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Demain, c’est l’Europe

La journée de l’Europe aura cette année un goût un peu particulier, séparés que nous sommes de nos voisins. Une séparation qui fait mal et qui ravive des plaies qu’on croyait cicatrisées. Et comme l’ambassadeur d’Allemagne et tous les autres Européens convaincus : nous avons le cœur qui saigne. Le Covid-19 a ravagé le Grand Est et fait ressurgir des barrières, mais il réveille aussi la conscience européenne de la région frontalière.

L’Europe, c’est cette fleur qui a poussé sur le merdier des dernières guerres qui ont ravagé notre Vieux Continent, sinistré, balafré. L’Europe, c’est cette fleur qui avait perdu sa saveur et ses couleurs au cours des 8 mai qui se suivaient et se ressemblaient en perdant de leur intérêt au fur et à mesure que les anciens disparaissaient.
L’Europe, c’est aussi cette région frontalière qui l’a fait renaître, entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. Elle a été bâtie à la sueur de l’acier et du charbon de nos parents. Lorsqu’on barricade nos frontières un matin depuis Berlin, c’est cette fleur qu’on piétine, c’est notre âme qu’on blesse, c’est notre cœur qu’on meurtrit. Parce que pour nous, ici, l’Europe c’est l’amour et la vie, et c’est comme l’eau et la lumière, ça n’accepte ni murs ni frontières, et ça passe les barrières.

Au plus fort de la crise, le Luxembourg, la Sarre et le Bade-Wurtemberg ont accueilli des patients du Grand Est en réanimation pour décharger les services d’urgence débordés, et on pourrait encore citer de nombreux autres exemples de cette fraternité européenne qui nous habite dans cette région frontalière.
Alors aujourd’hui, demain et pour toujours, on le dira, on le répétera et on le rappellera à tous ceux qui n’ont pas encore bien compris que pour nous, ici, l’Europe, c’est avoir des enfants ensemble, les élever ensemble et leur apprendre à vivre le bonheur qu’on avait découvert en cultivant cette fleur qui était née sur le merdier des dernières guerres. Dans notre région frontalière, nos couples sont internationaux et à nos enfants on ne sait plus quel passeport donner, si ce n’est celui de la liberté. C’est ça l’Europe, et c’est demain.

Chris Mathieu

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