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[BD] Raven : en route pour l’aventure !


Raven n'est pas le Pierre Richard des Caraïbes – soyons sérieux – car l'homme a le regard noir et porte le courage comme un étendard.(Illustration : DR)

Un trésor enfoui depuis un siècle, des naufrages, des cannibales et des combats au sabre… Mathieu Lauffray, après le mémorable Long John Silver, revient au récit de pirates, cette fois-ci en solo et avec des héros pleins de défauts!

Un pirate, on l’imagine souvent sur les mers plutôt que dessous, ligoté par le fond à une ancre. Voilà pourtant l’étrange posture de ce nouvel héros, Raven, et ce, dès la première case. Une entame qui trouve bon, aussi, de préciser : «Il passe rarement une journée sans commettre au moins une erreur». C’est vrai, celui-là les multiplie : quand il fanfaronne, il oublie ses ennemis qui rigolent dans son dos; quand il espionne discrètement, planqué sur un toit, il tombe de haut; quand, après un assaut, il défend une jeune prisonnière de ses partenaires de croisière, celle-ci fait tout sauter… Pas évident, alors, de se faire une réputation auprès des autres. La sienne est toute trouvée : un Jonas, un «porte-malheur», en référence au prophète du même nom.

Attention, Raven n’est pas le Pierre Richard des Caraïbes – soyons sérieux – car l’homme a le regard noir et porte le courage comme un étendard. Sans oublier toute la panoplie qui fait de lui un personnage hors norme (rage, mauvaise foi, méchanceté, passé douloureux). D’ailleurs, sa grande rivale dispose du même attirail, une certaine Lady Darksee, digne ancêtre sur mer de Lady X (Buck Danny), aussi belle que son cœur est noir, portant un bandeau sur son œil crevé comme l’argument de sa témérité.

Évidemment, notre duo se chamaille pour un fabuleux trésor, perdu depuis des lustres par les soldats de Cortés. Et pour parfaire le paysage, il serait enterré, selon la légende, au Morne-du-Diable, une île infestée de cannibales… Si Mathieu Lauffray reste imprégné de sa riche expérience cinématographique (il a notamment travaillé avec Christophe Gans), il évite ici les références trop évidentes de films comme Captain Blood ou L’Aigle des mers, et ses illustres incarnations (Errol Flynn, Burt Lancaster, Gregory Peck…).

Le pirate est l’alter ego du cow-boy, la méchanceté en plus (…) Avec sa bande, c’est la horde sauvage : ils sont vingt, les autres deux cents… Tant pis, ils y vont ! (L’auteur Mathieu Lauffrey)

Bien sûr, il en faut, et ce Raven reste dans ce que l’on doit attendre d’un récit de pirates, avec sa mer déchaînée, son île dangereuse, ses bagarres, ses coups de canons, ses mensonges et ses trahisons. Mais l’auteur évite la facilité, ne serait-ce que pour ne pas refaire du Long John Silver, réalisé avec Xavier Dorison au scénario, flamboyant chef-d’œuvre du genre. Pour ce faire, il pose cette série un siècle avant son glorieux prédécesseur (en 1966 pour être exact), période faste pour les flibustiers, et y développe une atmosphère plus «exotique», avec des personnages rapidement attachants, plus en tout cas que ceux, hypocrites, censés représenter l’autorité.

Parmi les trois principaux, deux sont même des femmes : Lady Darksee, mais aussi Anne de Montignac, jeune noble au caractère tout aussi trempé. Seul point commun, finalement, entre les deux œuvres, une origine littéraire : le célèbre roman L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson (1883) et son sombre pirate à la jambe de bois pour Long John Silver; la nouvelle Black Vulmea’s Vengeance de Robert E. Howard (1938), écrivain connu pour avoir créé le personnage Conan le Barbare, pour Raven.

Pour cette nouvelle fresque héroïque, Mathieu Lauffray prouve que sa double casquette se justifie avec brio : d’abord avec un scénario tout en rythme, sans temps morts, porté par toute une galerie de protagonistes. Ensuite avec des dessins splendides, regorgeant d’action et n’hésitant pas à s’étaler sur deux pages pour mieux exploser. Au milieu restent ces pirates narguant la mort, pour qui seul le présent compte. Une liberté de l’instant que contrecarre Dargaud en annonçant déjà deux prochains tomes, en octobre (Les Contrées infernales) et au premier semestre 2021. L’aventure est bel et bien lancée.

Grégory Cimatti

Raven (t. 1, Némésis), de Mathieu Lauffray. Dargaud.

L’histoire

Au XVIIe siècle, alors que le pavillon de l’Union Jack flotte sur la mer des Caraïbes, Raven, un impétueux pirate, décide de mettre la main sur un prétendu trésor, promis à l’infâme gouverneur de Tortuga qui fait appel à lady Darksee, une redoutable femme pirate, en échange du pardon royal. Mais Raven décide de les devancer et d’agir seul grâce à un plan de l’île où se situerait le trésor. L’île volcanique, peuplée par une tribu cannibale, s’avère pourtant dangereuse. Et c’est précisément sur celle-ci que le nouveau gouverneur de Tortuga et sa famille, venus de France, ont échoué après un long voyage…

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