À cause d’une autorisation de construire illégale qu’il avait signée en tant que bourgmestre en 2015, Roberto Traversini avait écopé de 2 000 euros d’amende en première instance. La défense plaide l’acquittement. Mais pour le parquet, il y a lieu de confirmer cette sanction.
«L’amende de 2 000 euros prononcée en première instance est une sanction appropriée.» Le parquet a demandé, mercredi matin, au tribunal d’arrondissement de Luxembourg de confirmer le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le tribunal de police d’Esch-sur-Alzette.
L’affaire pour laquelle Roberto Traversini (57 ans) est cité à la barre date de l’époque où il exerçait ses fonctions de bourgmestre à Differdange. Le 30 novembre 2015, il avait délivré une autorisation de construire à un promoteur pour la construction d’un nouvel immeuble avec 14 logements au coin de la rue de l’Église et de la rue Saint-Paul. Constatant que la nouvelle construction barricadait et obstruait sa vue, un couple propriétaire d’une maison voisine avait attaqué le bourgmestre en justice par la voie d’une citation directe. Les époux estimaient que l’autorisation octroyée n’était pas conforme aux prescriptions légales (l’article 23 du PAG et le règlement des bâtisses de la commune de Differdange) car le recul latéral de trois mètres de la nouvelle construction n’aurait pas été respecté.
Reconnu coupable par le juge en première instance, Roberto Traversini a interjeté appel. La défense de l’ex-bourgmestre plaide l’acquittement. «Aucun recours n’a été introduit auprès du tribunal administratif à l’époque. L’autorisation a acquis force de chose décidée. La légalité ne peut donc être attaquée», avait ainsi argué Me Steve Helminger lors de la première audience du procès en appel, il y a deux semaines.
«Je n’avais pas le choix. Mon devoir était de signer»
«L’autorisation de construire ne peut plus être annulée. Mais le juge pénal a la faculté et l’obligation d’analyser la légalité de l’autorisation de construire», a rétorqué la représentante du parquet dans son réquisitoire, mercredi matin. Et contrairement à la défense, elle estime que l’article 23 du PAG est clair : l’obligation du recul latéral pour la nouvelle construction aurait dû être respectée. «En signant l’autorisation de construire, il n’a pas respecté les dispositions du PAG.»
«Je n’avais pas le choix. Mon devoir était de signer l’autorisation de construire», s’était défendu Roberto Traversini à la barre, faisant référence aux différents services de la commune qui font le travail avant qu’une demande n’arrive sur son bureau. Là non plus, le parquet n’est pas d’accord : «Le bourgmestre peut se faire assister dans ses fonctions et pour préparer les dossiers, mais le bourgmestre a l’obligation de vérifier pour ce qu’il signe si les différentes réglementations sont respectées.»
Me Rosario Grasso avait demandé au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. Or pour le parquet, «cela ne donne pas de sens. Car les textes sont suffisamment clairs». «La responsabilité pénale se trouve au niveau du bourgmestre Roberto Traversini», soulève sa représentante.
Non-rétablissement des lieux : «une décision de bon sens»
«Quand les travaux ont débuté en 2016, ils se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient plus bénéficier de lumière du jour dans les pièces arrières», plaide Me Julie Wieclawaski, l’avocate des deux époux. «Aujourd’hui, ils se retrouvent avec un dommage irrémédiable.» Voilà pourquoi la partie citante demande la suppression des travaux illégaux et le rétablissement des lieux. En première instance, elle n’a pas obtenu gain de cause. Le tribunal n’a pas ordonné la suppression des travaux exécutés au vu du «volume important de la nouvelle résidence et de la partie minime qui a été construite en violation des dispositions légales». «C’est une décision de bon sens», considère la représentante du parquet.
Le promoteur, également visé par la citation directe, avait été acquitté en première instance. Pour le parquet, cette décision est «justifiée dans la mesure où il était en possession d’une autorisation de construire».
La 7e chambre correctionnelle rendra son jugement le 16 décembre.
Fabienne Armborst