Une proposition de loi déposée par Sven Clement pourrait être favorable aux milliers de descendants de Luxembourgeois qui espèrent obtenir la nationalité alors que le délai est dépassé.
De l’autre côté de l’Atlantique, au sud du Brésil, le nom de Sven Clement est désormais bien connu : ils sont des milliers de descendants de Luxembourgeois à avoir raté le coche de la loi qui leur permettait, jusqu’en 2018, d’introduire une demande pour recouvrer la nationalité de leur aïeul, et comptent beaucoup sur une proposition de loi déposée par le député pirate pour faire valoir ce droit qui leur était encore acquis il y a peu.
Cette opportunité de devenir luxembourgeois, offerte par la loi entre 2008 et 2018 à condition de pouvoir certifier l’existence d’un aïeul luxembourgeois vivant au 1er janvier 1900, a bénéficié à plus de 30 000 personnes, mais n’est pas parvenue à temps jusqu’aux oreilles de ces descendants du Nouveau Monde, si bien que c’est au Brésil et aux États-Unis que se trouvent le plus de demandeurs potentiels.
C’est cette injustice que souhaite réparer Sven Clement : «En 2008, on a inscrit arbitrairement une date butoir dans cette loi, et je ne comprends pas pourquoi. La proposition de loi que j’ai déposée en mars prévoit donc d’allonger le délai de dix ans supplémentaires, en espérant trouver un consensus plus large», précise-t-il, ajoutant qu’il ne voit pas pour quelle raison sa proposition n’aboutirait pas, puisqu’il «ne s’agit pas d’une faveur mais de la prolongation d’un droit qui existait encore il y a trois ans, et que ça n’augmente pas le nombre de personnes éligibles».
Le député, qui défend la vision d’une Europe ouverte aux flux migratoires, voit en ces prétendants à la nationalité un formidable moyen de promouvoir le Luxembourg : «En leur refusant le droit de déposer une demande, on se prive de nouveaux ambassadeurs», estime-t-il. «Il est là le véritable nation branding : trouver des personnes en lien avec le Luxembourg à tous les niveaux socio-économiques et dans le monde entier», poursuit-il, taclant au passage la stratégie de communication gouvernementale.
«Chacun a une raison de devenir luxembourgeois qui lui est propre»
Si Sven Clement est bien conscient du sésame que représente un passeport luxembourgeois pour qui ne réside pas dans l’Union européenne – plus besoin de visa pour circuler et travailler librement dans les 26 États de l’espace Schengen, il souligne que les motivations des requérants sont bien plus profondes : «Chacun a une raison de devenir luxembourgeois qui lui est propre. Beaucoup cherchent à replacer cette pièce dans le puzzle de leur histoire. D’autres souhaitent peut-être s’installer au Luxembourg et y travailler : parfait, nous avons besoin de main-d’œuvre qualifiée», rétorque-t-il, souhaitant avant tout que le Grand-Duché n’oublie pas ses expatriés d’un autre temps.
Car ces familles, qui ont quitté le Luxembourg au XIXe puis au XXe siècle, sont parties pour travailler : les premières ont contribué à l’essor de l’agriculture au Brésil, peu après son indépendance, tandis que les secondes ont assuré la réussite des complexes sidérurgiques ouverts par l’Arbed dans l’État du Minas Gerais à partir des années 1920.
Un passé d’émigration luxembourgeoise que Sven Clement ne veut pas voir balayer d’un revers de main : «Rouvrons la porte qu’on a claquée il y a trois ans et permettons à nouveau à ces gens de déposer leur dossier», réclame-t-il. Quant aux détracteurs qui, selon lui, pensent que ces candidats à la nationalité s’intéressent au Luxembourg uniquement pour toucher des aides sociales, le député rappelle que la nationalité n’ouvre aucun droit de ce type et que «ces arguments, entendus maintes fois, relèvent du fantasme».
Sa proposition de loi doit maintenant être examinée en commission parlementaire avant d’être débattue et soumise au vote de la Chambre des députés, «en novembre au plus tard» espère Sven Clement.
Christelle Brucker
Les Brésiliens devant les Belges et les Français
Entre 2008 et 2020, près de 80 000 personnes ont obtenu la nationalité luxembourgeoise, dont 30 000 via le «recouvrement 1900» permettant aux descendants d’un Luxembourgeois vivant au 1er janvier 1900 de recouvrer leur citoyenneté perdue. Seuls 5 à 10% sont résidents.
Sans surprise, ce sont les descendants belges (10 816 naturalisations sur la période, soit 36 %) et français (10 840, soit 36 % également) qui sont les plus représentés parmi ces nouveaux Luxembourgeois. Mais les Brésiliens (5 047 naturalisations jusqu’ici, soit 16 %) devraient bientôt leur ravir la première place, et de loin : en effet, en raison du Covid et des difficultés pour voyager, des milliers de demandeurs dont le dossier est quasi complet n’ont pas encore pu se rendre à Luxembourg pour la dernière étape de la procédure.
Le ministère de la Justice indique ainsi détenir à ce jour près de 10 500 dossiers brésiliens en attente d’un dernier tampon. Pour permettre à ces gens de boucler officiellement leur demande, le délai pour se présenter à l’officier d’état civil vient d’être repoussé de 2021 à 2022. Ce qui placerait les Brésiliens en tête du classement des bénéficiaires du «recouvrement 1900» avec près de 15 500 naturalisés.
Des chiffres qui ne prennent pas en compte les milliers de descendants, informés trop tard comme Mateus, qui n’ont démarré aucune démarche, mais espèrent bien pouvoir le faire grâce à la proposition de loi de Sven Clement.