Josy Gloden, le président de Vinsmoselle, vient de planter un hectare de rivaner à Bech-Kleinmacher. Cette variété qui ne fait pas partie des cépages que l’on appelle nobles peut toutefois produire de très jolies bouteilles, particulièrement appréciables sur les terrasses ensoleillées.
Si vous cherchiez un vigneron ces derniers jours, aller directement à l’adresse du domaine n’était pas la meilleure idée. Vous aviez par contre toutes les chances de le trouver en plein travail, sur son tracteur. L’humidité – bienvenue parce que les sols étaient extrêmement secs – et le retour de la chaleur laissent craindre l’arrivée des maladies causées par les champignons, comme le mildiou qui raffole de ces conditions. Pour ne pas prendre de risques inutiles alors que les vignes sont en pleine croissance et que les nuages menaçants passaient du bon temps au-dessus de nos têtes, il ne fallait pas tarder à traiter ses parcelles entre deux averses. L’hélicoptère, d’ailleurs, était de sortie pour pulvériser mais puisque son périmètre d’action est de plus en plus limité, il ne suffit plus.
Bien que l’année soit un casse-tête absolu sur le plan de la vente, au moins, dans la nature, les problématiques sont plus simples. «Jusqu’à présent, je dois dire que tout va bien», se félicite Josy Gloden, vigneron basé à Bech-Kleinmacher mais aussi président des Domaines Vinsmoselle, la coopérative qui travaille plus de la moitié des raisins luxembourgeois. «Nous sommes à la fin de la floraison, une époque qui peut être sensible, et, dans les vignes au moins, nous avons passé ce début d’année sans souci majeur. Maintenant, ce qui pourrait être à craindre, c’est la grêle. Et avec ce que nous réserve cette année, ce ne serait pas surprenant qu’elle finisse par arriver…», dit-il, un peu désabusé.
La sécheresse historique de ce début d’année (plus d’un mois sans la moindre goutte d’eau) n’a cependant pas été une grosse problématique pour lui. Sur ce point, surtout en début d’année, la vigne a de la ressource et les dernières pluies ont fait beaucoup de bien, surtout pour les plus jeunes ceps. «Je n’aime pas arroser parce que prendre l’eau du réseau d’eau potable pour la viticulture, ça me gêne. Je ne le fais qu’en dernier recours, si je n’ai vraiment pas le choix», explique le vigneron. Il le dit en connaissance de cause parce qu’il vient de planter une belle parcelle du côté de Bech-Kleinmacher : un hectare d’un seul tenant. Et il a choisi de mettre en terre un cépage qui n’est pas forcément le plus prisé ces derniers temps, et de manière pas forcément très légitime : le rivaner.
«Cette parcelle est parfaite pour le rivaner et il y a tout de même une demande pour ces vins, explique-t-il. Même si ce sont d’autres cépages qui sont davantage à la mode en ce moment, ils ne donneraient pas grand-chose d’intéressant ici.» Sur cette parcelle, justement, il y avait auparavant du rivaner, mais aussi de l’elbling. Tous deux plantés dans les années 1980. «Le rivaner peut être très bon. C’est un vin frais, fruité, facile à boire, qui est parfait l’été sur les terrasses. Je suis convaincu que le rivaner a de l’avenir, même si on le boit moins qu’avant.»
«Je me concentre sur les travaux les plus urgents»
Pour l’elbling, par contre, il ne semble pas y avoir de salut. «Aujourd’hui, il n’a plus la cote, regrette-il. On peut en faire du bon mais les consommateurs n’en boivent presque plus.» Pour ce cépage très ancien, qui recouvrait les vignes de nos contrées (notamment allemandes) au Moyen Âge et peut-être même dès l’Antiquité, cela semble être la fin…
Vu du tracteur, Josy Gloden préfère toutefois rester optimiste et regarder ses vignes qui sont en pleine santé. «Au début du mois de juin, elles avaient trois semaines d’avance, avance-t-il. Leur croissance s’est ralentie cette dernière semaine puisqu’il a fait plus froid mais la chaleur revient et, avec l’humidité en prime, elles vont sûrement repartir très vite.»
Au rythme effréné où va cette croissance, l’organisation des vendanges se profile-t-elle déjà? «A priori, on commencera les vendanges lors de la première semaine de septembre. C’est très tôt, fait-il remarquer. Mais non, je ne me projette pas aussi loin. Cette année, je ne vais pas dire que l’on regarde uniquement semaine après semaine mais, enfin, c’est presque ça… Je me concentre sur les travaux qui sont les plus urgents à réaliser : faucher l’herbe, palisser, effeuiller à partir du milieu de la semaine prochaine…»
Craint-il des difficultés inédites pour faire venir les vendangeurs le moment venu, car beaucoup viennent de Pologne ? «Vraiment, je n’y pense pas encore. D’ici, il peut se passer tellement de choses…, souffle Josy Gloden. Est-ce qu’une deuxième vague va arriver ? On n’en sait rien. Je crois que ça ne sert à rien de s’y prendre trop tôt.»
C’est bien là tout le paradoxe du vigneron. Être à la fois dans le moment présent pour être au plus près de ses vignes, mais prendre aussi le recul nécessaire pour avoir une vision d’ensemble. Avec une seule récolte par an, il n’y a pas le droit à l’erreur…
Erwan Nonet
Ah, le vignoble, cela rapporte encore gros !