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Représentation syndicale : les « gilets jaunes » d’Aumetz donnent leurs avis


Discussion libre avec les "gilets jaunes" du rond-point de la RD16, jeudi matin, à propos de la représentation syndicale en France (Photo : Editpress).

Que pensent les «gilets jaunes» des syndicats ? La question mérite d’être posée, alors que le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, était en visite jeudi en Moselle. Un groupe mobilisé depuis plusieurs semaines sur le rond point de la RD16 (secteur d’Aumetz), et dont les membres sont âgés de 22 à 75 ans, apporte des réponses contrastées.

Philippe Martinez ? « Connais pas ». Le nom du secrétaire général de la CGT, pourtant premier syndicat français en nombre d’adhérents, ne leur dit rien. Mais quand on leur montre sa photo, certains s’exclament : «Ah oui ! On l’a déjà vu à la télé.» Ils étaient sept «gilets jaunes» réunis jeudi matin dans leur cabane faite de bric et de broc à côté du grand rond-point entre Aumetz et Crusnes, dans le Pays-Haut mosellan, à une dizaine de kilomètres de route départementale d’Esch-sur-Alzette, un axe emprunté chaque jour par des milliers de frontaliers. D’emblée, ils rappellent la règle : aucun d’eux n’est un porte-parole et chacun s’exprime en son nom propre.

« Les syndicats sont utiles »

Certains campent là depuis mi-novembre et la naissance du mouvement. Leur nombre a grossi au fil des semaines, sans recours à Facebook. «Les premiers jours, ils étaient deux avec un parasol et puis de plus en plus de gens se sont arrêtés et ont rejoint le mouvement», raconte Manon, 22 ans, en recherche d’emploi dans la restauration. «Je n’ai jamais vraiment travaillé, donc je n’ai jamais été syndiquée», dit la jeune femme. Tout le contraire de son petit ami, Anthony, 23 ans, salarié depuis deux ans dans la grande distribution et membre de la CFDT. «Les syndicats sont utiles pour nous protéger en cas de problème», dit-il. Noël, postier à la retraite de 61 ans, lui, connaît bien la CGT, syndicat auquel il adhère depuis 30 ans mais dont il doute qu’il pourra changer les choses sur le fond. «Je suis chez eux parce que ce sont encore les moins pires et qu’il faut bien quelqu’un pour défendre les ouvriers», dit-il. C’est aussi l’avis de Christian, vétéran du groupe présent hier matin. Àgé de 75 ans, il a fait toute sa carrière dans les «usines à Micheville et Amnéville». Comme une majorité de ses collègues, il était affilié à la CGT : «Ils étaient très bien.»

« Tous achetés ! »

C’est assez positif, mais l’on sent que quelque chose est ébréché, que les «gilets jaunes» ne veulent pas «être récupérés» par les syndicats. «Ils sont tous achetés, tout est pourri», s’accordent plusieurs d’entre eux. «Il n’y a qu’à voir Édouard Martin, il a retourné sa veste», s’emporte Magalie, 39 ans, en parlant de l’ancien délégué CFDT qui fut le médiatique porte-drapeau des ouvriers d’ArcelorMittal à Florange. «Maintenant, il s’est trouvé une bonne place à l’Europe», complète Noël en évoquant le mandat de député européen qu’occupe Édouard Martin depuis 2014.
À 73 ans, Pierre n’a quant à lui jamais arrêté de travailler : «Je suis patron d’une exploitation agricole et la retraite, avec ce que je toucherais, je n’y pense même pas. Pour nous, les syndicats n’ont rien fait pour qu’on puisse cotiser dans les mêmes caisses que les salariés et toucher des retraites acceptables.» Noël, qui dit attendre «la révolution depuis 20 ans», renchérit : «Moi si je suis là c’est pour que les gens puissent manger correctement, car on ne s’en sort plus.»

Politique / patronat, quelle marge de manœuvre ?

Roger, 45 ans, était ouvrier au Luxembourg. Handicapé, il ne peut plus travailler et confirme qu’avec ce qu’il touche en France «c’est vraiment difficile». Lorsqu’on leur répète l’argument du secrétaire général de la CGT selon qui ce sont les patrons et non les politiques qui accordent les hausses de salaires, ils rétorquent que «l’augmentation du SMIC, ce sont les politiques qui en décident». «De toute façon, s’il n’y a pas de patrons, il n’y a pas de boulot», ajoute Pierre. Tout le monde acquiesce.
Ils balayent l’idée, également avancée par Philippe Martinez, de prolonger la lutte par des grèves en semaine en lieu et place des manifestations du samedi : «La plupart des gens travaillent et ne peuvent pas se permettre de faire grève.» Pour Noël, «les syndicats proposent tout le temps de faire grève, mais ça ne marche pas. Ils doivent trouver d’autres moyens d’action.»
La discussion s’anime avec bonne humeur dans la cabane aménagée en petit nid douillet autour de fauteuils et d’un chauffage au gaz. Un jeune homme passe la tête par la porte : «Si vous voulez, j’ai du bois pour vous.» Bien sûr qu’ils sont preneurs pour alimenter le feu qui brûle presque continuellement devant leur cabane depuis plus de deux mois. Les «gilets jaunes» sont sensibles à cette solidarité qui s’exprime parfois par un simple coup de klaxon lâché par un automobiliste contournant le rond-point.
«Personne ici ne se connaissait avant les « gilets jaunes » et aujourd’hui c’est comme une deuxième famille», affirme Magalie qui passe au rond-point dès qu’elle a le temps, entre son emploi au Luxembourg et sa famille. «Ça permet aussi d’oublier les soucis de la maison», ajoute-t-elle. «Avant, on était divisé, maintenant on se parle de nouveau, on est ensemble», constate Pierre.

Fabien Grasser

Retrouvez une grande interview du secrétaire général de la CGT dans notre édition papier de ce vendredi, sur double-page.

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