Pour avoir colporté une fausse information, deux Françaises avaient dû s’expliquer à la barre du tribunal correctionnel. La partie plaignante leur réclamait 124 000 euros.
«Une petite fille de 5 ans a fait l’objet d’attouchements sexuels dans une structure de jeux pour enfants à Foetz.» Ces ragots ébruités par deux femmes leur avaient valu une citation au tribunal, mi-décembre. La première, qui travaille au CHEM, était poursuivie pour violation du secret professionnel. La seconde, mère au foyer, était accusée de calomnie. Les faits remontent à octobre 2013. Toutes deux ont été acquittées, jeudi matin. Explications.
C’est dans les vestiaires de l’hôpital du CHEM, à la fin de son service, que l’ATM de radiologie avait récolté ladite information. «Mes collègues ont parlé de l’histoire d’une personne qui avait agressé sexuellement une petite fille dans une structure de jeux pour enfants à Foetz», avait-elle expliqué à la barre. À son retour à la maison, en Lorraine, la quadragénaire avait fait part de cette information à une amie. «Car elle aussi avait des enfants en bas âge.»
L’information avait suivi son chemin. L’amie l’avait publiée quasiment immédiatement sur Facebook.Dans son message, elle avait ajouté notamment que «la sécurité y a toujours été déplorable» et que ses «enfants n’iront plus là-bas, ça c’est sûr».
«J’ai eu tort, je le reconnais», avait concédé la mère au foyer, âgée aujourd’hui de 34 ans, face aux juges. Elle avait déclaré ne jamais avoir pensé que cela pouvait être une fausse information étant donné qu’elle venait de l’hôpital.
Interrogée pour savoir si elle n’avait jamais pensé aux conséquences que cela pourrait engendrer pour la société exploitant la structure de jeux, elle avait répondu : «Je voulais juste prévenir que quelqu’un avait agressé une petite fille et qu’on ne l’avait pas retrouvé.»
«Mais ce n’était pas vrai Madame!», l’avait corrigée le président. C’est finalement après avoir vu un démenti dans L’essentiel que la trentenaire dit avoir été incitée à retirer sa publication de Facebook.
Toujours est-il que la société exploitant la structure de jeux avait porté plainte en octobre 2013. Jeudi matin, la 12e chambre correctionnelle a finalement acquitté les deux femmes des infractions non établies à leur charge. Conformément aux réquisitions du parquet, le tribunal a jugé qu’il n’y a pas eu violation du secret professionnel de la part de la professionnelle de santé. «Les bruits de couloir ne sont pas protégés par le secret professionnel. Il s’agit d’un ragot au sujet d’une infraction», avait soulevé le substitut principal.
L’intention délictuelle non prouvée
En ce qui concerne l’infraction de la calomnie que la partie requérante reprochait à l’auteure de la publication Facebook, le représentant du parquet se rapportait à sagesse du tribunal. Mais il avait soulevé que le ministère public n’avait pas exercé d’action publique.
Dans son jugement rendu jeudi, le tribunal a retenu que l’intention délictuelle n’avait pas été prouvée. Ce qui rejoint les plaidoiries de la défense de la trentenaire. «Il n’y avait pas d’intention méchante. Madame a uniquement communiqué l’information en tant que maman dans le seul dessein de protéger les enfants», avait estimé Me Tahar.
Au total, la partie civile réclamait aux deux Françaises 124 000 euros au titre du préjudice ainsi que 2 500 euros d’indemnités de procédure. «L’information mensongère s’est répercutée avec une vitesse fulgurante. En quelques heures, il y a eu 249 partages sur Facebook», avait plaidé Me Roby Schons.
L’avocat de la partie plaignante avait parlé de «faits attentatoires à l’honneur et à la considération». Car la fausse pub sur Facebook aurait engendré une perte de revenus pour la société : «Le nombre d’entrées a subi une chute vertigineuse.» Il avait précisé : «La fausseté de l’information a été clairement démontrée : on a eu une visite immédiate d’agents de police. Le test SAS (set d’agression sexuelle) était tout à fait négatif.»
Vu les acquittements prononcés, le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes d’indemnisation de la partie civile.
Fabienne Armborst