En stage d’altitude à Tignes pour deux semaines, les deux coureurs luxembourgeois sélectionnés pour les JO de Tokyo évoquent leur quotidien.
Du boulot. Du vélo, donc. Et du repos. Sur les hauteurs de Tignes où la délégation luxembourgeoise, regroupée autour de l’entraîneur national Christian Swietlik, a pris ses quartiers depuis la fin juin et jusqu’au 13 juillet, le rituel de Kevin Geniets et Michel Ries, un temps accompagnés par Christine Majerus (repartie depuis et participant d’ailleurs au Baloise Ladies Tour depuis jeudi), est immuable. «On va rouler les matins et on rentre pour suivre le Tour de France à la télévision. Seules les journées de repos total sont un peu longues. On va rester ici encore quelques jours et le 16 juillet on voyagera jusqu’à Tokyo», rapporte ainsi Kevin Geniets, pour qui cela semble naturel de faire équipe avec son compatriote, son cadet de dix mois (24 ans pour Kevin Geniets, 23 ans pour Michel Ries). «Avec Michel Ries, confesse Kevin Geniets, on se connaît depuis longtemps, juniors et espoirs on a fait beaucoup de sélections ensemble. Sur les courses qu’on fait avec nos équipes, quand on se voit, on se parle, on se connaît vraiment bien.»
À Tignes, la pression monte tout doucement. «C’est très spécial les JO, c’est l’événement sportif le plus grand du monde, nous sommes évidemment très fiers de représenter notre pays», explique à son tour Michel Ries, lequel poursuit : «Notre course se déroulera à Tokyo le 24 juillet, on va rester une bonne semaine là-bas pour s’adapter à la météo et au décalage horaire. Le dénivelé ne va pas poser un problème là-bas.»
Beaucoup de coureurs qui seront aux JO vont venir du Tour, on verra dans quel état ils sont, s’ils sont capables ou pas d’enchaîner…
LES BIENFAITS DE L’ALTITUDE
C’est évidemment pour profiter des effets de l’altitude que la fédération nationale de cyclisme (FSCL) a organisé ce stage à Tignes. En terrain connu. «J’aime bien la région et les routes d’entraînement. On a eu des bonnes sorties et cela va bientôt se finir. Ce n’est pas la première fois que je me rends ici à Tignes, c’est un coin que j’apprécie bien», assure Michel Ries. L’altitude, Kevin Geniets en connaît également les bienfaits. «Deux semaines de stage, enchaîne Kevin, c’est beaucoup d’entraînement et de repos, on s’entraîne dur, il s’agit d’une optimisation de l’entraînement pour les Jeux olympiques. Je fais vraiment tout pour être bien, je ne sais pas du tout comment cela va se passer à Tokyo, je ne connais pas le parcours, même si j’ai vu le profil qui est montagneux. Il y a encore l’incertitude liée au décalage horaire. Ce sera évidemment très différent de ce qu’on connaît. L’hiver dernier, cela m’avait servi de me préparer en Sierra Nevada. Ensuite, j’avais fait un bon Het Nieuwsblad (9e) et des bonnes Strade Bianche (16e).» Lui aussi, Michel Ries sait d’expérience qu’il réagit bien à l’altitude : «J’ai eu de bonnes expériences, même ce n’est jamais facile de revenir et qu’il faut attendre avant de revenir en course.» De là à dire qu’il s’agit de la meilleure préparation possible, il y a un pas… « Pour les cyclistes, c’est compliqué, beaucoup de coureurs vont venir du Tour, du coup, on ne peut pas parler d’une vraie préparation. Ils sortent du Tour, on verra dans quel état ils sont, s’ils sont capables ou pas d’enchaîner. Nous, on ne fait pas le Tour et nous avons ce privilège de nous préparer spécifiquement…», analyse Kevin Geniets.
LE PASSAGE DU TOUR À TIGNES
Le Tour est passé à Tignes dimanche et l’étape de repos qui a suivi, a permis aux deux stagiaires de partir à la rencontre de leurs habituels coéquipiers. «On a été inhabituellement encouragés dans nos entraînements par le public qui était dans la région pour attendre le passage du Tour, c’était sympa», sourit Michel Ries, impressionné de voir, plutôt de revoir comme lorsque lui-même se rangeait du côté du public, la grosse machine du Tour. «C’est spécial, reprend le coureur de Trek-Segafredo, ça faisait longtemps que je n’y étais pas allé en tant que spectateur, de l’extérieur, c’est impressionnant de voir l’organisation. L’organisation et le public, c’est sur un autre niveau que toutes les autres courses, c’est clair.»
Comme le Tour a stationné, ils en ont donc profité. «L’hôtel de mon équipe n’était qu’à une centaine de mètres, détaille Michel. C’était spécial ce lundi, le jour de repos, même si avec les bulles, ce n’était pas si facile de les voir, il fallait faire attention. Ils font un beau Tour, il leur manque juste une victoire, mais on les voit presque chaque jour passer à l’attaque, comme sur l’étape du Ventoux par exemple, c’est beau de voir ça.»
Quant à Kevin Geniets, il a pris «le temps de partager un café avec Stefan Küng», avec qui il a beaucoup couru en début de saison.
LEURS VISIONS DE CE TOUR
Comme ils ne ratent aucune étape, une fois leur entraînement quotidien terminé, les deux coureurs luxembourgeois n’ont rien raté de la Grande Boucle. «C’est un beau Tour de France, animé. Il n’y a pas une étape qui ressemble à une autre», résume Michel Ries. Kevin Geniets ne dit pas autrement : «C’est intéressant à suivre, les premières étapes étaient ouvertes. Et sur le Ventoux, Pogacar a semblé craquer un peu. Il s’est bien sauvé, mais pour la première fois, on avait vu ses faiblesses.»
Bien sûr, le champion national assiste à un Tour de France en demi-teinte de la part de ses habituels coéquipiers, ce qui le chagrine logiquement. «Mon équipe souffre, constate le champion national. Arnaud (Démare) n’est plus là et David (Gaudu) a beaucoup souffert (NDLR : seulement quatre coureurs restent en course ce samedi). Cela arrive parfois, on ne choisit pas, c’est ça le Tour. Mais évidemment, cela me donne quand même envie de le faire, même si on se rend compte aussi que ce n’est pas une course comme les autres, on voit de bons coureurs se faire éliminer, d’autres subir de terribles défaillances, c’est impressionnant.»
J’étais en échappée avec lui (Tadej Pogacar) sur l’étape de Val d’Isère du Tour de l’Avenir, on avait fait vingt kilomètres ensemble…
LEUR AVIS SUR TADEJ POGACAR
Il suffit de se replonger vers le Tour de l’Avenir 2018 remporté par Tadej Pogacar, pour se souvenir qu’en plus d’une liste assez incroyable de partants au départ de cette édition de ce révélateur de talents (en plus de Tadej Pogacar, on retrouvait Gino Mader, Marc Hirschi, Jonas Vingegaard, Mikkel Bjerg, Brandon McNulty, et tant d’autres…), les deux coureurs luxembourgeois connaissent bien l’actuel maillot jaune. Particulièrement Michel Ries, puisque au matin de la dernière étape, le Luxembourgeois était deuxième du classement général juste derrière le Slovène. «J’étais en échappée avec lui sur l’étape de Val d’Isère, se souvient Michel. Nous étions tous les deux et on a fait vingt kilomètres ensemble et quand j’y repense, c’est un honneur d’avoir couru avec lui chez les espoirs. Quand je le revois, c’est un coureur très gentil, il parle avec tout le monde, il est très sympa, on se connaît et on se dit bonjour, c’est quelque chose de normal. C’est spécial de regarder en arrière, car de ce Tour de l’Avenir 2018, la plupart des coureurs sont dans le World Tour aujourd’hui.»
Kevin Geniets, à l’époque, reprenait tout juste en main sa carrière après un passage à vide. Il remontait alors la pente et ses résultats sur ce Tour de l’Avenir étaient encourageants : «Pogacar était déjà impressionnant. Quand on regarde les noms de ce Tour de l’Avenir, maintenant, cela fait drôle.»
Pour la suite, aucun des deux ne voit le coureur slovène faillir. «Il a montré dans les Alpes et dans le chrono que c’était le plus fort, il reste une semaine de course et la course n’est pas finie, même c’est bien parti pour lui», imagine Michel Ries. «Chez les espoirs, il était déjà super, super fort. C’est pour moi une suite logique. Maintenant, il est très, très fort, ce n’est pas plus une surprise que ça», conclut Kevin Geniets.
Denis Bastien