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Coronavirus : un coût incalculable au Luxembourg aussi


Les scénarios de sortie de crise sont trop nombreux, notamment avec l'ouverture du pays sur les frontières, estime la Fondation Idéa (Photo : Claude Lenert).

Depuis l’accélération de la crise sanitaire du Covid-19, notamment en Europe, les États ont annoncé des mesures économiques pour sauvegarder les entreprises et l’emploi. Pour cela, les divers gouvernements ont déjà sorti l’artillerie lourde en promettant des milliards d’euros. Mais finalement combien va coûter cette crise sanitaire ?

La question est complexe, voire impossible et même peut-être futile. «Il est important de mentionner dès le début que dans une situation aussi radicale, personne ne sait quel sera le coût économique de la crise du coronavirus, pour la bonne et simple raison que les possibilités d’évolution future de la pandémie sont multiples pour ne pas dire infinies. Dans le cas du Luxembourg, une économie ouverte, imaginons que demain le virus disparaisse du pays, mais pas dans les pays voisins : le pays serait encore impacté. La situation actuelle peut durer un mois, deux mois… imaginons même un scénario en septembre après une accalmie en mai, bref les scénarios sont infinis», analyse Michel-Edouard Ruben, économiste au sein de la Fondation Idea qui a publié en début de mois un document de travail nommé «La santé d’abord, l’économie ensuite».

Pour répondre à notre question initiale, Michel-Edouard Ruben n’y va pas par quatre chemins : «Je n’en sais rien. On peut se faire plaisir et tenter de trouver un chiffre. Mais si l’on tombe juste, c’est juste de la chance.» Dans son document de travail, l’économiste tente un exemple. «Si en 2018 l’activité économique avait chuté de 50 % pendant « seulement » un mois au Luxembourg et s’était (miraculeusement) maintenue au niveau effectivement observé durant les 11 autres mois, le PIB aurait reculé de 1,3 % sur l’année – soit un impact négatif de 4,5 points de pourcentage par rapport à la croissance de 2018 de 3,2 %», écrit-il. «Il est très difficile d’estimer les coûts de cette crise sanitaire tant elle est incomparable avec d’autres crises sanitaires. La grippe espagnole est apparue dans un monde en guerre, beaucoup moins globalisé et Ebola ou le SRAS sont restés confinés géographiquement et ont eu peu d’impact sur l’Europe. L’Italie a annoncé des mesures économiques pour un coût de 25 milliards d’euros. On sait clairement que cela va être insuffisant. La France a annoncé une aide directe de 45 milliards d’euros et 300 milliards d’euros de garantie bancaire pour les entreprises. Cela donne uniquement un ordre d’idée sur les montants», a analysé, dans un podcast, Nadia Gharbi, économiste au sein du groupe Pictet avant de souligner : «Une récession paraît inévitable en 2020 pour la zone euro avec une prévision de -1,5 % de croissance.»

Plus fourmi que cigale

Si les chiffres semblent aussi hors norme, tout comme cette crise sanitaire, il est tout de même intéressant de constater que l’économie au sens large du terme ne prévaut pas sur la santé. «Il est nécessaire de dire et de rappeler que l’économie est secondaire par rapport aux conséquences sanitaires, car il ne saurait y avoir d’arbitrage entre des pertes en vie humaine et des points de croissance», rappelle Michel-Edouard Ruben en soulignant «qu’avec les mesures prises par le gouvernement, on peut clairement constater qu’il n’y a pas d’obsession absolue du PIB, et c’est tant mieux!»

En effet, encore une fois, les gouvernements européens sont en train de mettre des milliards sur la table et tous ont eu le même discours en affirmant vouloir contribuer «quoi qu’il en coûte». «L’État gère et plutôt bien je trouve», commente Michel-Edouard Ruben avant de se vouloir rassurant : «Le Luxembourg dispose d’une certaine latitude pour agir. On voit les pays ouvrir les vannes, si je peux dire, et on rassure en faisant tout pour que la solvabilité des États pendant cette crise sanitaire ne devienne pas un prétexte pour des attaques spéculatives. Le Luxembourg fait partie des pays qui ont une grande marge de manœuvre avec 20 % de dette publique et un triple AAA, qu’elle devrait garder même après la crise. Cela montre l’importance pour les pays d’avoir une certaine marge de manœuvre. C’est l’éternelle fable de la cigale et la fourmi.»
Dans son document de travail, disponible sur le site de la Fondation Idea, Michel-Edouard Ruben énumère des mesures économiques pour soutenir l’économie au sens large. «Ne pas savoir répondre à la question du coût ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. On peut penser et prévoir. Le ministre de l’Économie, Franz Fayot, va sans doute encore annoncer des mesures sur la table, prouvant que l’État gère», souligne l’économiste qui a mis sur papier les différentes mesures envisageables tout en pensant déjà à demain. «Cette crise montre aussi l’importance sociale de certains métiers. Évidemment, économiste arrivera toujours après celui de caissier(ère) et des métiers de la santé. J’espère, personnellement, qu’après cette crise, que l’on ne se contentera pas d’applaudir certaines personnes, mais que l’on prendra le temps de trouver un moyen de remercier et de récompenser les femmes de ménage, les caissiers, les livreurs, le personnel de santé avec autre chose que des applaudissements», termine Michel-Edouard Ruben, confiné chez lui et dont «le seul contact humain et social des derniers jours a été la caissière du supermarché du quartier».

Jéremy Zabatta

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