La phase aller s’est terminée au prix d’un sprint incroyable de trois semaines anglaises. Et l’équipe type est incroyablement bicolore.
C’est fou ce que les individualités des cadors de l’élite ont pu nous laisser sur notre faim en ce début de saison. C’était compliqué, il faut dire et on aurait dû le voir venir. Un Progrès abattu par les blessures, un Pétange moribond, un RFCU qui vient seulement de trouver son rythme, une Jeunesse qui s’est lancée dans un nouveau projet, un Swift qui avait tout à mettre en branle. Au milieu de tout ça, la pandémie, les arrêts de compétition, les entraînements à fonds perdu, les reprises d’une folle intensité. Même pour les grands clubs, même pour les meilleurs joueurs, toutes ces contingences pèsent. Et on voit le résultat au classement des meilleurs joueurs du championnat à l’issue des quinze premiers matches. Le meilleur joueur du Progrès? Ils sont deux et le duo Latic-Habbas pointe à la… 42e place de ce classement subjectif. Celui de Pétange? Hamzaoui, capitaine exemplaire n’est que 34e. La Jeunesse? Elle a envoyé Xenitidis, son génial petit meneur à la 26e place seulement. Pour le Swift, pas moyen d’être représenté mieux que par Stolz, très modeste 24e.
Bruno Correia, l’intrus de la lanterne rouge
Differdange (avec Buch, 7e, devancé dans l’équipe type par d’autres attaquants), le RFCU (grâce à Dembélé, 9e) et Wiltz (merci Ibrahimovic, 12e) sont un peu mieux représentés grâce au rendement toujours récompensé de leurs stars offensives, mais le onze idéal des quinze premières rencontres est bluffant : il ne compte pratiquement que des joueurs du Fola Esch (six joueurs dont le gardien) et du F91 Dudelange (quatre joueurs). Les hommes de Fangueiro auraient pu être un peu mieux représentés, mais dans l’entrejeu, Morren et Pokar sont arrivés juste un peu derrière Pimentel et Dikaba. Cette équipe de rêve est donc un peu plus rouge que jaune, mais elle ne fait la part belle qu’à un intrus qui mérite d’être cité puisqu’il vient… de chez la lanterne rouge, Hamm, et que cela en dit long sur le fait qu’à l’heure actuelle, ce championnat continue de se tenir. L’attaquant Bruno Correia, qui a continué de marquer des points tout au long du premier tour malgré l’absence de résultats du club benfiquiste, a en effet marqué les observateurs.
C’est une maigre consolation pour son dernier club, le FC Etzella, dégoûté par ce transfert au printemps dernier, qui met par là-même un peu le pied dans la porte puisque c’est lui qui a cru en ce garçon et l’a fait venir du Portugal. Le club ettelbruckois place en outre son gardien de but, l’Allemand Michel Witte, sur le banc des remplaçants. Pas désagréable, comme sensation, d’exister de la sorte au beau milieu des deux premiers du championnat.
Sinani peut-il régler tout le monde ?
À noter que seuls 19 joueurs ont joué l’intégralité de cette phase aller (ou en tout cas au moins 60 minutes de chaque rencontre) la plus longue de l’histoire du pays en termes de nombre de matches, répartie sur… six mois et demi. Wiltz est l’équipe qui a utilisé le moins de joueurs de champ (seulement 17), juste devant Rosport et le F91 (18). Ceux qui en ont utilisé le plus : Hamm, Mondorf et Pétange, avec 25 garçons qui ont disputé au moins une heure de jeu pour leurs couleurs. Il y en a toutefois un qui va devoir s’arrêter un peu et c’est l’homme qui, de loin, a le plus impressionné sur cette phase aller : Mehdi Kirch. Le capitaine du F91, qui s’épanouit comme jamais dans une position d’ailier dans le 3-5-2 dudelangeois. Auteur de cinq buts et une passe décisive, il plane haut au-dessus de la concurrence, mais s’est abîmé le genou contre Differdange, mercredi soir. A priori, les ligaments croisés ne sont pas touchés et c’est tant mieux pour lui : s’il devait rater la fin de saison, il lui manquerait deux matches pour avoir l’assurance de jouer assez de matches pour être classé. Au vu du niveau affiché par le Français de 31 ans, ce serait une petite hérésie, voire un scandale. Kirch passait une IRM jeudi soir, qui devait déterminer la durée de son indisponibilité. Espérons pour lui comme pour le spectacle qu’a à offrir la BGL Ligue que cette affaire ne soit pas trop grave.
Il n’a toutefois aucune garantie sur les deux mois et demi de compétition qui restent. Certains garçons au niveau proprement exceptionnel que ce soit l’été dernier ou depuis que l’année 2021 a commencé, s’ils continuent de jouer ou s’ils se remettent à jouer, pourraient se mêler à la lutte pour le titre de joueur de l’année. On parle là de Dejvid Sinani, Fola, qui n’a été noté qu’à cinq reprises, mais qui affiche une moyenne hallucinante de 6,8. Mais aussi de l’Hesperangeois Leonil (6,25) ou du Rosportois Terauchi (6,17), qui retrouvera dans quelques semaines un Victoria en jachère. Il y a encore bien des changements qui surviendront d’ici à la fin mai. Et l’équipe type de la saison pourrait bien ne pas ressembler à cette version intermédiaire, d’autant qu’un peu partout (RFCU, Progrès, Jeunesse…) commencent à s’allumer des contre-feux.
Julien Mollereau