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Luxembourg : «Cabaret» ou la liberté berlinoise avant le nazisme


John Partridge interprète Emcee, le maître de cérémonie du Kit Kat Klub (Photo : The Other Richard)

Le Grand Théâtre de Luxembourg propose, jusqu’au 5 janvier, Cabaret de Joe Masteroff, John Kander et Fred Ebb, dans la production qui a conquis le West Est London pendant deux ans.

Après West Side Story en 2013/14, Mamma Mia en 2015/16 et Evita en 2017/18, les Théâtres de la ville de Luxembourg ont une nouvelle fois fais confiance à la comédie musicale pour donner un peu de piquant à cette période des fêtes de fin d’année et fait le choix, cette saison, de Cabaret.

«Willkommen, Bienvenue, Welcome!» C’est avec ces mots qu’Emcee accueille les spectateurs de Cabaret depuis la première de la comédie musicale en 1966, à Broadway. Emcee est le responsable du Kit Kat Klub, le maître de cérémonie de ce cabaret berlinois qui, en 1931, aime à recevoir tout un chacun. Tout le monde; Allemands de tous bords, mais aussi étrangers installés ou de passage. Un lieu de débauche diraient certains, un lieu de bohème diront d’autres. Une boîte de nuit hors du temps et de l’espace, croit-on, où l’on aime faire la fête, danser, chanter, boire, faire l’amour. Où tout est acceptable entre adultes consentants, même les amours changeantes, homosexuelles ou à plusieurs…

(Photos : Bill Kenwright).

(Photos : The Other Richard).

C’est là, sous les conseils d’Ernst Ludwig, homme rencontré à la douane pendant qu’il essayait de faire passer un bagage en douce, que finit Cliff Bradshaw, Américain tout fraîchement débarqué en Allemagne. Il y fait la connaissance de Sally Bowles, meneuse de revue britannique, qui s’installera dès le lendemain chez lui… enfin, chez Fräulein Schneider, chez qui l’écrivain en herbe et professeur d’anglais par nécessité, réside.

Du paradis à l’enfer

Le premier acte de la comédie musicale, proposée ici – en anglais, avec surtitrage français et allemand – dans une version de Rufus Norris, présente surtout la découverte de ce monde par Cliff Bradshaw; de ces mondes pourrait même dire, tellement celui à l’intérieur cabaret et celui à l’extérieur de celui-ci semblent séparés par une frontière infranchissable, imperméables l’un à l’autre. Quoi qu’il en soit, malgré le manque d’argent et des perspectives professionnelles plutôt faibles, les journées s’écoulent paisiblement, l’ambiance est légère, la vie est belle.

 

Mais dès les prémices du second acte, la situation change, l’ambiance s’alourdit, les références au nazisme sont de plus en plus présentes et claires. Ernst Ludwig s’affiche désormais avec une svastika, la petite moustache semble à la mode et dans la pension de Fräulein Schneider, Fräulein Kost, qui vit en donnant un peu de plaisir aux marins, dénonce Herr Schultz, «pas tout à fait allemand car juif». La fête est finie, les ratonnades commencent. Et ça se sent jusqu’au Kit Kat Klub, qui tenait pourtant à rester loin de l’actualité et de la politique. Comme quoi, Denis Langlois avait raison en écrivant : « Si tu ne t’occupes pas de la politique, la politique, elle, s’occupera de toi ».

Une réflexion salutaire pour une belle soirée

On l’aura compris, en plus des tubes : So What?, Money, Maybe This Time ou encore Cabaret, le spectacle propose une réflexion salutaire en cette période qui voit un peu partout dans le monde les montées des extrêmes droites. Mais on peut regretter que les deux mondes de ce récit soit finalement si hermétiques l’un à l’autre. Car du coup, si on pense aux seuls besoins du récit, toute la partie dans le cabaret pourrait presque être coupée de ce Cabaret!

(Phot : The Other Richard).

(Photo : The Other Richard).

Certes, cela n’aurait aucun sens. Car bien sûr, les danses – bien que fort lascives (pour ne pas dire au début un tantinet vulgaires, au point que la pièce n’est recommandée qu’à partir de 16 ans) – sont entraînantes et les chansons prenantes. S’ajoutent ici des comédiens de premier choix, des costumes bien fichus et des décors astucieux. Les ingrédients parfait pour passer, malgré les quelques errements scénaristiques de la pièce, une très belle soirée.

Pablo Chimienti

Grand Théâtre de Luxembourg. Jusqu’au 5 janvier.

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