Taxx.lu veut révolutionner la déclaration d’impôts en ligne au Grand-Duché grâce à une application qui scanne et reporte les infos automatiquement. Le modèle a déjà séduit plus de 10 000 utilisateurs.
Remplir sa fiche d’imposition, voilà une tâche qui fait trembler bon nombre d’entre nous. Ce charabia institutionnel nous donne toujours plus de sueurs froides à l’approche de l’ultimatum du 31 mars. Un livre avait déjà fait recette en surfant sur notre incrédulité : La Déclaration d’impôt facile.
Depuis 2018, c’est un site internet qui tire son épingle du jeu en nous promettant de remplir notre déclaration «sans stress». À l’origine de ce site Pierre Malget, qui, bien qu’économiste, s’arrachait lui aussi les cheveux pour compléter les cases «sans jamais avoir la certitude que tout soit juste».
Si le site a été créé en 2018, c’est seulement depuis février dernier qu’un algorithme informatique permet aux clients de scanner leurs papiers (salaire, prêt immobilier, assurance…) avec leur téléphone, via l’application du même nom.
L’application reconnaît le type de documents et reporte ensuite les chiffres et informations automatiquement dans les bonnes cases. «Un procédé unique au monde», assure l’entrepreneur dont les locaux sont basés à Strassen.
Après avoir fait des études en économie en France et au Canada pour devenir professeur en économie, il intègre le groupe Saint-Paul au Luxembourg. «Je ne voulais pas devenir prof sans avoir travaillé concrètement dans le secteur privé», explique l’entrepreneur.
Au bout de trois ans, il suit sa vocation et entre dans la fonction publique. C’est dans cette période qu’il découvre que même avec ses études, il doit aller trouver «l’information à droite et à gauche». Il cherche alors une solution sans avoir à mettre «plusieurs centaines d’euros dans une fiduciaire pour qu’elle s’en charge».
L’idée lui vient de créer «un support en ligne, plus simple et intuitif pour l’utilisateur». Il veut également que ce support permette de prendre des photos de documents, «ce qui en mars 2018 n’existait pas encore», indique le trentenaire. S’il a les compétences pour effectuer les calculs nécessaires au lancement d’un tel projet, il n’est pas en mesure de créer l’outil informatique qui convient.
C’est là qu’il rencontre Jerry Weyer, et le député pirate Sven Clement qui vont devenir ses associés. Le trio se lance et dès la première année, 600 déclarations sont faites sur leur site. «L’an passé, 10 000 foyers ont fait leur déclaration sur Taxx.lu.» Un chiffre qui le réjouit Patrick Malget, d’autant que «80 % de nos clients reviennent l’année d’après. Cela montre la qualité du site et leur satisfaction».
De 18 à 104 ans
Le profil des utilisateurs est très variable selon l’économiste. «Il est important de souligner que nous n’accédons pas aux données des clients, sauf si une personne nous contacte, nous pose des questions et que nous avons besoins de ces informations pour lui répondre. D’ailleurs, j’ai souvent des amis qui me demandent si j’ai vu passer leur déclaration d’impôt sur le site. La réponse est non, je ne sais pas qui utilise le site, même si nous avons quelques statistiques anonymes. La personne la plus âgée enregistrée sur notre site a 104 ans, mais c’est peut-être un enfant voire un arrière-petit-enfant qui a fait la démarche pour elle. Nous avons eu aussi un monsieur de 91 ans dans nos locaux qui voulait savoir s’il avait rempli correctement sa déclaration. Il avait pris des cours d’informatique et était fier. Cependant, notre cœur de cible a entre 30 et 45 ans. C’est une génération qui a grandi avec internet.»
Autre cible pour le site traduit en plusieurs langues (allemand, française, anglais, luxembourgeois), la population anglophone du pays puisque les documents d’imposition officiels n’existent pas en anglais. Deux salariés répondent aux questions des clients via un chat.
Sur le site des trois associés, la simulation est gratuite, pour aller plus loin, c’est 50 euros. En ce moment, environ 150 personnes se connectent chaque jour sur Taxx.lu et 12 000 ont commencé leur déclaration d’impôt en ligne.
Le rythme devrait encore s’accélérer jusqu’au 31 mars puisque 30 à 40 % des utilisateurs du site font leur déclaration avant cette date. Ceux qui ont raté le coche, que ce soit sur le site ou par une voie plus classique, pourront le faire jusqu’à la dernière minute du 31 décembre, dernier délai légal.
À la conquête du marché luxembourgeois
En 2018, Taxx.lu n’était qu’un hobby pour Patrick Malget. Le succès de la plateforme en ligne lui a permis de quitter la fonction publique en septembre 2020. La création du groupe Account Tech, la maison mère de Taxx.lu, lui permet de mettre en œuvre d’autres idées comme salary.lu «qui offre la possibilité aux PME (petites et moyennes entreprises) de générer des fiches de salaire eux-mêmes facilement», précise le jeune entrepreneur. Facture.lu s’adresse également aux PME et permet notamment de générer facilement des factures et de se faire payer en ligne.
Avec Taxx.lu, le le trio espère conquérir une part de marché encore plus grande, se démocratiser et devenir incontournable et «on est sur la bonne voie», assure Patrick Malget, confiant. Pour cela, il a un atout : l’optimisation fiscale. En faisant sa déclaration sur Taxx.lu, on est un peu pris par la main pour penser à toutes les possibilités qui nous permettraient d’économiser sur nos impôts, comme l’inscription d’un enfant dans une maison relais.
Un score d’optimisation a même été créé en fonction du nombre de données déductibles des impôts retranscrites par les utilisateurs. Quand on arrive à 100, c’est que le plafond d’indemnités fiscales a été atteint. «Nous avons également racheté les droits d’auteur du livre La Déclaration d’impôt facile, un livre déjà bien connu au Luxembourg, pour devenir la référence en la matière. Ainsi, les gens n’auront plus besoin d’avoir un master en économie pour remplir leur fiche d’impôt.»
Par contre, le succès de Taxx.lu ne s’exportera pas à l’étranger. Déjà «parce qu’il faudrait tout reprendre à zéro au niveau des calculs. L’imposition est totalement différente d’un pays à l’autre». De plus, en Allemagne, en 2017, Taxfix.de a lancé le même type de service, «avec une levée de fonds à 100 millions d’euros. C’est sans commune mesure avec nos possibilités».
Les géants du secteur risquent donc de partir à la conquête de l’Europe avec d’importants moyens et Taxx.lu ne peut pas faire le poids mais elle a une garantie, celle de ne voir personne débarquer au Grand-Duché. «Ce n’est pas un marché intéressant pour les grands groupes. Ce serait trop d’investissements pour si peu de rendements en raison de la taille du pays.»
Par ailleurs, si en interne le groupe essaye déjà de décliner l’algorithme qui permet de détecter le type de document et de reporter automatiquement les données, des acteurs extérieurs se sont déjà montrés intéressés par cette technologie.
Audrey Libiez