Poliment renvoyée à sa table de travail par les dirigeants européens, la Première ministre Theresa May était étrillée jeudi au Royaume-Uni, pro comme anti-Brexit dénonçant son inaptitude à sortir les négociations de l’impasse à moins de six mois du divorce.
Mercredi à Bruxelles, la dirigeante conservatrice a présenté à ses 27 homologues de l’UE sa vision de l’état des discussions, pour finalement s’entendre dire que les progrès étaient insuffisants pour espérer parvenir à un accord. « Ce sommet était censé être la dernière chance de parvenir à un accord sur le Brexit mais en raison de l’incompétence épouvantable et des luttes intestines au sein du gouvernement de Theresa May, il existe toujours un risque énorme de ne pas parvenir à un accord », a dénoncé le maire travailliste Sadiq Khan, dans un communiqué assassin.
En cause notamment, la possibilité d’étendre la période de transition qui suivra le Brexit le 29 mars 2019, pendant laquelle le pays restera dans le marché unique, initialement prévue pour durer jusqu’à fin 2020. Destinée à donner plus de temps aux négociations sur la future relation commerciale, cette extension pourrait durer « quelques mois » de plus, a déclaré Theresa May, qui a toutefois assuré que cette option ne devrait « pas être utilisée ».
Risque de « capitulation »
Reste que sa simple évocation a suffi à déclencher un déluge de critiques dans les camps des Brexiters purs et durs, ulcérés à l’idée que le Royaume-Uni puisse encore continuer à évoluer dans le giron de l’UE plusieurs années après le référendum de juin 2016. « Trahison », a tonné le parti europhobe Ukip, « Reddition », a dénoncé le tabloïd The Sun, tandis que plusieurs hauts responsables des Tories, dont les anciens ministres Boris Johnson et David Davis, écrivaient une lettre ouverte à Theresa May mettant en garde contre le risque de « capitulation » face à Bruxelles. « Nous vous prions instamment d’indiquer clairement que vous n’engagerez pas le Royaume-Uni dans le purgatoire d’une adhésion perpétuelle à l’union douanière de l’UE », y déclarent-ils.
La perspective d’une extension ne satisfaisait pas davantage les Libéraux-démocrates, pro-UE. « Prolonger la transition ? (…) C’est retarder, un peu plus, la chute de la falaise », a déclaré Tom Brake, porte-parole du parti centriste. Cette séquence tombe bien mal pour la Première ministre qui espérait avoir repris des couleurs après le congrès de son parti, début octobre, où elle était apparue confiante, au point d’introduire son discours en dansant au son du tube d’ABBA Dancing Queen.
Pour le député conservateur Nick Boles, une extension de la période de transition pourrait coûter cher à la cheffe de l’exécutif, dont le leadership est sans cesse discuté depuis qu’elle a perdu sa majorité absolue au parlement lors des élections de juin 2017. « Je crains qu’elle ne perde la confiance de ses collègues de toutes les sensibilités, y compris de personnes qui l’ont soutenue jusqu’à présent », a estimé l’ancien ministre sur la BBC.
« Au pouvoir mais pas aux affaires »
Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement britannique affrontait des critiques sur un autre front après que le ministre du Brexit Dominic Raab ait suggéré que le Parlement, qui se prononcera sur le futur avec l’UE, vote le texte sans l’amender. Rien de tel pour donner des munitions aux partisans d’un nouveau référendum, qui défileront par milliers samedi dans les rues de Londres. « Alors que l’élan s’intensifie pour donner au peuple le dernier mot (via un nouveau référendum), il n’est pas étonnant que les ministres tentent de bloquer tout amendement sur un accord misérable qu’ils pourraient éventuellement ramener de Bruxelles », a fustigé dans un communiqué l’organisation People’s vote, qui milite pour un nouveau vote.
Quant au reste des affaires du pays, rien ne passe, a dénoncé John McDonnell, un des principaux responsables de l’opposition travailliste. « Il n’y a pas de travail au parlement », a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse. « Les conservateurs sont au pouvoir mais ils ne sont pas aux affaires ».
LQ/AFP