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France : le réveil des intellectuels

Il y a six mois, ils étaient quelques dizaines seulement. Des sociologues et des historiens surtout, enseignants et chercheurs à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ou dans des universités parisiennes et de province. Dès le début du mouvement, le 17 novembre dernier, ils sont allés sur les ronds-points et les manifestations avec les «gilets jaunes». Pour se confronter à leur réalité mais aussi partager leurs propres colères, celles d’agents d’un service public sacrifié sur l’autel d’une austérité redistribuant l’essentiel des richesses vers la minorité la plus fortunée de la population.

Ils ont vu la réalité d’un pouvoir sourd aux revendications, ses saupoudrages et opérations de communication. Ils ont vu la réalité des violences commises par une police à qui son ministre pardonne toutes les dérives et délits. Ils ont vu comment ce pouvoir nie les violences et les attribue à des «gilets jaunes» qu’il discrédite par le mensonge. Ils ont vu la plupart des grands médias français, journaux, chaînes de télé et radios, se faire l’écho de cette vérité «alternative», si éloignée de celle à laquelle ils sont confrontés. Aussi, il y a quelques semaines, ils ont décidé de dénoncer violences et mensonges dans une tribune intitulée Nous accusons. Cela n’a pas été facile car il fallait synthétiser en un texte court les observations et analyses d’un cercle qui ne cessait de grandir, avec l’exigence qu’aucun d’eux ne domine les autres. Une vivifiante expérience de l’horizontalité. Devenue virale depuis sa première publication la semaine dernière.

Hier au soir, plus de 25 000 personnes l’avaient signé : universitaires, scientifiques, enseignants, écrivains et des milliers de citoyens reconnaissant dans ce texte la réalité vécue face à la police et dans leur quotidien. Une grande partie des signataires sont des «intellectuels», ceux-là même que l’on disait endormis, indifférents aux soubresauts d’un monde qu’ils scrutent depuis leur tour d’ivoire. Les auteurs de Nous accusons démentent cela. Leur convergence avec les revendications des «gilets jaunes» montre une société française bien moins divisée que d’aucuns le pensent. Pas sûr que cela soit de bon augure pour Macron.

Fabien Grasser

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