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Michel Wolter (Käerjeng) : «Les assureurs doivent prendre leurs responsabilités»


«Les assureurs doivent maintenant montrer qu'ils ne sont pas là que pour encaisser des primes, mais qu'ils doivent aussi venir en aide aux personnes nécessiteuses», déclare Michel Wolter. (photo Julien Garroy/Editpress)

Le député-maire de Käerjeng, Michel Wolter, particulièrement ému par la catastrophe qui a frappé sa commune, est remonté contre les compagnies d’assurances (dont une en particulier), car il estime qu’elles se doivent, à présent, de prendre le relais des actions déjà menées par la commune.

Combien d’habitations ont-elles été sinistrées à Käerjeng?

Michel Wolter : Samedi, nous avons mis un fichier informatique en place et la commune s’est coordonnée avec le CGDIS pour essayer de fermer, provisoirement, toutes les maisons sinistrées. À Bascharage, 320 maisons ont été touchées par la tornade, soit un nombre bien supérieur à celui communiqué par le CGDIS, parce que nous avions fait, entretemps, un relevé complet, en parcourant rue par rue. Sur les 320 maisons touchées, une quarantaine n’a plus de toit.
De plus, nous avons identifié de trois à dix maisons – le nombre exact sera défini dans les prochaines heures voire jours (NDLR : l’interview a été réalisée mercredi à 11 h 30) – qui ne pourront plus être habitées sur une longue période. Pour synthétiser, la journée de samedi était principalement dédiée à l’aide à apporter aux personnes sinistrées.

Quelles autres démarches ont été entreprises le lendemain de la catastrophe?

J’ai personnellement téléphoné à un certain nombre de bourgmestres pour qu’ils mettent à notre disposition des bennes, du matériel ainsi que les camions dont nous avions besoin. Je dois dire que la solidarité qui s’est mise en place à Käerjeng a été énorme. Pour l’illustrer, j’ai lancé un appel via Facebook pour solliciter d’urgence l’aide d’entreprises de tous les domaines : entreprises de génie civil, couvreurs, électriciens, ingénieurs, architectes… Cet appel a été partagé 1 700 fois. Au total, 99 sociétés venues de tous les pays ont répondu présent pour nous aider.
Par ailleurs, toujours dans la journée de samedi, nous avons mis en place un fichier dans lequel ont été enregistrées toutes les personnes volontaires souhaitant nous venir en aide. Ces volontaires ont été contactés ensuite par nos personnes de référence lorsqu’il y a eu des travaux à réaliser. Nous les avons appelés pour qu’ils se rendent à notre centre de crise ou pour les diriger vers les maisons des personnes sinistrées afin de les aider dans leurs travaux. De plus, nous avons procédé à la distribution de bennes dans notre commune, et cela continue naturellement tous les jours. Parallèlement à toutes ces actions, la commune a également mis sur pied un système de distribution de bennes, de concert avec le CGDIS. Et cela s’est poursuivi jusqu’à lundi. (…)

À quel moment avez-vous contacté le bourgmestre de Pétange, Pierre Mellina, dont la commune a également été durement touchée par la tornade?

Dimanche. Il s’agissait de mettre en place un appel de fonds, qui a ensuite été publié. On a demandé aux associations « Käerjeng hëlleft » et « Fir e gudden Zweck – Gemeng Péiteng » qu’elles nous aident dans cette démarche de collecte de dons. Nous aurons d’ailleurs une réunion à ce sujet la semaine prochaine, que je suis en train d’organiser, avec la ministre de la Famille, Caritas, la Croix-Rouge luxembourgeoise, les offices sociaux, les deux associations précitées et les communes pour voir comment il s’agira de structurer efficacement notre aide.
Enfin, dans la nuit de dimanche à lundi, nous avons pris la décision de tenir deux réunions d’information (qui ont eu lieu mardi) et invité la ministre Corinne Cahen à y prendre part, ainsi que des compagnies d’assurances et des banques. Creos n’a pas eu besoin de venir, car il y a très peu de problèmes dans le domaine de l’électricité. (…)

Revenons à présent à la journée de mardi, qui correspond à votre retour de vacances…

Alors que j’étais de retour vers le Grand-Duché, dans l’un des nombreux avions que j’ai dû prendre pour revenir, on a décidé de mettre en place une structure d’aide, à savoir que notre office social serait déplacé au Käerjenger Treff dans notre cellule de crise. De plus, Caritas nous a informés que deux personnes seraient mises à notre disposition, dont une lusophone, afin d’aider tous les gens à remplir les formulaires.

Certains sinistrés connaissent-ils des difficultés à remplir ces formulaires?

Au cours des derniers jours, nous avons constaté que beaucoup de gens ne connaissent pas le nom de leur agent d’assurances, qu’ils ne connaissent pas les procédures, et qu’ils n’avaient toujours pas contacté leur compagnie d’assurances. Je ne croyais pas que cela était possible…
Or tous ces formulaires permettent de demander une aide auprès d’une compagnie d’assurance ou de l’État, mais nombre d’entre eux sont incapables de les remplir. Nous avons donc décidé, et cela sera complété au fur et à mesure, outre la helpline, la création d’une structure où nos agents aideront les gens à faire toute les démarches administratives.

Qu’avez-vous entrepris mercredi?

Je commence à m’occuper de l’état des bâtiments et infrastructures publics de la commune, car elle a été lourdement touchée. Nous voulions en priorité nous occuper de nos administrés. Notre hall sportif, par exemple, a particulièrement été touché. Aujourd’hui (mercredi), nous sommes en train d’établir une liste de toutes les personnes qui se sont manifestées, pour voir quelles maisons sont vraiment inhabitables. On va également voir si certaines restent habitables du point de vue de leur structure et si les gens peuvent objectivement y rester. Lorsque cette liste sera établie, je téléphonerai ce vendredi aux différents services « sinistres » des compagnies d’assurances concernées pour avoir un rendez-vous afin de discuter de la situation. Je ne veux pas laisser cette situation se régler à la bonne franquette! Il faudra trouver des solutions de relogement, à moyen et à long terme, pour les personnes nécessiteuses concernées. Le Fonds du logement sera impliqué dès le départ. Il s’est d’ailleurs manifesté en faisant une offre afin de reloger un certain nombre de familles au sein de ses structures. (…)

La commune n’était pas seule à agir : il y a eu un bel élan de solidarité.

Nos hôteliers se sont manifestés, de même que des centaines de personnes venues du pays entier, des représentants des communes voisines se sont déplacés… Il y a même une équipe venue en bus de Troisvierges (extrême nord du Grand-Duché) pour aider à enlever les débris qui se trouvaient derrière les maisons. Ils ont accompli un énorme travail après s’être spontanément présentés à notre cellule de crise. Ils sont repartis dimanche, et je tiens absolument à les remercier pour l’excellent travail abattu ainsi que pour leur esprit de solidarité, qui s’est révélé sans faille. J’en suis très ému! De même que pour tous les autres gestes de solidarité lors des derniers jours. Je pense, entre autres, à cette dame que l’on a pu reloger grâce à l’esprit de solidarité de la commune de Mamer. En deux coups de fil donnés au bourgmestre Gilles Roth, c’était réglé. Et cela est juste un exemple parmi tant d’autres que je pourrais vous relater. Cet élan de solidarité était nécessaire, car les dégâts sont immenses. Des gens continuent à nous appeler car tout est détruit chez eux et l’on met en place une équipe pour les aider alors qu’ils ont perdu leur toit dans son intégralité ou en partie : la situation est grave! De manière générale, ici, à Käerjeng, tout est encadré et structuré, car on ne peut se permettre d’en arriver à une situation où il y aurait plus d’offres que de demandes. Ce samedi, nous allons, par exemple, lancer une grande action de solidarité avec les agriculteurs.

Les autorités restent donc à la disposition des sinistrés. Mais jusqu’à quand?

Nous arrivons, en cette fin de semaine, à la limite de l’intervention de la commune. Maintenant, il est important que les assurances prennent leurs responsabilités! Tous les assureurs doivent prendre leurs responsabilités! Il faudra recouvrir toutes les maisons, évaluer les dégâts. Il faudra que les assureurs viennent en aide aux personnes nécessiteuses.
Je vous donne un exemple que je juge inacceptable : trois maisons situées dans la même rue qui ont été construites en même temps avec une toiture identique ont été touchées de la même façon en perdant leur toiture. Les trois propriétaires se sont tournés vers leurs assureurs, avec les mêmes devis, pour faire refaire la toiture. Deux assureurs ont donné leur aval, tandis que la troisième compagnie a refusé en disant « non cela est beaucoup trop cher, vous devez faire un nouveau constat et revenir avec une proposition moins coûteuse ». J’ai dit à la dame qui a essuyé ce refus que c’était inacceptable! En clair : la situation est absolument identique, mais deux compagnies disent oui alors que la troisième décline… On ne peut pas laisser refaire deux toits et abandonner la réparation du troisième parce qu’une compagnie dit que c’est trop cher. Les assureurs doivent maintenant montrer qu’ils ne sont pas là que pour encaisser des primes, mais qu’ils doivent aussi venir en aide aux personnes nécessiteuses.
Le travail le plus dur, à savoir l’aide directe, a été fait, mais le niveau d’intervention de la commune s’arrête désormais devant le périmètre réservé aux assurances.

Pour conclure, quelles informations vous sont-elles parvenues sur l’impact de la tornade sur l’économie de votre commune?

Je n’ai aucun chiffre. Par contre, j’ai été informé que le ministre des Classes moyennes (Lex Delles) s’est entretenu, mardi, avec les entreprises de la commune, mais mes services n’en ont pas été informés. Je trouve cela très moyen, et je pèse mes mots!

Recueilli par Claude Damiani

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Michel Wolter dans notre édition papier de vendredi.

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