suite est rude pour lui. «Malgré le fait que le stage de professionnalisation soit destiné à tester une personne en totale reconversion professionnelle, la commission de l’Adem a décidé de ne plus maintenir mon droit aux indemnités de chômage», confie Steve, dépité.

La commission juge sa démission comme un «refus de travailler, sans motifs valables et convaincants».

«Non seulement, je me retrouve sans le sou, mais en plus la caisse de maladie m’annonce que ma fille et moi ne sommes plus affiliés depuis le 31 mai!», s’indigne cette fois le chômeur partiellement invalide. Il comprend, finalement, après avoir demandé plus d’explications, qu’il a 40 jours pour introduire un recours et que celui-ci est suspensif. «Malgré ma bonne volonté et tous les efforts effectués pour me réinsérer, je suis donc aujourd’hui, à 54 ans, seul avec une enfant de 11 ans à charge, dans une situation très délicate», conclut-il.

Steve attend maintenant que la commission spéciale tripartite réexamine son dossier. Il fait partie des 86 % des demandeurs d’emploi à capacité de travail réduite ou ayant un handicap, qui ne trouvent pas d’emploi depuis plus de douze mois, selon le dernier Panorama social de la Chambre des salariés.

* le prénom a été changé

Un commentaire

  1. Muacho Jorge

    moi aussi j’ai un cas pareil mais mon accident était en 2015 et en 2020 il mon aussi tout enlevé. j’ai tout le dossier de l’accident qui prouve que le conseil arbitral fait que des faux jugement et condamne les gens seulement parce qu’ils ne les connaissent pas et qui n’ont pas les moyens d’avoir un meilleur avocat.

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