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Justin Turpel : « L’écart grandit entre citoyens et politiques »


«Pour beaucoup d'élus, la politique est l'art d'éviter que les citoyens s'occupent de ce qui les regarde». (Photo Hervé Montaigu)

Le député déi Lénk Justin Turpel a quitté la Chambre des députés, mardi. Retour sur 17 mois d’un mandat auquel il a mis fin pour raisons de santé.

Vous avez assisté, mardi, à votre dernière séance de la Chambre des députés. Comme cela s’est-il passé ?

Justin Turpel : Il y a du regret, mais je dois aussi reconnaître qu’être député est une grande charge de travail. Cela dit, pour moi, être député, c’était la continuation de ce que j’ai fait toute ma vie : le travail militant dans les comités, les mouvements politiques, syndicaux ou contre le nucléaire. Je ne me suis jamais considéré comme un homme politique qui doit organiser la société à la place des citoyens, car ce sont eux qui devraient s’en charger. Pour beaucoup d’élus, la politique est l’art d’éviter que les citoyens s’occupent de ce qui les regarde. Et c’est quelque chose qui m’a choqué pendant ces 17 mois passés à la Chambre.

Pour vous, la politique n’est donc pas une profession ?

Au niveau de l’emploi du temps, cela l’est sûrement, mais pas du point de vue de la qualification, car la meilleure qualification est encore d’être un représentant du peuple, un citoyen comme tout le monde. Mais les citoyens ne sont pas représentés correctement. Si on regarde la composition sociale de la Chambre, je crois que j’étais un des seuls à ne pas être issu d’une université. Mon école, c’était les mouvements sociaux, la lutte…

Ce qui n’empêche pas de s’occuper de dossiers très techniques. Tout dossier devrait être expliqué de façon à ce que chaque député puisse savoir ce qu’il vote. Tout citoyen doit comprendre ce qui se fait à la Chambre, tout dossier devrait être vulgarisé. Ce devrait être le devoir des députés, des fonctionnaires et des conseillers de l’État. Il faut que chacun puisse voir ce qui se cache derrière les dossiers.

Et que se cache-t-il derrière ?

Les projets sont souvent présentés par des gens qui défendent des intérêts particuliers, à l’exemple de la finance. On est confronté à la main mise de certains cercles dominants de la finance ou des multinationales sur l’État et sur la politique. Il faut s’opposer à l’idée qu’il faut être spécialisé dans une branche pour pouvoir participer et contribuer au débat.

La finance paraît pourtant être un domaine complexe…

C’est particulièrement frappant pour la finance parce que les contradictions y paraissent les plus grandes entre les intérêts de 95% de la population et les intérêts de ceux qui s’accaparent toute la richesse du monde. Ce problème se pose aussi avec les OGM, la pollution, le social. Je pense que ceux qui vivent au seuil de la pauvreté savent mieux ce qu’il faudrait changer que des dirigeants d’entreprise, engagés dans une logique de concurrence et non de solidarité.

Or la solidarité fait de plus en plus défaut dans notre société, mais également dans les débats à la Chambre où seule la charité s’y retrouve encore un peu, alors que l’engagement pour le respect de tout être humain y fait cruellement défaut.

Mardi, lors de votre dernière séance, le débat a porté sur l’affaire LuxLeaks, un sujet qui vous a beaucoup préoccupé…

Ce n’était pas intentionnel, ce n’était pas non plus le hasard. Il y a des blocages sur ce dossier depuis des mois. L’affaire est sortie le 5 novembre dernier. Après un travail de sape de notre part mais aussi d’ONG au Luxembourg et en Europe ainsi que d’élus de la Gauche et des Verts au Parlement européen, le gouvernement a dû ouvrir le débat… Mais mardi, cela n’est pas allé très loin.

Entretien avec Fabien Grasser

A lire en intégralité dans Le Quotidien papier de ce lundi.

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