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Cancer : le Luxembourg introduit le droit à l’oubli


Christian Strasser et Étienne Schneider signent une avancée majeure pour les personnes qui ont vaincu la maladie. (photo Tania Feller)

Avec la mise en œuvre du droit à l’oubli, les personnes guéries de certaines maladies, notamment les cancers, ne seront plus obligées de déclarer leur pathologie lors de la souscription d’un prêt.

Voilà une avancée majeure pour les personnes guéries d’un cancer et désireuses d’accéder à la propriété : grâce à la mise en œuvre du «droit à l’oubli» (effectif dès le 1er janvier 2020 mais sans effet rétroactif), celles-ci ne seront plus tenues de déclarer leur pathologie après un certain nombre d’années de guérison. Jusque-là, ces personnes, bien que guéries, s’exposaient à «un refus simple ou à une surprime à 100 ou 200%», a rappelé le président de l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances (ACA), Christian Strasser.

Le ministre de la Santé, Étienne Schneider, et Christian Strasser ont donc signé hier une convention avec huit entreprises d’assurances commercialisant l’assurance «solde restant dû» (Cardiff Lux Vie, AXA, Allianz, AME Life Lux, Foyer Vie, Raiffeisen Vie, Bâloise et Lalux Assurances-Vie) qui permettra désormais aux anciens malades d’accéder à un emprunt «dans des conditions acceptables ou raisonnables».

«Vers un traitement équitable»

Toutes celles et ceux qui ont souffert d’un cancer ne seront ainsi plus tenus de signaler leur pathologie au-delà des dix ans qui suivent la fin du protocole thérapeutique (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) s’ils n’ont pas fait de rechute. Le délai est même réduit à cinq ans lorsque le cancer a été diagnostiqué avant l’âge de 18 ans. Le Luxembourg est le troisième pays européen à introduire ce droit à l’oubli, après la France et la Belgique.

«Avec la surprime, certains se retrouvaient dans l’incapacité de pouvoir acquérir un bien immobilier. Ils étaient pénalisés toute leur vie pour un cancer qu’ils ont eu à 3 ans», a commenté la directrice de la Fondation Cancer, Lucienne Thommes, jointe par téléphone. La Fondation Cancer et la Fondatioun Kriibskrank Kanner sont à l’origine de l’introduction de ce droit à l’oubli, dans le cadre du Plan national cancer. «C’est un travail de longue haleine, que nous avons débuté en 2016 et qui s’est achevé en 2018. On commençait à s’impatienter. C’est une très bonne nouvelle.»

«L’introduction du droit à l’oubli en matière d’assurance au Luxembourg pour les personnes guéries d’un cancer et certaines autres maladies constitue pour moi un premier pas vers un traitement équitable des patients ayant souffert d’une maladie grave par rapport aux autres citoyens. Vu les avancées thérapeutiques, cette convention permet une appréciation correcte du risque lors de la souscription d’un contrat d’assurance», a déclaré pour sa part Étienne Schneider.

Pour certains cancers et en fonction de leur stade, ce droit à l’oubli peut en effet être inférieur aux dix ou cinq ans requis, notamment des cancers des testicules, du côlon, du sein ou le mélanome. «C’est en fonction des progrès de la médecine», explique Lucienne Thommes, qui précise : «Il existe une grille évolutive, établie tous les ans, qui sert de référence.»

Aussi l’hépatite C et le VIH

À l’inverse, les personnes guéries d’un cancer spécifique (il y en a dix) ou d’une hépatite C qui souhaitent souscrire une assurance solde restant dû d’un crédit immobilier devront déclarer leur pathologie, mais grâce à l’introduction du droit à l’oubli, si les conditions requises sont remplies, l’assureur ne pourra pas les exclure ni leur demander une surprime.

De même pour une personne porteuse du VIH sous traitement : elle a l’obligation de déclarer sa maladie, mais ne pourra pas être exclue de l’assurance. L’assureur peut toutefois lui demander une surprime, mais celle-ci sera plafonnée à 100%.

Un comité de suivi et de réévaluation, composé de membres des différentes parties, dont des associations et fondations de patients, sera mis en place afin de veiller à la bonne application de cette convention. «La signature avec le ministère de la Santé de cette convention sur le droit à l’oubli est une avancée considérable. Elle marque la volonté des assureurs luxembourgeois d’exercer leur responsabilité sociale», a précisé Christian Strasser.

Le Luxembourg ne dispose pas encore de statistiques permettant de définir le nombre de personnes concernées par le droit à l’oubli. Toutefois, celui-ci ne représentera un manque à gagner pour les assurances que dans le cas où la personne vient à décéder. «Mais elles sont a priori guéries», a rappelé Christian Strasser.

Tatiana Salvan

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