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Plongée dans l’enfer de la drogue au Luxembourg


Au Grand-Duché, la cocaïne a détrôné l’héroïne. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

L’offre à bas seuil pour toxicodépendants au Grand-Duché est une réalité souvent méconnue du grand public. Le Quotidien s’est rendu dans les structures Abrigado (Luxembourg) et Contact (Esch) pour faire le point.

La toxicomanie au Grand-Duché et le modèle luxembourgeois basé sur des salles de shoot et d’inhalation alors que la consommation et la possession, même en quantités infimes, de drogues dures sont légalement répréhensibles ne laissent pas indifférent.

Certains critiquent ce modèle avec virulence, y voyant une hypocrisie flagrante, tandis que d’autres s’en accommodent, se disant que c’est un «mal nécessaire» qui permet d’éviter d’avoir des toxicomanes en vadrouille sous leurs fenêtres ou dans le hall d’entrée de leur habitation.

Tour d’horizon des principales interrogations que la population se pose par rapport à la toxicomanie au Luxembourg.

L’offre à bas seuil au Luxembourg
Si l’Abrigado existe depuis plusieurs années déjà et est notoirement connu, en mal ou en bien, de toute la population, le Contact Esch vient d’ouvrir à la rentrée de septembre. Selon la définition du ministère de la Santé, le Contact Esch «est une structure combinée de jour avec salle de consommation supervisée pour usagers de substances illicites et conventionnée par le ministère de la Santé.

La structure, qui représente un maillon supplémentaire de la décentralisation des services d’aide spécialisés sur le plan national, se comprend en tant qu’offre à bas seuil pour usagers de drogues».

Migration de toxicomanes de Luxembourg vers Esch ?
La question que tout le monde se pose est celle de l’éventuelle migration de toxicodépendants de l’Abrigado vers le Contact Esch dans le cadre de la décentralisation et du désengorgement de la structure de la capitale. «Il est trop tôt pour pouvoir affirmer qu’une certaines migration est en cours ou a déjà eu lieu.

Il faut attendre avant de pouvoir se baser sur des statistiques», indiquent aussi bien le directeur du Comité national de défense sociale (CNDS) et responsable de l’Abrigado, Raoul Schaaf, que la psychologue diplômée et chef de service au Contact Esch, Martina Kap.

D’ailleurs, pour cette dernière, le Contact Esch accueille essentiellement des «clients» du sud du pays qui se fournissent en drogue dans le Sud : «Il s’agit d’une scène plus régionale, locale, contrairement à l’Abrigado qui attire des gens de partout.»

La cocaïne et le crack n°1 devant l’héroïne
Qui a dit que l’héroïne était toujours la reine des drogues dures au Grand-Duché ? Car, en effet, la cocaïne l’a détrônée au fil des années et s’est imposée comme LA drogue la plus prisée au pays, même si l’héroïne a toujours de beaux jours devant elle. «Purifiée» au bicarbonate ou à l’ammoniaque dans une cuillère réchauffée, elle accouche d’une galette, dénommée «crack», qui est la base libre de la coke. Fumée, la galette de crack provoque des effets ravageurs et une dépendance très puissante.

Après renseignements, il s’avère que les consommateurs de l’Abrigado et du Contact Esch ont une petite préférence pour cette «dope», qui s’est largement démocratisée au fil des années, d’un point de vue aussi bien social que financier.

Quelle est la «clientèle» de l’Abrigado et du Contact ?
Le responsable de l’Abrigado relève que sa «clientèle» est «le reflet même de la société, en ce sens que tous les âges et classes sociales y sont représentés. «Il y a également des gens bien insérés dans la société, qui travaillent et qui consomment tout en réussissant à gérer cela, à l’instar d’une personne accro aux médicaments», souligne Raoul Schaaf. À Esch, cependant, les «clients» sont «davantage des locaux d’Esch-sur-Alzette et du sud du pays».

Quelle est la philosophie du ministère de la Santé ?
Le Dr Alain Origer, le coordinateur national «Drogues» du ministère de la Santé, est catégorique : «Les consommateurs de drogue qui présentent un état de dépendance sont à considérer comme des personnes qui ont besoin d’aide et de soutien en fonction de leur situation individuelle.»

Par rapport aux avantages et aux inconvénients en matière de santé publique de structures telles que l’Abrigado et le Contact Esch, le ministère est d’avis qu’«en termes exclusivement de santé publique, des offres à bas seuil et de réduction de risques et de dommages pour usagers de drogues (les structures précitées) sont bénéfiques à maints égards».

Le Dr Alain Origer énumère les avantages découlant des deux salles de shoot : «Le contact avec des usagers marginalisés et vulnérables, la provision de soins médicaux, l’assistance sociale, la réduction des risques sanitaires et des maladies transmissibles, les conditions hygiéniques pour l’usage de drogues, la réduction de la morbidité et de la mortalité des usagers, l’éducation « safer use », la protection et l’hébergement de nuit…»

Claude Damiani

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L’avis de la police

La police souligne le fait que «la législation relative aux drogues interdit au Luxembourg non seulement la vente ou le transport de stupéfiants, mais aussi la consommation». Ceci dit, ajoute la police, «le travail de la police vise en premier lieu les dealers. Mais dès qu’un consommateur se livre à la vente ou revente de stupéfiants, il est évidemment contrôlé et le cas échéant verbalisé ou arrêté.»

Par ailleurs, la police indique que ses «patrouilles restent en principe en dehors des structures, sauf en cas d’appel ou de demande bien entendu».

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Il s’agit du nombre moyen de personnes qui fréquentent régulièrement l’Abrigado, alors qu’au Contact Esch ils étaient 39 inscrits après sept semaines d’ouverture. Concernant le nombre d’overdoses recensées, il y en a au moins une par semaine à l’Abrigado, tandis qu’une overdose a été recensée à Esch (au 31 octobre). À noter que les overdoses ne sont pas forcément mortelles.

L’avis des riverains

Si la grande majorité des riverains de la route de Thionville et des rues avoisinantes ne sont pas forcément ravis (doux euphémisme) de la présence de l’Abrigado dans leur voisinage, certains se sont accommodés de sa présence par obligation, voire par compassion. À l’image de ce commerçant de la route de Thionville qui en a vu de toutes les couleurs depuis l’ouverture de l’Abrigado : «J’ai dû interdire d’entrée plusieurs clients de l’Abrigado au fil des années, car ceux-ci volaient dans ma boutique. À part cela, je dois tout de même reconnaître qu’aujourd’hui 99% d’entre eux ne me causent aucun souci et sont des clients réguliers qui sont les bienvenus dans mon commerce.»

À Esch, également, les riverains semblent avoir accepté l’arrivée de la structure Contact. Ainsi, une cliente du supermarché voisin estime qu’«il faut venir en aide à ces personnes», tandis que cet habitant de Lallange note que «pour l’instant, tout se passe bien».

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