Stupéfaction en France, mardi soir, lorsque des documents réunis par Wikileaks ont été publiés par le site Mediapart et le journal Libération. Les services secrets américains auraient écouté pendant des années des dirigeants français, comme ils l’ont fait avec tous les autres dirigeants européens, et sans doute mondiaux. La France a choisi de feindre l’offense, sa classe politique a crié au sacrilège. Mais qui y a vraiment cru ?
Comme la chancelière allemande Angela Merkel, le président français, François Hollande, a agité les bras, haussé le ton, et condamné. Le prétendu étonnement naïf des alliés des États-Unis ne cesse de surprendre. Avec la fin de la guerre froide et la chute de l’URSS, la toute puissante CIA a dû redéployer ses moyens. Et le renseignement économique a succédé au renseignement idéologique. Si les États-Unis écoutent leurs alliés, ce n’est pas à des fins belliqueuses, mais bien pour maîtriser l’information. C’est la clef et la puissance américaine ne serait pas ce qu’elle est sans cette impressionnante capacité de renseignement.
Il en va dans ce domaine comme dans bien d’autres : les puissants possèdent davantage de moyens pour obtenir des informations. S’il est de bon ton pour l’Allemagne ou la France de condamner l’ami américain, attention au retour de bâton.
Car Français et Allemands ne sont pas les derniers de la classe en matière d’espionnage. Eux aussi surveillent dans une ambiance de franche camaraderie leurs voisins et amis. Eux aussi dépensent des millions d’euros, chaque année, dans la course à l’information. Sinon, à quoi serviraient les pléthoriques services de renseignements ? Croire qu’ils se contentent de lutter contre le terrorisme et les États voyous est au mieux une vue de l’esprit.
Au fond, ce que semble découvrir la France, c’est que les espions espionnent, et que les amis parlent dans le dos. Cette nouvelle crise, risible, aura rappelé ces fondamentaux. Et les Américains doivent s’amuser de ces non-événements diplomatiques qui ont l’art de camoufler des problèmes bien plus urgents.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)