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[Nations League] Roud Léiwen : des statistiques d’une «équipe exceptionnelle»


Dix mois après son dernier match, le Luxembourg est revenu aux affaires. Il a été mal payé, mais littéralement sublime. (Photo : Editpress/Gerry Schmit)

Pour ceux qui en doutaient encore, les Roud Léiwen n’ont rien perdu de leur aura en dix mois sans football. Ils ont même encore franchi un cap en ce mois de septembre.

«Je vous avais dit que le Monténégro n’était pas favori, non?». Oui, Faruk Hadzibegic nous avait prévenus mais 24 heures avant le coup d’envoi de Luxembourg – Monténégro, ne nous berçons pas d’illusions, c’était, à l’époque, du bluff. Mais entretemps, la réalité a rejoint la fiction : le Luxembourg est vraiment devenu très, très fort.

Luc Holtz l’a forcément constaté avec un plaisir de jeune communiant, les joueurs avec l’humilité des acteurs à qui l’on passe de la pommade. Hadzibegic, lui, ne pouvait faire que dans l’honnêteté pure et simple après le coup de sifflet final : «On a souffert en deuxième période. Footballistiquement, le Luxembourg, c’est une équipe extraordinaire.» Des félicitations de principe, ces dernières années, on en avait entendu beaucoup mais des comme ça, jamais. Même Luc Holtz s’en est ému : « On est capables de jouer si bien au football. On était bien organisés, bien dans le pressing, bien dans l’utilisation de la balle, c’était… absolument parfait. Il y a une telle maturité dans cette jeune équipe. Je ne m’attendais pas à ça après dix mois, à passer ces dix jours avec cette prestation hors norme. Cela fait dix ans que je suis là, mais ce qui se passe actuellement… Wouah, wouah, wouah… » Le sélectionneur ne devait pas être si étonné que ça. Son choix d’avant-centre, face aux Monténégrins, parle un peu pour lui, et même à sa place. Il a notamment élevé l’argument de la fraîcheur pour justifier de la décision d’installer Sinani en pointe contre le Monténégro plutôt que Deville. Un manieur de ballon plutôt qu’un pivot pur sucre, ce n’est pas ce qu’on met en place quand on sait d’avance qu’on aura le ballon?

«Maintenant, on a un devoir de résultats»

Bildschirmfoto 2020-09-10 um 09.35.24«Le coach et moi, on en a discuté quand il m’a dit qu’il comptait me mettre en pointe, sourit Sinani – qui reconnaît effectivement avoir « beaucoup charbonné en stage avec Norwich » et n’avoir pas été prêt plus tôt à commencer un match. «Je lui ai dit que je ne pourrais pas jouer en pivot. Lui m’a expliqué que ce n’était pas un problème, que leurs défenseurs centraux ne décrochaient pas. Alors c’est quelque chose qu’on pourrait reproduire en fonction de l’adversaire.» Avec l’ancien Dudelangeois, cela a encore plus joué, encore plus combiné qu’à Bakou, contre l’Azerbaïdjan.

Cela n’a pas empêché la défaite de sanctionner cette merveille de prestation et c’est Anthony Moris, gardien sans le moindre état d’âme et qui porte fier son envie de performance, qui a déjà resitué le débat : « C’est comme ça, c’est le foot. Ce n’est pas la première fois que ça nous arrive. Souvenez-vous contre l’Ukraine, quand on perd avec un but de Gerson contre son camp dans les arrêts de jeu (NDLR : 1-2, le 25 mars 2019). On va continuer à grandir mais maintenant, on a un devoir de résultats. » Aujourd’hui, le Monténégro a beau avoir six points sur six après deux matches disputés à l’extérieur, on jurerait que le favori de ce groupe 1 n’est plus celui qu’on croit. « Les jeux ne sont pas faits », a concédé très sérieusement Faruk Hadzibegic, alors qu’il reste quatre matches à disputer en deux mois.

Le coach franco-bosnien a même estimé qu’il lui fallait dégainer des arguments au non-match de son équipe : «Aujourd’hui, on ne peut pas jouer deux matches en trois jours, surtout quand on en joue un par 42 °C (NDLR : à Chypre) et que le second se joue par 20 °C de moins.» Quels étaient les arguments qui justifient de l’exceptionnel match du Luxembourg, dans ce cas? Il n’y en a pas d’autre que la persistance d’une philosophie de jeu qui tient depuis une bonne dizaine d’années et qui est désormais portée par des joueurs qui lui vont comme un gant. En deux mots comme en cent : une «équipe exceptionnelle».

Julien Mollereau

Ils ont réussi 86 % de leurs 567 passes

Luc Holtz et son staff font très attention à ne pas tomber dans l’autosatisfaction gratuite. Vouloir la possession et le dire, c’est bien, s’assurer que cela a un sens, c’est mieux. Revenir de Bakou avec 63 % de possession de balle contre l’Azerbaïdjan, 114e mondial, c’était déjà très convaincant mais ce dernier a évolué à dix pendant plus d’une heure. Finir le match face au Monténégro, 64 meilleure sélection au monde restée à onze tout le match, avec 61 % de possession en dit bien plus long. Sauf qu’il faut bien évidemment voir ce que les Roud Léiwen en ont fait. Et là aussi, c’est tout bon. Les 13 tirs à 2 face à l’Azerbaïdjan se sont transformés en 18 tirs à 9, avec cette précision : 12 tirs à 2 pour le Grand-Duché face aux Monténégrins mardi soir en deuxième période.

L’indice expected goals ne trompe pas : nous avons été maladroits

Un raz-de-marée assez logique pour une équipe qui veut assumer l’idée de faire le jeu. Pour un résultat insuffisant : deux buts inscrits en 180 minutes et 25 frappes. L’indication majeure, finalement, pour le sélectionneur, est ainsi venue de ce qu’on appelle dans le milieu l’indice xG (expected goals). Un instrument de mesure basé sur des statistiques mises en algorithmes et qui calculent le nombre de buts que chaque équipe aurait pu espérer sur un match donné en fonction d’une analyse précise des occasions de but qu’il s’est procurées. Un exemple : l’indice le plus élevé, soit 0,75, est affecté à un penalty puisque historiquement, il faut considérer que trois penalties sur quatre terminent au fond. Vous êtes décalé, à 25 mètres du but, avec le gardien adverse sur sa ligne et quelques adversaires entre vous et le but quand vous armez? 0,15.

Grâce à cette évaluation concrète, Luc Holtz et son staff savent qu’ils ont surtout privé l’Azerbaïdjan d’occasions de but puisque ce dernier, samedi soir, a fini avec un indice xG de… 0,24. C’est triste : l’adversaire avait donc un quart de chance de marquer un but et il l’a mis…

220 passes de plus que le Monténégro, et beaucoup mieux réussies

L’indice du Luxembourg était, lui, de 2,07 mais il a disposé d’un penalty (+0,75, donc). Bis repetita avec le Monténégro : avant le penalty de la 93 minute, notre hôte pointait à… 0,27. C’est la mauvaise nouvelle : en ne concédant presque pas d’occasion de but sur 180 minutes, la défense d’Anthony Moris encaisse quand même deux buts dont un qui lui coûte trois points. L’attaque, elle, est montée à un indice de 1,15 sans parvenir à marquer. Manque de réalisme.

Reste la manière. On a beaucoup ergoté sur ce style un peu hispanique qu’ont développé les Roud Léiwen. Il est quand même plus direct que celui de la Roja des alentours de l’an 2010. Mardi, ils ont totalisé 567 passes et en ont réussi 486, soit un (très bon) pourcentage de 86 % qui raconte une grosse maîtrise de l’événement. Le Monténégro, lui, a plafonné à 347 passes dont 76 % seulement réussies.
Cela dit que le projet de jeu a réussi mais qu’il lui manque encore le réalisme clinique qu’il nécessiterait puisque à chacun des deux matches, l’équipe a marqué moins de buts que ce qu’elle aurait scientifiquement pu revendiquer. Lui reste au moins la certitude que sa philosophie ne l’empêche pas de faire le boulot. À Bakou par exemple, dans un match où l’adversaire n’a vite eu que le physique à faire jouer pour éviter d’être débordé, les hommes de Luc Holtz ont remporté 51 % de leurs duels. Pas mal pour une équipe de petits gabarits qui est dans l’évitement.

J. M.

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