Accueil | A la Une | Les vignerons s’adaptent à la chaleur

Les vignerons s’adaptent à la chaleur


Vignerons et vendangeurs ont dû s'adapter aux conditions climatiques, notamment pour ne pas apporter de raisins trop chauds en cave. (Photo : Mélanie Maps/Yermat)

Les fortes chaleurs des premiers jours de la semaine se sont un peu dissipées, mais elles n’ont pas été sans effets, alors que la Moselle se trouve en pleine période de vendanges.

C’est peu de dire que la semaine a été éprouvante dans les vignes. Mardi, le record de température pour un mois de septembre a été battu, il n’avait jamais fait aussi chaud depuis 1888, année où l’on a commencé à compiler ces valeurs. Le mercure est monté à 35,2 °C à Steinsel et pas beaucoup moins sur la Moselle : 34,2 °C à Grevenmacher et 34,1 °C à Remich, selon les stations météo de l’administration des Services techniques de l’agriculture (ASTA).

Cette canicule tardive, forcément, les vendangeurs la subissent de plein fouet. Premièrement, la chaleur les accable, eux qui travaillent directement sous le soleil, sans possibilité de se mettre à l’ombre. Il est donc nécessaire d’adapter les heures de travail pour éviter les températures les plus élevées. Souvent, les raisins ont été coupés entre 7 h et 13 h.

Et puis, ce climat extrême impose des contraintes au niveau de la vinification. «Lorsque la température est élevée, des fermentations spontanées non désirées peuvent partir très rapidement», fait remarquer Aender Mehlen, contrôleur des vins à l’Institut viti-vinicole (IVV) de Remich.

Gare aux levures!

Si l’on n’y prend pas garde, les levures peuvent déjà s’activer dans les bacs, avant même l’arrivée au pressoir pour peu qu’un peu de jus s’écoule déjà des grappes. «Quand on presse les raisins, il faut toujours isoler le premier jus pour le clarifier par sédimentation, ajoute-t-il. Or si une fermentation est lancée, ce processus devient très compliqué.»

Pour éviter la turbidité d’un vin, il existe bien une solution : refroidir les raisins ou le jus. C’est ainsi que l’on peut répandre de la neige carbonique à -79 °C dans les bacs pour ralentir efficacement l’activité microbiologique (lire la page Vignes et vignerons de la semaine passée, avec Jeff Konsbruck). Mais cette solution n’est réaliste que sur de petites quantités. En France, certains producteurs ultraqualitatifs (le domaine Leroy, en Bourgogne, par exemple) transportent les raisins de la vigne au pressoir dans de petits camions réfrigérés pour éviter ces problèmes. Sur la Moselle luxembourgeoise, où les distances sont courtes, on n’en est pas encore là!

Une fois pressé, le jus peut être refroidi grâce à l’utilisation de cuves thermorégulées. Ici, beaucoup de vignerons possèdent ces contenants en inox dans lesquels ils plongent un appareillage qui permet de maintenir le jus à une température précise, contrôlée électroniquement. Mais là non plus, il ne faut pas attendre de miracle si les quantités sont trop importantes.

Mieux vaut en août qu’en juillet

En fait, le plus simple est de ne pas prendre de risques et de vendanger en dehors des périodes de grosses chaleurs tant les déconvenues peuvent être importantes et irrémédiables. Car désormais, dans les vignes, les raisins ne souffrent finalement pas tant que ça de cette canicule de fin d’été.

«Dans nos rangées (NDLR : celles de l’Institut viti-vinicole, IVV, à Remich) comme dans toutes celles du pays, les raisins sont très beaux», se félicite Serge Fischer, chef du service Viticulture de l’IVV. Ce constat facilement observable sur l’ensemble du vignoble luxembourgeois peut même étonner. L’an dernier, il n’avait pas fait beaucoup plus chaud, mais près de 30 % des raisins avaient été brûlés par le soleil.

 

Volume : des indications encourageantes

La grande sécheresse de cet été a eu pour conséquence que les grains de raisins sont logiquement plutôt petits cette année. À tel point que l’on a pu croire à un moment que les quantités qui seraient récoltées allaient être en dessous de la moyenne. Cela n’a toutefois pas l’air d’être le cas. Contrairement aux craintes d’avant-récolte, le pourcentage de jus par masse livrée est tout à fait normal : 75% pour le rivaner et 78% pour l’auxerrois, deux des cépages les plus précoces.
Reste à voir quelles seront les conditions climatiques des prochaines semaines pour la récolte des cépages plus tardifs. Si elles ne se dégradent pas trop (sans orages violents, par exemple), la confiance règnera.

 

«La grande différence, explique Serge Fischer, c’est que la canicule de 2019 était arrivée début juillet, donc plus tôt dans la saison et juste après l’effeuillage des vignes.» Courant août ou début septembre, les effets des grosses chaleurs sont moindres pour la plante : aujourd’hui, «la division cellulaire est finie, les raisins sont en jus et les feuilles ont repoussé, ce qui a protégé les grappes du rayonnement solaire». Lorsqu’elle survient tard, la canicule est donc mieux supportée par la vigne.

Ces conditions climatiques ont l’avantage de livrer des raisins bien mûrs, ce qui, historiquement – on aurait tendance à l’oublier –, n’était jamais gagné à l’avance. «Pour obtenir l’appellation d’origine, il faut que le taux d’Oechsle (NDLR : qui mesure le sucre) des raisins fasse 53 ° au minimum pour l’elbling et le rivaner et 60 ° pour les autres cépages, souligne Serge Fischer. Dans les années 70 et 80, on avait vraiment du mal à les atteindre, mais maintenant, on est toujours très loin au-delà! Ce millésime 2020 aurait été exceptionnel il y a 30 ou 40 ans, il est aujourd’hui la nouvelle norme.»

À titre de comparaison, l’an dernier, le taux de sucre moyen de l’elbling s’établissait à 78 ° et celui du rivaner à 81 ° quand le riesling atteignait 84 ° et le pinot gris 89 ° Oechsle. Et encore, c’était bien en dessous de 2018 où tous les records avaient été battus avec un riesling à 91 ° et un pinot gris à 100 ° Oechsle.

La hausse continue et spectaculaire de ces valeurs s’explique facilement : avec le réchauffement climatique, les fleurs apparaissent de plus en plus tôt, ce qui laisse davantage de temps aux raisins de mûrir.

De notre collaborateur Erwan Nonet

 

Les premiers Fiederwäissen sont déjà arrivés!

490_0008_15257284_Fiederwaissen_caves_schlinkQui dit vendanges précoces dit Fiederwäissen tôt arrivé! Ce vin nouveau, qui est tiré alors que la fermentation qui transforme le sucre en alcool n’est achevée qu’à 80 % environ, n’aura pratiquement jamais été bu aussi tôt. Pour apprécier au mieux cette spécialité qui ne peut se boire qu’en ce moment et pour quelques semaines à peine, il faut la déguster fraîche mais pas froide. Et si la bouteille (ou le bidon) n’est pas terminée, ne fermez pas complètement le bouchon pour que le gaz carbonique qui se crée avec la fermentation puisse s’échapper.

L’un des premiers à l’avoir mis à table dans son bar à vin a été Jeff Konsbruck, à Ahn. Logique, il a aussi été l’un des premiers à vendanger! Ses Fiederwäissen (du rivaner) et Fiederrosé (du pinot noir) étaient déjà disponibles le week-end dernier. Depuis, beaucoup de collègues ont suivi : les Caves Gales (Ellange-Gare), les domaines Laurent et Rita Kox (Remich), Cep d’Or (Hëttermillen), Schlink (Machtum), Leuck-Thull (Ehnen et Lenningen), Clos Mon Vieux Moulin (Ahn)…

Produits locaux de qualité : l’État veut faire plus

Un des enjeux essentiels du ministre de l’Agriculture et de la Viticulture, Romain Schneider, est de mieux mettre en avant le fruit du travail des agriculteurs et des viticulteurs qui ont choisi la voie d’une production qualitative et transparente. Ainsi, le fameux «X» bleu et rouge qui illustre les actions du nation branding va également servir à labelliser les produits luxembourgeois répondant à des critères «qualité-saveur», «régional-équitable» et «environnement-bien-être animal».

Le secteur viticole est également concerné par cette réforme et il n’aura pas grand-chose à changer (voire rien du tout) pour profiter de ce gain de visibilité. Déjà engagé de longue date vers une production qualitative (limitation des rendements, comité de dégustation historique…) et respectueuse de l’environnement (interdiction des insecticides et du glyphosate, prime au verdissement…) par la Marque nationale puis par la création de l’Appellation d’origine protégée (AOP, créée en 2014), il est quasiment assuré que toutes les maisons pourront apposer ce logo qui a pour vocation de tisser un lien de confiance avec les consommateurs.

Notons d’ailleurs que le «X» figure déjà sur les capsules de nombreuses bouteilles. Romain Schneider a présenté vendredi matin le projet de loi à la commission de l’Agriculture de la Chambre des députés et il tient à ce que le dossier aboutisse sans tarder.

 

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.