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[Témoignage] «Lorsqu’il n’avait pas d’arguments, il cognait»


Sandra est sortie de la violence physique et psychologique. Elle souhaite désormais aider celles qui en ont besoin. (photo Sarah Melis)

Après huit ans auprès d’un homme qu’elle qualifie de violent, et presque deux ans avec un homme qui lui a fait subir des violences psychologiques, Sandra* va de l’avant.

«Un jour, je dirai toute mon histoire à mes filles. Le jour où elles auront l’âge de tomber amoureuses». Sandra, 29 ans, raconte qu’elle a connu la violence. Pas de la part de son père, qui n’a «jamais levé la main» sur elle, mais de la part de celui qu’elle aimait, de son amour de jeunesse, du père de ses deux premiers enfants.

Cette violence là, elle la décrit comme une violence physique, émotionnelle et psychologique. Sandra n’a plus peur de le dire : elle a vécu huit longues années auprès d’un homme qui se serait révélé infidèle, mais surtout agressif.

Les poings plutôt que les mots

«Nous nous sommes rencontrés jeunes. Nous étions des enfants, nous étions à l’école ensemble. Je n’imaginais pas une seconde qu’il pourrait me frapper un jour». Et pourtant. Selon elle, il ne l’aurait pas frappé une fois, ni deux fois, mais bien une multitude de fois.

«C’était systématique lorsqu’il n’avait pas d’arguments, il cognait. C’était sa seule façon de s’exprimer. Il n’avait pas les mots alors il utilisait ses poings». Les mots pour justifier quoi ? «Pour justifier ses nombreuses absences la nuit», dit-elle.

Le premier coup, Sandra s’en souvient très bien : «Nous étions en train de nous chamailler, et puis subitement, il m’a mis une droite que je n’oublierai pas. Il a fait ça devant sa mère, chez qui nous vivions, mais je n’ai pas trouvé d’aide auprès d’elle. Sa réponse face à la violence de son fils a été qu’une « femme ne peut pas faire le poids face à un homme »».

La belle-mère avait selon la jeune femme «promis à mon père resté au Portugal qu’elle prendrait soin de moi. C’était un mensonge. Je suis arrivée en mars 2009 au Luxembourg, et quand mon père est décédé quelques mois plus tard, l’enfer a vraiment commencé». Car l’ex-compagnon de Sandra aurait frappé fort, souvent, continuellement.

«Il ne buvait pourtant pas d’alcool», dit-elle, «n’avait pas d’addiction particulière». La jeune femme se souvient encore que sa première fille, Lydia*, a même «parlé à la crèche», révélant que «papa frappait maman».

À son travail, ses collègues également l’aurait souvent poussé à porter plainte. «Elles voyaient les marques sur mon visage, voyaient ma bouche explosée. On me disait que ce n’était pas normal et que je ne devais pas rester». Oui mais voilà, Sandra, qui n’a pas grandi auprès de sa maman, a toujours «rêvé de la famille parfaite».

La séparation à cette époque aurait alors été vécue comme un échec. «J’ai donc tenu six ans, jusqu’à ce qu’il me frappe alors que j’étais enceinte de mon deuxième enfant», raconte-t-elle.

La fois de trop

«Cette fois-là, j’étais à la maison, je ne travaillais pas car J’étais enceinte de six mois». Elle se souvient de son compagnon sorti «sans avoir fermé sa page Facebook». Elle se souvient également avoir entendu une multitude de sons provenant de l’ordinateur. «Il s’agissait des notifications», dit-elle. La tentation était trop forte, alors elle a voulu «voir ce que c’était».

Sandra n’a pas oublié les «dizaines de discussions différentes avec des femmes. Des nanas qu’il n’avait parfois même jamais rencontré. Il leur disait qu’il vivait en collocation avec des amis, ou avec sa mère, mais omettait de dire qu’il avait une femme enceinte et un premier enfant». Ce jour-là, elle a su qu’elle partirait. «Il était non seulement violent mais en plus infidèle. Il me dégoûtait», dit-elle.

Mais l’histoire ne se serait pas arrêtée là. La jeune femme, excédée, aurait avoué avoir eu accès aux messages du jeune homme, demandant des explications. «C’est là qu’il a tenté de m’étrangler, et qu’il m’a mordu jusqu’au sang», se souvient-elle encore et montrant du doigts sa cicatrice, sur l’avant-bras.

«On a dû me transporter à l’hôpital, où une plainte a été déposée non par moi mais par le corps médical. Les médecins ont alerté la protection de l’enfance pour vérifier que mes filles ne vivaient pas dans l’insécurité». Si cette histoire semble avoir marqué la jeune femme au fer rouge, ce n’est qu’un an plus tard qu’elle s’est décidée à mettre un terme à cet enfer.

«Je lui ai dis de partir après que nous ayons aménagé et meublé notre nouvel appartement. Je ne voulais pas que mes enfants vivent dans la précarité», raconte-t-elle. Depuis, Sandra a tenté de se reconstruire et mis du temps avant de faire confiance à nouveau. «Je me sentais libre, je voulais être seule», se souvient-elle.

«Je suis enfin heureuse, j’avance»

Mais elle a fini par rencontrer le père de son troisième enfant. Sandra, qui pensait avoir tourné la page de la violence, a dû en affronter une d’un autre type : la violence psychologique. «Il ne me battait pas mais ce n’était pas moins douloureux», dit-elle. Jalousie, menaces, dévalorisation, humiliations, harcèlement. S’il était possible de résumer la seconde histoire de Sandra, alors ce serait probablement de cette manière qu’elle le ferait. Car «un article ne suffira pas à tout raconter», assure la jeune femme, précisant que « les violences psychologiques sont tout aussi douloureuses que les violences physiques et qu’il faut en parler».

C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que Sandra a souhaité témoigner. «Lorsque je suis arrivée au Foyer Sud, j’ai entendu trop d’histoires douloureuses. Je me suis même dit que la mienne n’était pas la pire», dit-elle. «Aujourd’hui, je ne pense même plus à refaire ma vie, je ne pense pas aux hommes. Mon fils étant handicapé, je dois m’occuper de lui en priorité et de mes filles qui ont suffisamment souffert de la violence. Je ne veux plus jamais revivre ça». Et d’ajouter : «Aujourd’hui, après avoir dû me cacher pour échapper à mon premier compagnon qui me menaçait, après avoir souffert du harcèlement, de la jalousie du second, je suis enfin heureuse, j’avance, je fais le maximum pour aller de l’avant et je me bats», dit-elle.

Sandra et deux de ses enfants ont participé à l’exposition « Chère violence, je te quitte… », visible du vendredi 6 au mercredi 18 décembre à l’Hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette.

Sarah Melis

*Note de la rédaction : Les prénoms de Sandra et sa fille Lydia sont des noms d’emprunts. Sandra avait pourtant souhaité révélé son identité, mais Le Quotidien a préféré ne pas la divulguer pour des mesures de sécurité. Cet article se base sur le témoignage de Sandra sans qu’un procès n’ait été prononcé à l’encontre de son ex-compagnon.

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