Neimënster a présenté mercredi son programme estival, marqué par le festival «Bock op». De la musique, bien sûr, mais aussi des expositions et même du théâtre, pour une édition 2021 généreuse en nouveautés.
À partir de fin juin, le Bock op reprendra ses quartiers à Neimënster, pour la deuxième année consécutive dans une version adaptée aux contraintes sanitaires. Le festival d’été de l’abbaye «pensait revenir au Bock op en 2021, mais on sera encore dans sa version « Méi intim »», expliquait mercredi la directrice de Neimënster, Ainhoa Achutegui. «Ce n’est pas plus mal, d’ailleurs, car notre nouveau concept sanitaire, approuvé par le ministère de la Santé, correspond très bien à ce que l’on fera.» Un nouveau concept qui entend réinvestir les espaces de l’abbaye de façon insolite, dans la grande tradition de l’institution du Grund, tout en respectant les nouvelles mesures annoncées mercredi par Xavier Bettel et Paulette Lenert, «Covid check» compris.
Car à Neimënster, on l’a bien compris, l’intime n’est pas l’ennemi de l’ambitieux. La beauté du lieu aide, certes, mais on peut aussi et surtout compter sur le retour d’artistes internationaux, que la pandémie a forcés à se faire discrets au Luxembourg, et une programmation débridée, qui fonce la tête la première dans l’inédit et la convocation de disciplines plurielles. C’est évidemment la musique qui sera au cœur de la programmation, dans le lieu privilégié des «apéros jazz», du festival Reset et autres rendez-vous sonores incontournables de la capitale. Ainhoa Achutegui précise que dans la douceur de l’été, l’accent sera mis sur le «chill», «avec des connexions dans la soul ou le jazz» pour des concerts en plein air dans le cadre du volet «Forward» de la programmation, et qui promettent de plonger l’abbaye dans une ambiance douce et cosy. Les rendez-vous sont donnés pour la chanteuse pop néerlandaise Luwten (9 juillet), le groupe danois d’electro-jazz mâtiné de hip hop Athletic Progression (le 13 juillet) ou la représentante néerlandaise de la soul et du R’nB Gaidaa (22 juillet).
Cartes blanches et cirque musical
Si l’on espère que 2021 sera la deuxième et dernière édition «plus intime» du Bock op, ce qui signifierait la fin de la pandémie et un retour à la normale pour un évènement d’une telle ampleur, il faut néanmoins souligner que cette nouvelle édition s’offre le luxe d’une programmation étoffée de nouveaux rendez-vous. À commencer non pas par une, ni par deux, mais bien par trois cartes blanches données à des collectifs d’artistes luxembourgeois, qui s’empareront chacun à leur tour des espaces qui leur seront dédiés pour faire entendre leur voix et faire profiter le public de nouveaux horizons musicaux. «C’est la première fois que l’on fait ça», dit la directrice, en précisant qu’«il pourrait y avoir deux autres cartes blanches» supplémentaires. À guetter, donc…
Quoi qu’il en soit, le programme démarrera d’abord avec Charlotte in Red, plateforme de soutien aux artistes femmes et issus de la communauté LGBT, qui proposera, le 7 juillet (à l’occasion de la Pride Luxembourg), les concerts du Luxembourgeois CHAiLD, à la pop atmosphérique, de la Portugaise Fábia Maia, qui explore les zones grises entre hip-hop, rock, soul et R’nB, et de la DJ vénézuélienne basée à Berlin Koromoto. Le 10 juillet, le Foqus Collective, «très présent dans le monde du « live stream » cette année», rappelle Ainhoa Achutegui, fera monter sur scène Edsun, qui avait décroché le Luxembourg Music Award de l’artiste de l’année 2019. Enfin, l’incontournable Läbbel mettra à l’honneur l’une de ses artistes phares, Nicool. La rappeuse, nouvelle artiste associée de Neimënster, «a sa soirée dédiée, et toute la scène lui appartiendra», déclare Ainhoa Achutegui.
L’autre grande nouveauté est à trouver du côté de la programmation jeune public, «très différente de ce que l’on fait d’habitude» : un festival à l’intérieur d’un autre festival. Le Big Bang Festival, créé par le Belge Wouter Van Looy, s’invite pour la première fois au Grand-Duché. Dans ce grand cirque musical, du jazz et du classique pour petits et grands, avec même la participation de l’OCL. Ainhoa Achutegui : «Corinna Niemeyer (NDLR : chef d’orchestre de l’OCL) voulait faire des choses avec des enfants, alors on organisera une grande « bataille musicale » sur scène.» Ça promet !
«Contes et légendes « hipsters »»
Dans l’enceinte de Neimënster, le choix est large pour profiter de ce que le Bock op offrira en extérieur. La preuve, même les «apéros jazz» reprendront leur cours. Mais pendant que dehors résonneront les notes des ambiances apaisantes, dans les salles abritées, l’abbaye ne manquera pas l’occasion de laisser ses murs être investis, eux aussi, par les artistes. Avec deux expositions au programme, dont celle de l’artiste basé au Luxembourg Álvaro Marzán, lui aussi nouvel artiste associé de Neimënster. «Espace et désir» était prévue depuis plus d’un an, mais avec la pandémie, la directrice souligne que le lieu a dû «réorganiser toutes nos expositions».«Finalement, ça tombe super bien puisqu’elle a lieu en même temps que le début de la résidence» de l’artiste. Dans son art abstrait, le peintre «explore l’espace et la métaphysique de l’art». Et choisit même, comme espace d’exposition privilégié pour certaines œuvres, «des bois ou des grottes», dans un dialogue surprenant entre art et nature.
Difficile de savoir par où commencer, en tant que spectateur, avec une programmation aussi riche, qui en ferait presque oublier sa dimension intime. Mais puisqu’en général, la meilleure manière de commencer est à trouver au début, autant dire que le Bock op démarrera le 26 juin avec… du théâtre ! «Une pièce que l’on voulait présenter pour le Siren’s Call l’année dernière», dit Ainhoa Achutegui, et qui s’intitule Le Dernier Ogre. Soit une œuvre «qui mêle contes et légendes à une critique très rigolote envers notre société « hipster »». Et, on n’en doute pas, un public qui répondra nombreux au rendez-vous.
Valentin Maniglia
Bock op… méi intim, à partir du 26 juin. Neimënster – Luxembourg.
Neimënster accueille quatre nouveaux artistes associés
Après la danseuse Anne-Mareike Hess, qui a commencé sa résidence de trois ans – et prolongée de six mois – en février 2020, la première organisée par le lieu, s’ajoutent quatre nouveaux artistes en résidence : le peintre Álvaro Marzán, le musicien Pol Belardi et la rappeuse Nicool, qui partage cette résidence avec le metteur en scène Dan Tanson pour un projet commun. Ainhoa Achutegui se félicite d’avoir pu entretenir de «très belles relations» avec les artistes en question au cours des dernières années, et les accueille aujourd’hui en tant qu’artistes associés dans le cadre de la bourse Neistart, qui a pour but de permettre aux artistes d’entreprendre des travaux de recherche dans le cadre de la réalisation de projets artistiques, qui seront bien entendu présentés dans les espaces de l’abbaye. Un nouveau départ pour les artistes aussi, qui portent des projets ambitieux après une année étouffante et guidée par le système D.
À Neimënster, Nicool dit «apprécier d’avoir les ressources pour profiter d’une certaine liberté dans la création et faire un travail de haute qualité avec des gens talentueux». La finalité ? Pousser plus loin son rap «qui défie les stéréotypes masculins du genre», souligne Ainhoa Achutegui. Mais aussi, pour l’artiste, de «se créer un nouveau réseau» et «se focaliser sur son art». Il en va de même pour Álvaro Marzán, dont la peinture abstraite veut aujourd’hui s’étendre aux grands formats et, explique la directrice du lieu, «se réapproprier le patrimoine, en particulier d’un lieu qu’il fréquente beaucoup»… l’abbaye elle-même.
Pour sa part, Pol Belardi dit de cette résidence qu’elle arrive «à un moment où je veux faire des projets qui me tiennent à cœur». Instigateur des «Crazy Quarantine Sessions» l’année dernière, le jazzman a, jusqu’au premier confinement, écumé les scènes en étant toujours bien entouré, dans les différentes et nombreuses formations à géométrie variable dont il fait partie. Cette résidence lui permettra de développer son premier projet solo, qui débouchera sur un grand projet de composition qui vise déjà le Bock op 2022. Le musicien affirme qu’il veut «étendre (s)on répertoire», ce qui inclut notamment l’écriture de paroles, et parce de ce projet comme d’un «double challenge» car, au-delà de l’entreprise folle qu’il représente, Pol Belardi entend «revisiter une dizaine d’années sur scène» en tentant de répondre à une question essentielle : «Qui suis-je, musicalement ?»
Un peu de patience avant de découvrir ces projets très prometteurs, qui ne pointeront pas le bout de leur nez avant un an. Ainhoa Achutegui en profite pour maintenir que Neimënster «est totalement dans cette idée que l’art a besoin de temps, d’espace, de tranquillité». Et de conclure : «Une ancienne abbaye et prison n’est-elle pas un endroit idéal pour s’isoler et expérimenter de nouvelles choses ?»
V. M.