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[Exposition] Véronique Kolber fait son cinéma !


Les images de Véronique Kolber déclenchent irrémédiablement une vague d'associations cinématographiques (photos : Véronique Kolber).

La photographe luxembourgeoise Véronique Kolber s’appuie sur d’anciens clichés qu’elle a pris aux États-Unis entre 2003 et 2011 pour tisser de nouvelles histoires qui ramènent au cinéma populaire américain.

Chez Véronique Kolber, il y a toujours eu cette fascination pour les récits étranges, obscurs. «Ma famille a connu des épisodes, disons, dramatiques», dit-elle, énumérant, sourire aux lèvres, de cruelles anecdotes traversant, à un rythme régulier, le siècle dernier.  Ici, l’accident mortel d’un cousin, là, la mésaventure d’un oncle tombé sur le champ de bataille… le dernier jour du conflit mondialisé!

C’est qu’elle aime raconter des histoires, passion qu’elle a probablement héritée de son père, fermier à Steinsel, «un homme sensible» à la langue, donc, bien pendue. Et comme le dépeint Tim Burton dans Big Fish (2003), la frontière est toujours bien mince entre la réalité et la fiction. Tout dépend, finalement, de la verve du narrateur, et de sa mémoire, plus ou moins friable…

Un mince fil sur lequel va avancer la future photographe qui, à l’âge de 15 ans, découvre la littérature américaine : H. P. Lovecraft, Edgar A. Poe et surtout Stephen King, dont elle va dévorer les ouvrages chaque été dans la remorque du tracteur familial. «Mon premier livre, c’était It. J’étais comme plongée dans l’histoire, totalement absorbée. Ça m’a marquée à jamais.»

L’Amérique de Stephen King

Cette Amérique que dépeint le maître de l’horreur – modèle de réussite en surface et détraquée dès que l’on gratte un peu le vernis –, elle veut la découvrir, la ressentir. Elle entreprend ainsi un premier voyage outre-Atlantique en 1997. Plusieurs suivront, comme une obsession, entre 2003 et 2011.

Huit années durant lesquelles Véronique Kolber, l’appareil en bandoulière, suit les pas de ses modèles artistiques, William Eggleston et Stephen Shore. Aboutira alors son projet «Diorama américain», une sélection de photographies prises principalement dans le Midwest, mais aussi au Kentucky, en Virginie… qui impose un style bien particulier : le fait de dépeindre des lieux inconnus, non identifiables et sans la moindre présence humaine.

Mais de ses images s’impose pourtant une sensation de déjà-vu, enclenchant irrémédiablement une vague d’associations chez le spectateur. Hasard ou non, son travail ramène en effet au cinéma d’Alfred Hitchcock, de David Lynch, mais aussi des frères Coen, de Christopher Nolan… À tous ses instants suspendus, baignés d’une atmosphère étrange. Dessus, on imagine assez facilement une musique angoissante, comme si, derrière le calme apparent des images, grondait une tempête à venir.

«J’ai commencé à lire des scripts»

Tout aurait pu s’arrêter là, mais voilà que Véronique Kolber passe de l’autre côté de l’écran, en tant que photographe de plateaux de tournages. «J’ai alors commencé à lire des scripts, et j’ai remarqué que certains d’entre eux ramenaient à mes anciennes photographies.»

Elle les ressort alors du grenier, se plonge dans les scénarios disponibles «très facilement» sur internet et commence son puzzle, qui aboutit à «Fictitious Location Spotting for a Non-Existing Movie», soit une cinquantaine de clichés réunis depuis la semaine dernière au Cercle Cité – qui annonce, au passage, le Luxembourg City Film Festival à venir.

L’artiste y présente donc ses vraies images, comme figées dans le temps, en attente d’action et d’histoires à écrire : elle livre la toile de fond – en l’occurrence, le mirage américain – et invite le spectateur à fournir la narration, pour compléter la scène suivante. En somme, un authentique journal de bord qui s’invente «une nouvelle réalité», explique-t-elle.

Un minifilm et une machine à écrire…

En filigrane, on replonge dans des mythes du 7e art, de Barton Fink à Seven en passant par Sunset Boulevard… Mieux, alors que certaines photographies sont présentées à nu – «afin de créer des moments de silence, de respiration», soutient-elle – d’autres sont accompagnés de scripts… inventés par l’artiste elle-même.

Et afin que la mise en abyme soit la plus complète possible, l’exposition propose également un minifilm, souligné par une voix rauque (en anglais bien évidemment) et appuyé par la musique atmosphérique signée Daniel Balthasar (le mari, pour de vrai, de Véronique Kolber).

La plongée se termine devant une table, garnie de polaroïds et sur laquelle trône une ancienne machine à écrire, celle derrière laquelle Jack Nicholson perd la boule dans Shining (1980) ou celle que l’on entend, en arrière-fond, dans les films des frères Coen. Un objet duquel sont sorties les plus belles histoires. Normal que Véronique Kolber le mette sur un piédestal.

Grégory Cimatti

Cercle Cité – Luxembourg. Jusqu’au 14 mars.

Exposition dans le cadre du Luxembourg City Film Festival 2020.

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