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A31 : l’autoroute de tous les excès


Temps de conduite explosés, chauffeurs fantômes, remorques en surpoids : les CRS traquent les excès des routiers circulant sur l’A31.

Les camions représentent 25% du trafic dans le secteur de Toul (chiffres : Dir Est, comptage 2013); parfois plus de 20% à la patte d’oie de Richemont, au sud de Thionville et souvent autour de 15% du trafic moyen sur l’A31 qui atteint dans certaines portions 100 000 véhicules par jour. Mur infranchissable sur la voie de droite pour ceux qui veulent quitter l’axe qui irrigue la Lorraine du Nord au Sud, les poids lourds font souvent peur aux usagers quotidiens entre Nancy et Luxembourg. Alors, représentent-ils un réel risque ou s’agit-il d’un fantasme de plus entretenu sur le thème de «l’autoroute de tous les dangers» ?

Vu du Groupe de lutte contre la délinquance routière (GLDR) que dirige le brigadier-chef Alexandre Gemellaro à la CRS autoroutière de Champigneulles, la réponse est immédiate : «Oui, c’est évident, même s’il faut se garder de mettre tout le monde dans le même sac. En janvier dernier, on a arrêté un chauffeur qui transportait des fruits et légumes d’Espagne aux Pays-Bas. Il en était à 18 heures de conduite journalière. C’était un zombie. Imaginez ses réflexes en cas de ralentissement», suggère le policier.

Des cabines remplies de Red Bull

En trois mois, depuis le début de l’année, lui et son équipe ont déjà dressé pour 600 000 euros de contraventions, après 1,8 million d’euros en 2014. «Une très grande partie des infractions concerne le temps de repos», confirme le CRS.

Même si les antiques «disques» ont été remplacés par des chronotachygraphes électroniques et des cartes, les chauffeurs utilisent toutes les techniques de fraude pour contourner les mouchards high-tech : avec des aimants, par exemple, qui déroutent les capteurs et simulent des temps de repos.

«Une très grosse société de transport de frais évite désormais l’A31. Les deux chauffeurs qui se relayaient au volant avaient une carte supplémentaire, un chauffeur fantôme, au vu et au su de leur employeur. On a dressé 150 000 euros de PV en deux mois la concernant, pour une série de fraudes. Ce qui m’inquiète, c’est que le danger s’est déplacé avec eux sur un autre axe», détaille Alexandre Gemellaro.

Des chauffeurs payés au kilomètre (parfaitement illégal) aux camionneurs dopés pour ne pas dormir – «les cabines sont remplies de Red Bull mais on ne trouve pas de stupéfiants» –, l’A31 est traversée par un «sous-prolétariat» du transport longue distance qui ne fait que passer par la Lorraine. «Il y a rarement des difficultés pour que les chauffeurs paient les amendes. C’est très organisé», confirme le capitaine Charles Barion, qui dirige la CRS autoroutière de Champigneulles.

Des sociétés de taxi sont ainsi mobilisées comme intermédiaires pour régler les infractions sur le champ et faire en sorte que le poids lourd reparte sans délai. «Des amendes à 20 000 euros sont payées dans l’heure. Bref, on a l’impression que c’est intégré dans le prix du transport», se désole Alexandre Gemellaro, qui a conscience «des limites» du contrôle qu’il exerce. Selon lui, il faudrait sans doute remonter «aux donneurs d’ordre» mais les procédures qui atteignent les «patrons» de sociétés de cabotage européen sont «rares». «Quand on a des preuves, on indique qu’il y a incitation par l’employeur», remarque le policier.

Alain Morvan (Le Républicain Lorrain)

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