La nouvelle recrue des verts de la capitale, Eduarda Macedo, compte bien apporter sa touche dans l’équipe communale et espère mobiliser davantage de citoyens étrangers.
La suivante sur la liste déi gréng, c’était elle : depuis lundi dernier, Eduarda Macedo, 62 ans, remplace officiellement le conseiller démissionnaire Carlo Back au conseil communal de la Ville de Luxembourg. Un tournant inattendu dans la vie de cette habitante de Beggen d’origine portugaise, traductrice à la Commission européenne, qu’elle compte désormais mettre à profit pour amener davantage d’étrangers à s’impliquer dans la vie politique luxembourgeoise.
Vous avez été assermentée en tant que conseillère communale de la capitale lundi. Qu’avez-vous ressenti?
Eduarda Macedo : C’était un moment très solennel, et pour moi, ça signifiait beaucoup. Jamais je n’aurais imaginé qu’une chose pareille pouvait arriver. Je m’étais surtout présentée aux communales en 2011 puis en 2017 avec l’intention de participer et de mobiliser les citoyens étrangers. Je voulais donner l’exemple.
C’était une surprise alors?
Absolument! Je venais de demander une réduction de mon temps de travail pour avoir plus de temps pour moi et peut-être me lancer dans l’écriture. Et puis, Carlo Back m’a appelée en m’annonçant qu’il partait et que j’étais la candidate suivante sur la liste. J’ai dû prendre quelques jours pour réfléchir.
Qu’est-ce qui vous a poussée à accepter?
J’aurais détesté être l’étrangère-alibi de la liste qui renonce au moment de prendre ses responsabilités. Et puis, je veux montrer aux citoyens étrangers que c’est possible! Dire non aurait été plus confortable, c’est sûr, mais ça aurait aussi été une occasion manquée de diversifier les rangs des verts et du conseil communal.
Vous avez grandi à Lisbonne et vous y avez aussi étudié. Pourquoi avoir quitté votre pays natal pour le Luxembourg?
C’était le 1er décembre 1985. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je suis partie avec une petite valise et à peine de quoi payer deux nuits d’hôtel. Le Portugal allait adhérer à l’Europe le 1er janvier suivant et la Commission européenne cherchait des traducteurs. J’avais ce rêve d’Europe, l’envie de participer à ce projet fascinant. Je me suis lancée dans cette nouvelle vie sans savoir à quoi m’attendre. J’avais juste passé quelques jours au Grand-Duché trois ans auparavant en tant que touriste!
Je suis beaucoup plus écolo qu’il y a dix ans!
Et quelles ont été vos premières impressions?
J’ai été surprise de rencontrer autant de Portugais! (elle rit) Pour autant, j’ai ressenti un dépaysement énorme et je me sentais en marge. Je me souviens d’une société beaucoup plus conservatrice que celle de mon pays : j’ai été étonnée, par exemple, de la proportion de femmes au foyer ici, car dans ma famille, toutes les femmes ont toujours travaillé.
La ville aussi était différente à l’époque : elle avait des airs de petite ville de province, c’était moins cosmopolite et tout fonctionnait par bouche-à-oreille. Rien à voir avec la capitale européenne qu’on connaît aujourd’hui.
Vous auriez pu faire le voyage retour?
Non, j’étais bien trop passionnée par mon travail : ce qu’on était en train de créer au sein de la Commission avec le groupe de jeunes recrues dont je faisais partie était tout simplement exaltant. On construisait quelque chose de totalement nouveau!
Quel regard portez-vous sur l’Europe d’aujourd’hui?
Le projet européen est avant tout un projet de paix, on ne doit pas l’oublier. C’est aussi un projet d’intégration, de vivre ensemble, et je crois que souvent, les États membres ont tendance à mettre des mesures impopulaires sur le dos de Bruxelles alors que ce sont les pays eux-mêmes qui décident! Certes, j’aimerais parfois que l’Europe aille plus loin, notamment en matière d’environnement ou de droit social, mais malgré tout, ces institutions sont une chance.
Comment l’engagement politique est-il arrivé dans votre vie?
C’est d’abord au niveau syndical que je me suis engagée : j’ai été à la tête d’un syndicat au sein des institutions européennes pendant longtemps et j’ai présidé le comité du personnel à une époque où il représentait 3 200 collaborateurs et où d’importants changements étaient en cours.
En 2010, j’ai rencontré Viviane Loschetter à l’occasion d’une conférence. On est restées en contact et c’est elle qui m’a proposé de la rejoindre sur la liste des verts aux communales l’année suivante.
Ça aurait pu être un autre parti. Pourquoi les verts?
Leur programme me plaisait et je m’imaginais bien le défendre. Au final, cet engagement m’a rendue plus verte : je suis beaucoup plus écolo aujourd’hui qu’il y a dix ans!
Que comptez-vous faire de ces deux ans avant les prochaines élections?
En priorité, me concentrer sur mon travail de conseillère et de membre de trois commissions consultatives. Creuser davantage la question de l’intégration et tenter d’insuffler une manière différente d’échanger avec les citoyens : ne pas se limiter à la participation, mais s’orienter vers la cocréation. Amener plus d’étrangers à prendre part à la vie politique locale : on vit ici, on vote ici! C’est un chantier auquel il faut s’attaquer maintenant et pas trois semaines avant le scrutin.
Sur quels dossiers prioritaires travaillent les verts de la capitale?
La mobilité, avec l’élaboration du « Mobilitéitsplang » et le plan alternatif à celui de la majorité que nous avons présenté pour l’aménagement de l’avenue Pasteur au Limpertsberg. Le logement, avec des mesures qui pourraient être mises en place très rapidement, comme la possibilité de mobiliser des parcelles vides constructibles immédiatement. Mais la majorité reste immobile. Or le tissu social se distend dangereusement à mesure que les jeunes et les familles sont poussés ailleurs.
Le climat bien entendu, puisque la capitale n’est toujours pas dotée d’un plan comportant des objectifs climatiques, et ça manque cruellement. Et la culture, à travers une réflexion sur les espaces dont disposent les artistes, leurs subventions, sans oublier la reconversion des anciens abattoirs de Hollerich, cet endroit unique en Europe qui a vu naître toute une génération de street artistes.
Sur tous ces sujets, les verts sont source de beaucoup d’idées novatrices auxquelles la majorité DP-CSV n’a aucune intention de donner suite par peur de bouleverser son électorat.
Entretien avec Christelle Brucker