L’initiative citoyenne BIGS est décidée à lutter jusqu’au bout contre la construction du contournement routier qui doit traverser une zone naturelle. La justice est saisie du dossier.
Réunie hier soir en assemblée générale, l’initiative citoyenne BIGS s’est dit suffisamment armée pour éviter la réalisation du contournement de Bascharage. Le budget 2021 comprend ainsi 20 000 euros pour financer les recours en justice. «On est préparés à tous les scénarios», clame Patrizia Arendt, la secrétaire de l’ASBL.
Voté en juillet 2018 par la Chambre (56 voix pour, 2 contre, 2 abstentions), le projet de construction d’un contournement pour délester la commune de Käerjeng (Bascharage) tarde toujours à se mettre en route. Une enveloppe de 139 millions d’euros a été débloquée pour réaliser le tracé de 4,2 km, qui doit passer par une zone naturelle classée Natura 2000 (lire ci-dessous). On se trouve toujours au stade des études, le feu vert définitif du ministère de l’Environnement fait encore défaut et les premières soumissions doivent encore être lancées.
Imbroglio autour du CR110
Un autre obstacle se profile désormais à l’horizon. Le ministère des Travaux publics comptait lancer, le mois dernier, les travaux pour l’abaissement du CR110, route qui va croiser le futur contournement. Aux yeux de la BIGS, il s’agit d’un «court-circuitage» dont «le véritable but (…) consiste (…) à permettre aux Ponts&Chaussées de débuter (…) les travaux (…) du contournement (…) sans attendre la nécessaire (…) autorisation (…) par le ministère de l’Environnement sur base d’une analyse globale du projet et des mesures de compensation prévues».
Un recours a été introduit devant le Tribunal administratif. Une procédure en référé n’a pas été couronnée de succès. Entretemps, la commune de Käerjeng s’est constituée «partie intervenante» dans cette action en justice. «Au vu des procédures qui s’annoncent, un jugement n’est pas à prévoir avant 2022», avance Patrizia Arendt. Même si le recours n’est pas suspensif, le début des travaux sur le CR110 sera retardé, notamment en raison de la réglementation sur la protection de la faune sauvage.
L’initiative citoyenne est soutenue par le Mouvement écologique, l’ONG natur&ëmwelt et Youth for Climate Luxembourg pour revendiquer un moratoire sur l’ensemble du projet. Leur principal argument : la décision de réaliser le contournement repose sur de «fausses informations». Le projet est justifié par la pollution de l’air qui, au cœur de Käerjeng, dépasserait les seuils autorisés. «Actuellement, la valeur annuelle moyenne du dioxyde d’azote (…) s’élève à 57 µg/m3 et se situe donc substantiellement au-dessus de la valeur limite de 40 µg/m3. Après la construction du contournement, une valeur de 31 µg/m3 est attendue», expliquait encore en février 2020 le ministre des Travaux publics, François Bausch, en réponse à une question du député socialiste Yves Cruchten. «Cette mesure date de 2012, et repose sur un procédé non homologué», rétorque Patrizia Arendt.
Depuis 2016, des mesures homologuées sont réalisées, comme le confirme d’ailleurs le ministère de l’Environnement. Résultat : le seuil de 40 µg/m3 n’a été dépassé qu’à une seule reprise en 2018 (42 µg/m3). Les autres années, la valeur annuelle moyenne était inférieure à la valeur limite : 38 µg/m3 en 2017 et 2019 et 29 µg/m3 en 2020 (pic de 37 µg/m3 hors période de confinement en janvier et novembre). «Sur les trois premiers mois de cette année, on arrive à 33 µg/m3», note Patrizia Arendt.
Le ministre Bausch ne plie pas
La BIGS livre un autre argument : le ministère de l’Environnement s’attend à une baisse d’ici 2030 de 39,5 % du dioxyde d’azote en raison de la seule modernisation du parc automobile.
Alors que les édiles et habitants de Käerjeng trépignent, une large frange des citoyens de Sanem freine toujours des quatre fers. De son côté, le ministre Bausch a encore confirmé fin 2020 aux députés ADR Fred Keup et Fernand Kartheiser qu’il ne voyait «pas de nouvelle évolution» dans le dossier et qu’il comptait bien «respecter son obligation d’exécuter le vote du premier pouvoir du pays». Un début des travaux était au plus tôt prévu pour cet automne avec une durée du chantier estimée à 5 ans.
David Marques
Feux intelligents, priorité aux bus, P&R :
des alternatives mises en avant
Dès le départ, la construction du contournement devait être accompagnée de mesures visant à réduire le trafic à Bascharage. Dans sa réponse à une récente question parlementaire de l’ADR, le ministre Bausch avance que les travaux pour l’installation de feux intelligents, d’une voie prioritaire pour les bus et le réaménagement de l’accès à la zone d’activités Bommelscheier pourraient débuter «après la fin du congé collectif en été 2021». Les 13 feux intelligents prévus le long de la N5 doivent être installés dans un délai de 40 jours ouvrables. La durée de l’ensemble du chantier est évaluée à 200 jours. Les travaux pourraient donc être achevés pour août 2022.
L’initiative citoyenne BIGS, tout comme l’ONG natur&ëmwelt, estime que ces mesures peuvent s’avérer suffisantes pour atteindre les objectifs de délester le cœur de Käerjeng du trafic. La construction d’un nouveau P&R de 460 places près de la gare de Bascharage-Sanem est également à prendre en considération, soulignent les opposants au contournement.