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Théâtre : Nina, ou les petits plaisirs de la vie


Une pièce très riche dans la forme qui propose du jeu, bien sûr, mais aussi de la musique, de la vidéo et quelques très belles scènes de danse. (©Julien Benhamou)

Ah Nina… Certes la jeune fille est un peu écervelée, mais quel dynamisme, quelle joie de vivre, quelle beauté ! Comment ne pas tomber amoureux d’elle ? C’est clair que cette Nina, c’est vraiment autre chose, comme le souligne le titre de la pièce de Michel Vinaver, dont la mise en scène de Florent Siaud est présentée mercredi soir, au Théâtre des Capucins.

On est en août 1976, la demoiselle est shampooineuse, son patron la harcèle sexuellement tous les jours, mais à cette époque difficile de faire valoir ses droits. Elle habite seule, dans un petit studio. Alors son mec, Charles, la quarantaine, coiffeur de son état et harcelé, lui, moralement par le même patron, décide de l’inviter vivre chez lui. Enfin, chez lui, chez eux, car Charles vit avec son aîné, Sébastien, dans la maison qu’ils ont hérité il y a quelques mois de leur défunte mère.

Deux frères à la relation fusionnelle qui n’ont pas vraiment besoin de s’écouter parler pour se comprendre, ce qui donne lieu à quelques scènes surréalistes où plusieurs discussions sont menées de front, se croisent et se recroisent, sans jamais se perdre. C’est que, d’entrée, avant même le début « officiel » de la pièce, le metteur en scène montre à ses spectateurs qu’on est là au niveau de la fable, du récit fantasmé, loin de tout réalisme.

Éric Bernier, Renaud Lacelle-Bourdon, les comédiens qui interprètent les deux frères, sont déjà sur scène, en chaussettes et pour l’un d’eux en slip, quand les spectateurs entrent dans la salle. Ils glandent, s’amusent, se taquinent, interpellent le public… Une entrée en matière parfaite pour une pièce qui jouera ensuite beaucoup de la relation entre la scène et la salle, entre la scène et l’arrière-scène, entre ce qui est dans le récit et ce qui existe aujourd’hui, entre les comédiens et les musiciens, entre les acteurs et les spectateurs.

Tableaux vivants

Une pièce très riche dans la forme qui propose du jeu, bien sûr, mais aussi de la musique, de la vidéo et quelques très belles scènes de danse, principalement de tango. Mais une pièce qui n’oublie pas pour autant le fond. À travers douze tableaux, suivant la vie des personnages pendant une année, elle propose une large palette de sujets importants : la lutte des classes, les droits des travailleurs, l’égalité des sexes, l’intégration des étrangers, la recherche constante de boucs émissaires, etc…

©Julien Benhamou

©Julien Benhamou

Des sujets lourds proposés sans jamais s’appesantir, avec une rare légèreté qui peut faire regretter à certains une certaine superficialité dans le traitement. Des sujets déjà traités et retraités, mais qui méritent néanmoins encore et toujours une petite piqure de rappel. Et pourquoi pas le faire avec le sourire dans ce qu’on pourrait décrire comme une pièce « feel good » ? Car oui, dans Nina, c’est autre chose tout va très vite – un peu trop parfois -, il y a quelques anachronismes – on fredonne du Star Wars alors que le premier film de la saga n’est sorti qu’un an après les événements relatés -, on a un peu de mal à cerner le sujet principal de la pièce, mais on sort de la salle rechargés et avec le sourire.

Car Nina, magnifiquement interprétée par la grand-ducale Eugénie Anselin, dynamise la vie des deux frères. Eux si rangés, si routiniers, finissent par se laisser gagner par la grâce de la jeune fille. Une légèreté qui les fera avancer, eux aussi, dans la vie. Elle leur fera comprendre, à travers une scène de bain d’une grande douceur – bien qu’elle ait fait sursauter quelques spectateurs –, que parfois il faut juste savoir profiter ; profiter de la vie, profiter de ses amis, profiter de la musique, profiter du goût des dattes… Profiter en somme des petits plaisirs du quotidien, de l’instant présent.

Un Carpe Diem moderne au rythme soutenu pour une pièce multiple aux comédiens qui s’engagent corps et âme. Superbe !

Pablo Chimienti

Théâtre de Capucins. Mercredi 13 décembre à 20h

 

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