Il en va de la liste noire des paradis fiscaux adoptée par l’UE le 5 décembre comme de la procession dansante d’Echternach. Mais à l’envers.
Les pèlerins qui dansent les mardis de la Pentecôte sur les pavés de la cité abbatiale luxembourgeoise avancent de trois pas avant de reculer de deux. Ça n’avance pas bien vite, mais ça avance. Sur la fiscalité, l’UE avance pour mieux reculer.
Mardi, elle a retiré de sa liste noire huit des dix-sept pays qui y figuraient en raison des largesses fiscales qu’ils accordent aux entreprises, riches particuliers et autres bandits de grands chemins qui y planquent leur butin.
S’il était légitime de s’interroger sur la présence sur cette liste de la Tunisie, l’on s’explique mal la magnanimité des Européens pour Panama. Peut-être s’agissait-il de réparer une injustice, Panama étant quasiment le seul épinglé parmi les pays dont la révélation des pratiques fiscales toxiques a provoqué des scandales d’ampleur mondiale ces dernières années.
Bahamas, Bermudes, Caïmans ou Suisse n’y figuraient pas. Tout comme le Luxembourg, Malte, l’Irlande et les Pays-Bas, quatre États membres de l’UE ne respectant pas le critère d’équité fiscale adopté par… l’UE pour établir sa liste.
À ce rythme, l’inventaire européen connaîtra le même sort ridicule que celui de l’OCDE pour qui seul Trinidad-et-Tobago pose problème dans le monde! Mais peut-être s’agit-il simplement d’éviter ce terme de «paradis fiscal» qui fâche tant le Grand-Duché et son ministre des Finances, Pierre Gramegna, qui se réfère en permanence à l’OCDE pour s’en laver les mains.
Le commissaire européen en charge de la fiscalité, Pierre Moscovici, l’a bien compris quand il a qualifié la semaine passée le Luxembourg de «trou noir de la fiscalité» européenne. Paradis, c’est pourtant plus joli que «trou noir».
Reste à voir comment l’UE a rétréci sa liste. Il a suffi aux huit pays visés de s’engager par écrit à être plus sages à l’avenir. Facile comme un coup de baguette magique. Maintenant vous savez quoi faire si vous êtes pris pour un oubli dans votre déclaration fiscale : vous promettez à l’inspecteur des impôts de ne plus recommencer. Pour sûr, il passera l’éponge. Enfin, on peut toujours rêver.
Fabien Grasser