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Fiscalité : le Luxembourg reste un champion européen des rulings


En 2014, l'ICIJ avait illustré les LuxLeaks par un tampon de l'administration des Contributions directes et des boîtes postales. Le nombre de rulings baisse mais reste encore important à l'échelle européenne.(Photo : DR)

Le nombre de rulings baisse d’année en année, mais le pays reste un champion européen dans ce domaine, selon des chiffres publiés par la Commission européenne et l’OCDE. Cela est particulièrement vrai pour les accords portant sur les prix de transfert intragroupe, le Grand-Duché occupant dans ce domaine la deuxième marche du podium dans l’UE .

Le ministre des Finance se félicite de la baisse du nombre de rulings accordés d’année en année par le fisc luxembourgeois. En 2017, l’administration a conclu 260 de ces accords fiscaux anticipés contre 570 en 2016, soit une baisse de 54 %, s’est réjoui Pierre Gramegna lundi, lors de la présentation du bilan 2017 du ministère des Finances.

Les rulings sont au cœur du scandale LuxLeaks en raison des considérables rabais fiscaux accordés par ce biais par l’administration des Contributions directes (ACD) à des multinationales comme Amazon, IKEA ou McDonald’s.

Le ministère des Finances explique la baisse du nombre de rulings par l’application de règles internationales plus strictes, comme les mesures BEPS, un plan international de lutte contre l’érosion de la base fiscale des entreprises. Une autre explication tiendrait à l’introduction d’une redevance de 10 000 euros que l’ACD exige désormais des sociétés quand elles déposent leur dossier. «Auparavant, beaucoup d’entreprises demandaient des rulings alors que dans les faits elles n’en avaient pas besoin», les cas qu’ils soumettaient pouvant être tranchés sur la seule foi du code des impôts, explique un collaborateur de Pierre Gramegna.

«Le Luxembourg pratique ces rulings comme les 27 autres pays de l’Union européenne», a cru bon de rappeler le ministre des Finances, lundi matin. Cet argument constitue l’une des lignes de défense du Grand-Duché depuis novembre 2014, quand le scandale LuxLeaks a éclaté au grand jour, relayé par une quarantaine de médias dans le monde, sous l’égide du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

Dans le peloton de tête

Il est exact que le Luxembourg n’est pas le seul à sacrifier à cette pratique que d’aucuns jugent illégitimes, mais que Pierre Gramegna défend comme un instrument de sécurité juridique pour les entreprises. Cependant, force est de constater qu’il y a des pays qui en font nettement plus que d’autres, le Luxembourg s’assurant dans ce domaine une confortable place dans le peloton de tête européen.

Mais encore faut-il savoir de quoi l’on parle. Quand Pierre Gramegna évoque les rulings, il totalise deux types d’accords : les «advance tax rulings», ATR en abrégé, et les «advance pricing agreements», APA en abrégé. Les APA permettent aux entreprises de déterminer à l’avance le type d’imposition qui leur sera appliqué sur des opérations de financement intragroupe, c’est-à-dire entre filiales d’une même multinationale (crédits, droits de propriété intellectuels, etc.).

Bien plus que la France et l’Allemagne réunis

Ces accords sont généralement valables pour des durées de plusieurs années. La pratique est légale, mais dans le cas du Luxembourg, la Commission européenne juge que Fiat et Amazon ont franchi la ligne blanche et elle demande la requalification des APA qu’elle désigne comme illégaux.

A l’occasion d’un forum de l’Union européenne consacré le 8 mars aux prix de transfert, la Commission a détaillé pays par pays le nombre d’APA en cours de validité en 2016. Dans un document, relayé la semaine dernière par paperjam.lu, l’exécutif européen constate que la Belgique en concentre 655 et le Luxembourg 559, ces deux pays totalisant à eux seuls 81 % des APA en vigueur en Europe. La Commission en a répertorié un total de 1 539 dans l’UE, selon les chiffres fournis par les Etats membres.

Le Grand-Duché occupe ainsi la deuxième marche du podium européen, pesant pour 38 % des APA en application dans l’UE. À titre de comparaison, la République tchèque est troisième du classement  avec 45 APA, plus de dix fois moins que le Luxembourg. Les grandes économies européennes en émettent également bien moins, à l’image de l’Allemagne (18 à l’intérieur de l’UE), de la France (17) ou du Royaume-Uni (21). Trois pays n’en accordent pas du tout (Bulgarie, Slovénie et Estonie) tandis que trois autres ne fournissent pas de données sur le sujet (Croatie, Chypre et Malte).

Pour sa part, l’OCDE constatait dans un rapport publié début décembre 2017 que le Luxembourg demeurait un champion des rulings de toutes natures. L’organisation en a décompté 5 600 accordés par le fisc entre 2010 et 2016, c’est-à-dire postérieurement à ceux divulgués dans le cadre du scandale LuxLeaks, qui couvraient la période 2002 à 2010 et ne concernait que des rescrits négociés par PWC.

Pour en revenir aux APA, le Luxembourg en a accordé 29 en 2017 contre 118 en 2016, selon le rapport d’activité du ministère des Finances.  Ce qui représente une baisse de 75 %! À ce rythme, le pays va finir par perdre sa place sur le podium. Mais qui s’en plaindra?

Fabien Grasser

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