Tous les voyants étaient au rouge, mardi, avant un déplacement compliqué au Portugal (5-0) et le Grand-Duché ne s’est pas non plus forcément facilité la vie.
Trop joueurs, les Roud Léiwen ?
La veille, alors que tout le monde lui adressait des louanges sur la qualité de son jeu au pied, la relance ayant été un des marqueurs forts de la très belle performance face aux Serbes (0-1), Anthony Moris avait prévenu : «Il y a aussi un jour où on se plantera et ça fera but.»
Mardi, à Faro, c’était ce jour-là. Et deux fois en plus. Erreur de relance de Carlson sur le 2-0, imprécision de relance de Moris sur le 3-0 et un sentiment mitigé qui ne doit pas faire dérailler les suiveurs des Roud Léiwen : si cette stratégie consistant à ne plus jamais balancer aide à produire des résultats aussi spectaculaires en termes de jeu que face aux Serbes, on ne peut décemment pas se plaindre qu’elle accouche de débuts de matches comme celui face au Portugal. C’est visiblement un risque que Luc Holtz veut prendre et on le sait depuis longtemps.
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Des questions sur la gestion ?
Tout le monde avait relevé que Luc Holtz n’avait procédé qu’à deux changements (dont un dans les arrêts de jeu) contre la Serbie. Et tout le monde s’était fait la même réflexion. À trois jours d’un déplacement qu’on savait déjà déséquilibré en termes de physique par un calendrier bancal qui a permis aux Portugais d’arriver frais sur la pelouse, n’est-ce pas se tirer une balle dans l’autre pied ? N’aurait-il pas fallu procéder à un peu plus de changements samedi pour ménager les organismes en vue de mardi ? Le sélectionneur avait eu un argument imparable. Il ne voulait pas hypothéquer les chances de résultat contre les Serbes , ce qui est sans doute l’explication la plus recevable de toutes : on ne gère pas, on joue la gagne.
Sauf que voilà, fatalement, on a bien vu que certains tiraient la langue à Faro et très tôt dans le match. Mais bis repetita : sorti des deux changements à la pause, il a fallu attendre les 87e et 88e minutes pour voir injecter du sang frais et là, il n’était plus question d’arracher un ou plusieurs points, comme samedi. On a peut-être un peu tiré sur la corde dans le domaine physique. Autre sujet : les entrées de Borges et Deville à la pause, dans les couloirs. Qui malgré quelques éclats du petit Yvandro, n’ont pas apporté ce qu’ils auraient pu (et dû concernant Deville). N’y avait-il pas nécessité d’essayer d’amener plus de punch dans l’axe, que ce soit plus haut sur le terrain où Sinani a passé beaucoup de temps à décrocher, ou dans l’entrejeu où il y avait une sacrée somme de kilomètres à abattre ?
Holtz doit-il ménager les ego ?
La gestion de l’effectif sur les deux matches semble renvoyer un message clair : il n’y a pas forcément sur le banc de garanties suffisamment fortes (malgré de belles prestations de remplaçants habituels le mois dernier face au Qatar) pour que Luc Holtz prenne le risque de déstabiliser son onze de base. Et cela, pour ceux qui ont fait banquette quasiment toute la semaine internationale (dont l’irréprochable Pimentel, qui aurait pu effectuer ses premières minutes juste à côté de chez lui et aurait sûrement été acquis à la cause holtzienne à vie si le sélectionneur lui avait fait cet honneur), il va falloir, encore, le digérer. Mais si les hiérarchies ne sont plus une surprise dans un groupe qui bouge finalement peu, d’une liste à l’autre, le sélectionneur devra forcément s’atteler à remobiliser les frères Thill, sortis ensemble à la pause.
Un coach ne se met jamais en difficulté de gaieté de cœur, mais le remplacement simultané de deux frères, à l’investissement irréprochable et au volume de jeu avéré, à un moment aussi charnière qu’une mi-temps, a dû inciter «Séba» et «Oli» à se poser des questions, quand bien même ils semblaient plus souffrir que d’habitude. Luc Holtz doit-il gérer ses options tactiques en fonction des ego ? Non. Est-ce qu’il devrait y accorder de l’importance ? Peut-être. Il le sait mieux que quiconque : diriger, c’est de l’humain.
Ça va trop vite pour Borges ?
Yvandro Borges a 17 ans. Et en deux mois, il est passé des U21 luxembourgeois et des U19 de Mönchengladbach à trois mi-temps contre la Serbie et le Portugal, dans la semaine internationale au niveau le plus relevé depuis longtemps. Comment s’en est-il tiré ? Comme il le devait. Il n’a pas fait de différences fulgurantes comme face au Qatar en amical, en septembre, mais a payé pour apprendre, offrant par petites touches éclatantes une étendue de son évident talent et faisant aussi ressentir le reste du temps tout le chemin qu’il lui reste à parcourir.
À l’heure actuelle, l’ailier gauche est encore loin d’avoir terminé sa formation et, comme pour tous les garçons de son âge, se pose l’éternelle question de savoir s’il n’est pas trop tôt pour tout ça, s’il ne devrait pas se contenter d’apparitions de fin de match. Les sélectionneurs du monde entier ont déjà trouvé depuis longtemps la parade sémantique à ce genre d’insinuation venue en général des médias : le talent n’a pas d’âge. Certes. Mais l’art de gamberger en a un. Et l’adolescence y est particulièrement propice.
Lors de sa première conférence de presse, le mois dernier, Yvandro avait paru être un garçon particulièrement intelligent et réceptif. Espérons donc qu’il surmontera facilement ces premières capes où tout le pays s’interroge sur sa présence sur le terrain quand bien même il est évident que son talent est monumental. Là aussi, le staff devra être costaud pour ne pas griller sa nouvelle pépite, encore à la recherche d’un premier contrat pro, ce qui est loin d’être anecdotique.
Clairement défavorisés ?
Essayons de calmer le jeu, même si c’est difficile. L’époque est au complotisme, mais non, il n’existe pas d’instruction de l’UEFA pour sabrer spécifiquement le Luxembourg. Il s’agit simplement d’une accumulation d’erreurs, ou plutôt de certitudes (objectives ou pas) qu’il y a erreur, des arbitres qui sifflent les Roud Léiwen. Mais plus Luc Holtz (aiguillonné sur le sujet par les médias, il est vrai) répète qu’il a le sentiment de ne pas être arbitré de la même façon que les autres, plus on se met à ausculter le moindre nouveau petit coup de sifflet qui ne va pas dans le bon sens. Mardi, on a encore été frappé plusieurs fois par la foudre sous les ordres du Lorrain M. Bastien : VAR pour vérifier s’il y a penalty dès la 8e et alors que la faute sur Bernardo Silva semble clairement en dehors de la surface, mais pas VAR pour vérifier s’il y a faute sur Deville, pourtant clairement empêché de sauter en pleine surface de réparation en fin de rencontre. Mais ce genre d’approximations sera plus grave si cela arrive le mois prochain, lors de rencontres que le Luxembourg peut envisager de gagner.
Julien Mollereau